Intervention de Stéphane Travert

Réunion du mercredi 6 juin 2018 à 21h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

En ce qui concerne la PAC, je vous invite à lire le texte de la proposition de résolution européenne que le Sénat a adoptée cet après-midi à l'unanimité avec l'avis favorable du Gouvernement. Vous avez raison, monsieur Potier : s'agissant de la PAC, nous devons parler d'une seule voix, car la France doit non seulement défendre les intérêts de l'Europe – nous sommes profondément européens – mais aussi les intérêts des agriculteurs français. Or, en l'état, nous ne pouvons pas accepter la proposition de cadre financier pluriannuel. Il nous a donc fallu prendre notre bâton de pèlerin pour convaincre des alliés. J'ai été à l'initiative de la création du groupe de Madrid composé de six États membres : la France, l'Espagne, la Finlande, la Grèce, le Portugal et l'Irlande. Ensemble, nous avons décidé de présenter un mémorandum aux autres États membres à l'occasion du Conseil informel qui s'est tenu à Sofia en début de semaine. De nouveaux alliés nous rejoignent. En effet, nous ne pouvons pas accepter que cette baisse drastique, massive et aveugle mette en danger la viabilité de nos exploitations. La PAC est l'une des politiques européennes les plus intégrées. Le taux de retour pour la France est très important. Nous sommes donc naturellement opposés aux coupes significatives que propose la Commission. De même, les coupes qu'elle propose concernant le FEADER remettent en question notre capacité à transformer l'agriculture au moyen d'outils ciblés et le développement même de la ruralité.

Nous avons toujours dit que la PAC doit être dotée d'un budget ambitieux qui préserve les filets de sécurité dont les agriculteurs ont besoin. Cela étant, le maintien en l'état du budget européen à vingt-sept États ne signifie pas qu'il ne faille pas toucher à la PAC. Au contraire, nous souhaitons la doter des outils de modernisation, de simplification, de réponse aux enjeux climatiques et environnementaux ainsi qu'aux enjeux de la transition agro-écologique dans laquelle l'agriculture est désormais embarquée. C'est pourquoi nous estimons que la proposition de la Commission n'est pas satisfaisante. Dans la perspective des élections européennes qui auront lieu en mai 2019, nous souhaitons l'avancée rapide des négociations aussi bien sur le plan financier qu'en ce qui concerne l'évaluation des outils de la PAC pour, in fine, obtenir un accord politique. Afin d'obtenir cet accord sur le budget de la PAC de l'Union à vingt-sept États, chacun doit pouvoir s'exprimer. Les sénateurs l'ont fait aujourd'hui par leur proposition de résolution européenne ; il nous faut également convaincre les députés européens de défendre notre vision de la PAC. Il va de soi que les députés français doivent eux aussi s'emparer de cette question et soutenir notre action, car nous avons besoin de votre voix pour remettre la Commission dans un meilleur état d'esprit à l'égard de la construction budgétaire que nous appelons de nos voeux. La PAC ne saurait être la variable d'ajustement d'autres politiques, qu'il s'agisse du Brexit, de la politique de défense, de la politique migratoire ou encore de la politique de recherche et d'innovation, même si elles sont nécessaires.

J'ajoute – car j'entends jouer une petite musique contraire ces temps-ci – qu'en ce qui concerne la PAC et l'Europe, la France ne parle que d'une seule voix. Lors de la conférence du 19 décembre sur la PAC, nous avons produit un document de référence sur la position française, qui est défendue par le Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement. J'y insiste : la France n'a sur la PAC qu'une seule voix, une seule position, que nous nous adressions à Bruxelles ou à nos concitoyens. Encore une fois, les parlementaires doivent enclencher une dynamique à travers leurs réseaux et la portée politique des actions de leurs groupes.

En 2014, monsieur le rapporteur général, la part des bénéficiaires de l'ICHN dans l'ensemble des demandeurs des aides de la PAC s'élevait à 25,05 %. Elle a atteint 26,49 % en 2015 et 28,88 % en 2016, la hausse de 2016 étant en partie imputable à l'évolution des modalités d'octroi de l'aide avec l'intégration des éleveurs laitiers, d'où l'augmentation du nombre de bénéficiaires. En 2017, cette part s'élève à ce stade à 28,85 % – c'est un chiffre provisoire qu'il faudra réactualiser en fonction des dossiers en cours d'instruction en Corse et dans les territoires d'outre-mer. La révision de la carte des zones défavorisées dites « simples » se traduira par l'ajout de 4 000 communes supplémentaires, soit 8 000 bénéficiaires potentiels, d'où la hausse mécanique de l'indicateur.

Les dépenses fiscales, agricoles et forestières, madame Verdier-Jouclas, permettent d'accompagner la mise en oeuvre des politiques publiques et contribuent à la baisse des charges ou des incitations, comme c'est le cas des crédits d'impôts pour l'agriculture biologique. La baisse des dépenses fiscales n'est pas un objectif en soi ; mieux vaut rechercher leur meilleure adéquation avec les objectifs défendus. C'est ce que nous ferons dans le projet de loi de finances pour 2019 avec la réforme de la fiscalité agricole. Avec certains de vos collègues, madame la députée, vous faites partie du groupe de travail constitué sur ce sujet. Des propositions seront examinées dès le début du mois de juillet pour être soumises à votre débat et à votre vote dans le cadre de la discussion budgétaire.

Depuis 2011, le nombre et le montant des dépenses fiscales agricoles ont fortement diminué : de 45 dispositifs qui coûtaient 3,3 milliards d'euros, nous sommes passés à 36 dispositifs pour un coût de 2,7 milliards. Ces montants, monsieur Turquois, tiennent compte de la totalité du taux réduit de la TICPE sur le gazole non routier – c'est-à-dire dans les secteurs de l'agriculture, des transports et des bâtiments et travaux publics. Le coût global des dépenses fiscales pour la seule mission Agriculture serait de 1 709 millions d'euros en 2016 et de 1 667 millions en 2017. La réforme de la déduction pour investissement, instaurée en 2012, s'est également traduite par une forte baisse du coût de cette mesure, passé de 230 millions en 2012 à 7,8 millions en 2016.

En 2017, le nombre de dispositifs existants a diminué d'une unité par rapport à 2016 en raison de la mesure très spécifique et devenue sans objet concernant l'autorisation à titre expérimental de l'usage des huiles végétales pures comme carburant des flottes captives des collectivités locales ou des regroupements, qui avaient signé avec l'État un protocole encadrant cet usage à un taux réduit jusqu'au 31 décembre 2015.

Les soutiens publics apportés à l'agriculture française s'inscrivent dans le cadre des dispositifs et financements communautaires dont la mise en oeuvre mobilise des moyens importants au sein du ministère de l'agriculture. Il faut rendre compte de la performance des actions relevant du programme 149 pour assurer le paiement des aides dans les meilleurs délais, vérifier la conformité des paiements avec la réglementation communautaire et éviter tout risque de pénalité financière – c'est-à-dire les refus d'apurement. La réalisation de ces objectifs passe par la simplification des procédures de gestion et la réorganisation du dispositif des contrôles sur place. Cet aspect est pris en compte dans la maquette de performance actuelle grâce au prisme de l'indicateur du coût de gestion des aides de la PAC, qui permet d'apprécier l'évolution du coût de gestion qui incombe à l'État pour la mise en oeuvre de la PAC.

Le suivi des montants de correction financière et le respect du calendrier de versement des aides de la PAC aux exploitants font l'objet d'une attention soutenue de la part du ministère, bien qu'ils ne figurent plus explicitement dans la maquette de performance du programme 149.

M. Prud'homme a évoqué les apurements dans le contexte européen. Tous les États membres ont subi des montants de correction financière comparables à ceux de la France, par rapport au niveau des aides perçues. La France n'est donc pas désavantagée et ne gère pas moins bien ces aides que les autres États, comme vous sembliez l'entendre. Les niveaux d'engagement concernant les refus d'apurement sont similaires d'un État à l'autre. Nous nous employons naturellement à limiter autant que possible ces refus. N'hésitons pas à aller jusque devant la Cour de justice pour diminuer ces taux et corriger les effets des refus d'apurement, de sorte que la dotation de 300 millions d'euros prévue dans le budget puisse être utilisée à autre chose, par exemple à la gestion d'éventuels aléas climatiques et sanitaires.

La mesure relative aux TO-DE a longtemps été sous-budgétisée, monsieur Turquois. Dans le cadre de l'effort de sincérisation budgétaire consenti en 2018, nous avons prévu des crédits suffisants pour couvrir la totalité du coût de la mesure, c'est-à-dire 50 millions d'euros supplémentaires, ce qui semble très utile.

Il est vrai, monsieur Viala, que, s'agissant des retraites, le Gouvernement a fait le choix de ne pas approuver la proposition de loi du président Chassaigne, adoptée à l'Assemblée sous la précédente législature et soumise à l'examen du Sénat.

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