Intervention de Julien Denormandie

Réunion du mardi 12 juin 2018 à 8h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires :

Monsieur le rapporteur spécial, la première question que vous posez concerne le montant des annulations de crédits des programmes territoriaux. Il s'avère que dans la sphère du ministère, il y a deux programmes : le programme 112 Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire et le programme 147 Politique de la ville.

Vous avez raison, ces deux programmes ont connu de fortes diminutions en cours d'exécution en 2017 – plus de 100 millions d'autorisations d'engagement pour le programme 112, et autour de 130 millions pour le programme 147.

Pourquoi ces annulations ont-elles été opérées ? Dans le cadre de l'équilibre du budget général de ce ministère, on a dû procéder à des augmentations, notamment une augmentation très sensible au titre du programme 177 sur l'hébergement d'urgence, dont on a parlé tout à l'heure avec le rapporteur Jolivet. Plus de 275 millions ont ainsi été ouverts en cours d'exécution – 120 à l'été, 65 en novembre, puis 90 en fin d'exécution. Cela a nécessité des fermetures d'autorisations d'engagement sur d'autres programmes.

Vous avez ensuite posé deux questions très précises, qui concernent la PAT et le suivi de la création d'emploi par certains dispositifs, notamment ceux des SFU.

Pour ma part, je crois profondément à l'utilité de la PAT. Il faut dire que j'ai passé quatre ans de ma vie à soutenir les entreprises dans les territoires, pour accompagner des entreprises en restructuration ou en projet d'aménagement, et que j'ai donc eu l'occasion de recourir à la PAT.

Vous avez rappelé l'audit du cabinet EY, qui a mis en avant ce dispositif. Il est d'ailleurs assez rare qu'un cabinet d'audit promeuve un dispositif qui dispose de si peu de moyens – en l'occurrence, une vingtaine de millions. Pour qu'il propose de faire passer son budget entre 30 et 40 millions d'euros, c'est dire qu'il le trouve utile – ce qui ne signifie pas qu'il n'aurait pas besoin d'être amélioré.

Le dispositif de la PAT est utile parce que c'est un moyen de lutter contre les inégalités territoriales. C'est aussi un coup de pouce pour un certain nombre de projets d'installation, voire de réhabilitation. Je citerai le cas d'une usine qui est en train de fermer, avec, derrière, un projet de réindustralisation : avec la PAT, nous pouvons accompagner ce type de projets.

Il faut reconnaître que son budget est assez limité : 15 millions seulement en 2018. Et encore, lors des débats budgétaires, on était parti sur 10 millions d'euros. C'est à la suite des interventions des députés, notamment de vous-même, monsieur le rapporteur spécial, qu'on l'a porté à 15 millions. Est-ce suffisant ? Peut-être pas. Il faut reconnaître que la tension est forte et que nous avons beaucoup de demandes. On n'a pas encore fixé de montant pour l'avenir, et il va sans dire que l'atmosphère n'est pas à une augmentation de crédit de toutes les lignes. Reste à savoir comment en privilégier certaines – les plus pertinentes.

Dans le débat qui s'ouvrira, il faudra s'intéresser à la PAT, mais aussi aux autres dispositifs de soutien industriel. Souvent, dans les projets que j'ai eu l'occasion d'accompagner, j'avais la possibilité de recourir à la PAT, mais aussi aux prêts du Fonds de développement économique et social ou à d'autres types de soutien, comme l'aide à la réindustralisation, l'ARI, notamment l'ARI PME, qui sont des dispositifs gérés par Bercy. C'est souvent la complémentarité entre tous ces dispositifs qui permet de faire émerger un projet.

Monsieur le rapporteur spécial, vous vous êtes interrogé sur l'efficacité du dispositif, et vous avez rappelé certains chiffres. Il est toujours très compliqué d'apprécier le nombre d'emplois créés – qui plus est lorsqu'il s'agit d'emplois induits, indirects, etc. D'après certaines études, pour un peu moins de quarante projets, plus de 3 000 emplois ont été créés. En tout état de cause, je considère que le dispositif de la PAT est vraiment efficace, que nous devons le maintenir et le faire perdurer. En moyenne, son coût est de 1 500 euros par an et par emploi créé quand il est utilisé pour une grande entreprise, et de 3 000 euros pour une petite et moyenne entreprise (PME).

Votre troisième question portait sur l'évaluation de ces politiques. Là encore, il est toujours très compliqué d'évaluer les politiques créatrices d'emplois. Mais toute l'action de ce gouvernement est fondée sur l'émancipation par le travail, l'aide à la création d'emplois et l'aide au retour à l'emploi. Et cela se vérifie aussi dans les politiques territoriales que l'on défend.

L'effet des ZPU et des ZFU-TE sur l'emploi est d'autant plus difficile à apprécier que la méthodologie pour faire ces évaluations est atrocement compliquée – quand elle existe. Mais vous avez raison : si l'on est assez solide en matière d'évaluation lorsqu'il s'agit de la PAT – avec EY, etc. – on l'est beaucoup moins quand il s'agit des ZFU.

On a du mal à déterminer quels sont les types d'exonérations dont bénéficient les entreprises dans les ZFU. Premier obstacle : certaines entreprises bénéficient des exonérations au titre des ZFU, d'autres bénéficient des exonérations de droit commun. Dans ces conditions, comment savoir si, oui ou non, la ZFU a eu un véritable effet ? Deuxième obstacle : aucun échéancier n'est pareil. Troisième obstacle : l'évolution de la masse salariale. Toute la masse salariale ne donne pas lieu aux compensations permises par la ZFU, ce qui complexifie encore le dispositif.

Pour être très court et concret, je pense qu'il serait intéressant de mener une évaluation avec les services du ministère des finances, pour pouvoir répondre à ces questions de méthodologie et éclairer la représentation nationale. Cette évaluation, que l'on vous ferait parvenir, porterait sur les entreprises qui ont bénéficié du dispositif de la ZFU, leur nature juridique, leur secteur d'activité, leur ancienneté, etc.

Enfin, monsieur le président, vous avez évoqué les CPER.

Ces dernières années, et les budgets en ont témoigné, beaucoup de crédits d'investissement ont été mis en place. Je pense bien entendu à la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), qui a reçu des montants très importants, ce qui est assez rare pour une nouvelle action. Je pense aussi aux CPER.

Je crois profondément aux CPER, et je le dis avec d'autant plus de sincérité que ce gouvernement n'en a pas la paternité. J'y crois pour plusieurs raisons. D'abord, ils permettent, à intervalles réguliers, de mettre tout le monde autour de la table, et de définir quelles sont les priorités sur le terrain. Je pense que cela a d'immenses vertus. C'est cet aspect contractuel que je prône dans l'action publique, car c'est ainsi que l'on peut faire avancer les projets. Ensuite, certains projets de CPER ne pourraient voir le jour sans les engagements de l'État. Je pense, notamment, à de nombreux projets de transports urbains, ruraux, ou de réhabilitation de grandes infrastructures. Cette programmation est donc nécessaire. Enfin – et cela fait écho aux propos du rapporteur Laqhila – le CPER comporte un volet de soutien à l'emploi, ce qui est extrêmement important.

Aujourd'hui, nous sommes à une période charnière. Vous le savez, monsieur le président, nous sommes censés revoir les CPER. Les discussions vont avoir lieu. Je pense qu'il faut vraiment entrer dans ces négociations. Nous devons nous attacher à ces CPER, pour les raisons que je viens de vous indiquer.

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