Intervention de Mohamed Laqhila

Réunion du mardi 12 juin 2018 à 8h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMohamed Laqhila, rapporteur spécial pour la politique des territoires :

Avant de commencer, j'aimerais souligner l'importance des mesures de régulation budgétaire opérées en 2017 sur ce programme puisque 222 millions d'euros, soit près de 25 % des crédits engagés, ont été annulés.

J'ai choisi de concentrer mes travaux d'évaluation dans le cadre du projet de loi de règlement sur les dispositifs de promotion de l'emploi dans la politique des territoires et la politique de la ville. Mon objectif était très clair : relever le nombre d'emplois créés grâce à ces dispositifs, afin d'évaluer leur efficacité.

Je me concentrerai d'abord sur la prime d'aménagement du territoire (PAT), un dispositif efficace, bien évalué et qui permet de soutenir fortement l'emploi. J'insisterai ensuite sur les difficultés méthodologiques concernant l'évaluation de ces dispositifs, laquelle pourrait cependant être améliorée. Enfin, je vous ferai part de mes questionnements et propositions sur ces différents sujets.

Pour commencer, j'aimerais m'attarder sur la PAT, un dispositif du programme 112 Politique des territoires, entièrement financé par le ministère de la cohésion des territoires. C'est une aide directe à l'investissement, destinée à soutenir le développement des entreprises des secteurs de l'industrie et des services dans des zones économiques prioritaires. Une aide de 15 000 euros maximum par emploi créé peut être attribuée à l'entreprise lorsque le projet de création d'établissement entraîne un investissement de 3 millions d'euros, et la création de vingt emplois nets en contrat à durée indéterminée (CDI), maintenus pendant cinq ans.

En 2017, 38 projets ont ainsi reçu une prime d'aménagement du territoire, ce qui représente 23,4 millions d'euros, près de 6 400 emplois soutenus, dont 2 500 créations d'emplois, et 467 millions d'investissements de la part des entreprises. Parmi les 23,4 millions engagés, 4,9 millions ont dû l'être en 2018 du fait du manque de crédits disponibles. Le coût par emploi soutenu en 2017 par ce dispositif est d'environ 2 900 euros. En région Provence-Alpes-Côte d'Azur, deux projets ont été primés, permettant de soutenir la création de 105 emplois et 11 millions d'euros d'investissements.

L'évaluation à mi-parcours de la PAT, publiée en décembre 2017 par un cabinet indépendant, EY, anciennement Ernst & Young, a mis en avant l'effet positif de cette subvention sur l'emploi et l'investissement. Cependant, cette évaluation a aussi pointé le manque de moyens du dispositif et l'absence de doctrine d'intervention du fait d'un positionnement stratégique trop large.

De fait, l'enveloppe budgétaire du dispositif diminue régulièrement, de même en conséquence que le nombre de projets soutenus, ce que nous ne pouvons que regretter. En 2017, la PAT a été abondée à hauteur de 18,2 millions contre 36,7 millions en 2013 soit une division par deux du montant des crédits alloués à cette politique. Lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2018, le Gouvernement avait prévu de diminuer encore le montant des crédits alloués à la PAT, avec une enveloppe de seulement 10 millions. Malgré un abondement de 5 millions que nous avons réussi à faire voter, ces crédits ne seront sans doute pas suffisants pour financer tous les projets de cette année.

EY recommande d'augmenter fortement la dotation à destination de la PAT. A minima, il serait nécessaire de revenir à un budget de 30 à 40 millions, afin de soutenir les grands projets mettant en concurrence la France avec d'autres sites. Sachez qu'avec un budget de 60 à 100 millions, le dispositif remplirait le double objectif de cohésion et d'attractivité qui lui était initialement assigné : nous devrions engager une vraie réflexion autour de son avenir.

J'en viens aux difficultés méthodologiques propres à l'évaluation des dispositifs de promotion de l'emploi. En effet, ces dispositifs ont bien souvent des objectifs plus larges que la création ou le soutien à l'emploi. Il est donc difficile d'isoler les effets sur l'emploi des autres effets plus globaux – par exemple sur l'attractivité d'un territoire. En outre, la création d'emplois peut être liée à la combinaison de plusieurs politiques publiques. Enfin, le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) ne finance qu'une partie des dispositifs qui permettent la création ou le soutien d'emplois.

Par exemple, il est compliqué de mesurer le nombre d'emplois créés par les contrats de plan État-régions dont une partie est aussi financée par le programme 103 de la mission Travail et emploi. En 2016, le CGET a évalué le dispositif et conclu à la création de 155 000 emplois temporaires entre 2007 et 2014, mais il a été dans l'incapacité d'évaluer le nombre d'emplois durablement créés.

J'appelle par ailleurs votre attention sur le manque d'évaluation concernant l'effet des zones franches urbaines (ZFU) sur l'emploi. D'une part, le montant estimé des compensations des exonérations de cotisations sociales est évalué de manière approximative. Cela conduit à des hausses abruptes du montant de la compensation due en cours d'année, soit une augmentation de 15 millions, soit de 55 %, en 2017, difficiles à supporter pour un programme aux moyens limités. D'autre part, nous manquons d'études statistiques indépendantes fondées sur une véritable méthodologie scientifique pour évaluer le nombre d'emplois créés grâce aux ZFU. Des études ont souligné l'impact positif de la première génération de ZFU (1997-2004), celui de la deuxième génération (2004-2014) paraissant plus limité. De nouvelles évaluations sont nécessaires pour actualiser ces données et évaluer la pertinence réelle des zones franches urbaines, notamment du dispositif ZFU-territoires entrepreneurs (ZFU-TE), instauré en 2014.

Plusieurs questions découlent de ces différents constats.

La première, d'ordre général, porte sur l'exécution des crédits. Comment justifiez-vous le niveau d'annulations particulièrement élevé, notamment au regard du principe de respect de l'autorisation budgétaire du Parlement ?

En ce qui concerne l'évaluation des dispositifs de promotion de l'emploi, plusieurs séries de questions se posent. Premièrement, quels sont vos arbitrages concernant le financement de la PAT pour l'année 2019 ? Allez-vous tenir compte de l'évaluation de mi-parcours ? Vous avez un dispositif qui fonctionne bien, qui crée de l'emploi avec un coût limité pour nos finances publiques. Pourquoi ne pas augmenter l'enveloppe budgétaire accordée à ces financements, quitte à diminuer les crédits versés à d'autres dispositifs moins efficaces ? Nos concitoyens nous reprochent souvent de ne pas aider suffisamment les territoires ruraux défavorisés. Ce serait l'occasion de leur envoyer un signal fort.

Deuxièmement, dans quelle mesure pouvez-vous améliorer l'évaluation des dispositifs de promotion de l'emploi financés par la mission Cohésion des territoires, compte tenu des difficultés d'ordre méthodologique que j'ai évoquées ? Serait-il possible de prévoir une remontée d'informations systématisée de la part des entreprises aidées par ces dispositifs ? Pourrions-nous augmenter les crédits dédiés à cette évaluation, voire en consacrer certains à l'évaluation du dispositif des zones franches urbaines ?

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