L'année 2017 a été difficile pour le budget de la politique de la ville, madame Osson : 130 millions de crédits ont été annulés. Nous avons tâché de minimiser les effets – sans pour autant les éviter complètement – de ces annulations sur le terrain : pour la plupart, elles ont concerné des actions centralisées. Ces décisions difficiles ont parfois été très mal comprises ; je l'ai déjà souvent dit, une politique de rabot n'est jamais une bonne politique.
Cela étant dit, nous nous sommes résolument engagés – le Président de la République l'a rappelé – à pérenniser le budget de la politique de la ville afin de donner de la visibilité à tous les acteurs du secteur, y compris les plus de 8 000 associations que finance cette politique. Dans le sillage des travaux de M. Borloo, nous réexaminons les modalités de financement et d'action de ces associations pour envisager un financement pluriannuel et éviter le recours systématique à l'appel à projets, surtout pour les petites associations.
Vous m'interrogez aussi, madame la députée, sur les zones relevant du droit commun face à celles qui relèvent de la politique de la ville. Notre boussole est claire : il faut rétablir la République partout et pour tous. Or, ces dernières années, elle a été très présente dans certains quartiers, en retrait dans d'autres où les infrastructures publiques ont reculé, les aides ont diminué, les services – médicaux ou postaux par exemple – ont fermé. Nous voulons assurer l'équité en donnant plus à ceux qui en ont le plus besoin pour que les mêmes services puissent être dispensés partout – et donc assurer le droit commun. Pour ce faire, une étape préalable doit être franchie : celle de la politique de la ville. Les deux discours ne sont pas contradictoires : nous aurons accompli notre tâche lorsque seul le droit commun s'appliquera partout mais, en attendant, il est nécessaire d'utiliser le levier de la politique de la ville.
M. Morel-À-L'Huissier a évoqué l'articulation entre le CGET et l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). La préfiguration en cours de l'ANCT a été confiée au commissaire général, M. Serge Morvan, et doit permettre au Gouvernement d'en définir les contours. Selon moi, cette structure doit obéir à deux priorités. La première consistera pour ses agents à répondre aux seules demandes des élus locaux, et non à celles des ministres – ce qui représente un bouleversement de l'approche de l'action de l'administration. Deuxième priorité : l'ANCT doit fonctionner en mode « projet » uniquement, en pilotant chaque projet individuel au moyen de rétroplannings – en clair, selon la même approche que celle de l'opération « Action coeur de ville », qui fait émerger les projets pour lesquels les élus locaux ont sollicité l'accompagnement de l'État.
Nous ne disposons pas encore du bilan des ZRR. Vous le savez, un certain nombre de communes ont été déclassées de ces zones en 2017 et notre action a consisté pour l'essentiel à compenser les effets ces déclassements en réintroduisant des communes dans le dispositif. Nous vous communiquerons le bilan dès que nous en disposerons.
Plus de 450 contrats de ruralité ont été signés et d'autres le seront bientôt ; nous encourageons vivement cette tendance. Ils doivent bénéficier de l'accompagnement financier de l'État qui prend deux formes : la dotation d'équipement des territoires ruraux, pour plus d'un milliard, et la DSIL, pour plus de 600 millions. Les parlementaires doivent être particulièrement vigilants quant à la concrétisation de ces financements, parce que les contrats de ruralité sont un puissant facteur d'équilibre territorial.
Nous n'avons pas calculé la masse globale des crédits affectés au milieu rural – un débat récurrent – car beaucoup de politiques sont transversales, qu'il s'agisse de l'éducation nationale ou des différents volets des CPER qui concernent la ruralité.
J'en viens aux opérateurs de téléphonie mobile. Si quelqu'un s'est battu corps et âme face à eux depuis dix mois pour faire progresser les choses, c'est moi ! L'une des principales inégalités territoriales est l'inégalité d'accès au numérique et à la téléphonie mobile. Vous venez par exemple de voter une loi qui rend le droit au télétravail opposable, mais la moitié seulement de la population a accès au très haut débit ! Dès ma prise de fonctions, j'ai donc fait du déploiement de ces réseaux l'une de mes priorités.
L'attribution à Orange du service universel, monsieur Morel-À-L'Huissier, s'accompagne de droits mais aussi de devoirs : je rappelle régulièrement à qui de droit qu'il faut s'en acquitter concernant telle ou telle difficulté qui m'est communiquée. N'hésitez pas de votre côté, si vous disposez d'éléments d'information, à me les transmettre pour que je les relaie. Le contrat existe ; il doit être respecté.
Le 14 janvier, nous avons signé avec les opérateurs un accord majeur concernant le déploiement du réseau fixe et mobile qui prévoit un investissement supplémentaire de 3 milliards, en particulier dans les zones rurales, où les opérateurs n'intervenaient pas jusqu'alors parce qu'elles n'étaient pas assez rentables. Le paradigme est simple : l'activité des opérateurs repose sur les fréquences – c'est-à-dire les ondes qui transportent la voix humaine – que l'État met régulièrement aux enchères. Or, jusqu'à présent, ces fréquences n'étaient estimées qu'au prisme budgétaire ; désormais, elles devront l'être au prisme de l'aménagement du territoire. C'est sur cette base que nous avons signé le contrat en janvier, sous le sceau de l'ARCEP, en y incluant des engagements contraignants afin que chaque opérateur déploie 5 000 nouveaux sites, dont certains seront mutualisés. C'est une avancée majeure qui permettra d'assurer le passage de la 2G et de la 3G à la 4G, indispensable à l'accès au numérique sur les téléphones portables, et de couvrir les principaux axes de transport.
La politique d'aménagement du territoire que nous menons repose sur un trépied dont aucun volet ne peut être envisagé isolément : l'aménagement des infrastructures, sous la responsabilité de M. Mézard et la mienne, l'emploi, sous celle de Mme Pénicaud, et les transports, sous celle de Mme Borne. Il faut tout à la fois un cadre – logement, numérique – mais aussi l'emploi et la mobilité. Le défi consiste à relier ces pans de notre action. C'est très difficile, car les pas de temps sont différents : les poches d'emploi dans le secteur du bâtiment, par exemple, doivent rester disponibles pendant le temps de la construction ; quant aux projets de transport, ils obéissent à un pas de temps encore différent. Quoi qu'il en soit, une bonne politique territoriale est celle qui repose sur ces trois piliers ; c'est celle que nous appliquons.
Il existe plus de 1 200 MSAP, monsieur Bricout. Elles sont financées par les collectivités locales ou par La Poste selon les cas, avec le concours du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT). Nous voulons qu'elles puissent également accueillir de nouvelles activités. Prenons un exemple précis : 13 millions de personnes sont éloignées du numérique – et, comme le dit souvent M. Mahjoubi, ignorent comment monter dans le TGV qui passe pourtant devant chez elles. Il faut donc former nos concitoyens afin qu'ils aient accès à ces outils ; pourquoi les MSAP ne seraient-elles pas demain ces lieux de formation ? Cela vaut dans d'autres secteurs : les MSAP pourront-elles contribuer au déploiement de la télémédecine, par exemple ? Autre question : les MSAP doivent-elles être installées dans des lieux ad hoc, dans des gares SNCF comme c'est déjà souvent le cas, ou encore dans les mairies ? Gardons-nous de figer les choses : il faut s'adapter aux territoires et, en tout état de cause, le FNADT doit mobiliser les moyens nécessaires au développement des MSAP.
Quant au zonage du logement social, j'en comprends le principe mais c'est un phénomène très français : les zones varient selon les outils – qu'il s'agisse du Pinel, du PTZ, des APL ou d'autres mesures fiscales – et mieux vaut posséder un doctorat pour en percer le maquis... La loi impose la révision périodique du zonage ; c'est ce que nous faisons, malgré l'immense difficulté de la tâche ; d'innombrables parlementaires m'ont saisi par écrit du cas de leur commune. Surtout, il faut réfléchir à la territorialisation des dispositifs fiscaux.
Les financements de l'ANRU sont finalisés, monsieur Coquerel : ils sont passés de 5 à 10 milliards. Reste à s'assurer que toutes les grues reviennent dans les quartiers. Pour cela, il faut passer en mode « projet » : les élus locaux savent en effet que les dossiers de préinstruction et de dépôt à l'ANRU sont extrêmement complexes. De ce point de vue, je salue les travaux de l'ANRU, d'Action Logement et des services de mon ministère pour simplifier au maximum les procédures. Le dernier conseil d'administration de l'ANRU, le 25 mai, a produit des résultats significatifs, mais il faut aller encore plus loin, conformément à la demande du Président de la République, pour accélérer l'exécution des projets de l'Agence.
S'agissant du FNAP, je crois profondément à l'aide à la construction. Quant à l'IFI, c'est un vaste sujet sur lequel je ne dirai que ceci : pendant plusieurs années, j'ai mobilisé des aides aux entreprises dans l'ensemble des territoires en recherchant toutes les solutions possibles – PAT, financements de l'État, et ainsi de suite. Or, les financements privés que je parvenais à mobiliser provenaient tous de fonds – « vautours » et autres – anglo-saxons, russes et chinois, qui voulaient investir dans la relance de telle et telle entreprise. En clair, la France a un problème de capitalisme industriel. La réforme de l'IFI, avec laquelle je connais votre désaccord, monsieur le député, vise précisément à réorienter ces capitaux pour reconstituer le capitalisme industriel français.