Intervention de Guillaume Larrivé

Réunion du mercredi 6 juin 2018 à 18h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Larrivé :

J'exprimerai la position du groupe Les Républicains. Madame la garde des Sceaux, la vingt-cinquième révision de la Constitution de la Ve République, que vous nous soumettez aujourd'hui, est-elle conforme à l'intérêt national ?

Pour y répondre, nous avons devant nous plusieurs mois de travaux. Il me semble nécessaire, dès aujourd'hui, d'indiquer dans quel esprit nous les abordons. J'exprimerai donc une remarque de méthode et trois préoccupations de fond.

Sur la méthode, d'abord. Le Président de la République propose, mais le constituant dispose. Et le constituant, ce n'est pas le Président, mais le peuple français, qui s'exprime directement ou par l'intermédiaire de ses délégués, membres du Parlement.

Nous sommes formellement saisis de trois textes – constitutionnel, organique, ordinaire – qui sont juridiquement distincts, mais qui forment un même ensemble politique de dispositions à caractère institutionnel et qui appellent donc, de notre point de vue, une approche globale.

À cet égard, je vous serais reconnaissant de bien vouloir préciser, madame la garde des Sceaux, la lecture que fait le Gouvernement des dispositions des articles 89 et 11 de la Constitution. Dans quel cadre juridique, pour chacun de ces trois textes constitutionnel, organique et ordinaire, le pouvoir exécutif envisage-t-il ou s'interdit-il de recourir à la voie référendaire ?

Sur le fond, je voudrais à ce stade partager trois préoccupations, au nom des 102 députés de mon groupe. Ma première interrogation tient à la nature de notre régime politique.

Je veux dire notre attachement à l'esprit originel de la Ve République, tel que Michel Debré l'avait magistralement exposé dans son discours d'août 1958. Notre Ve République, ce n'est certes pas le retour au parlementarisme débridé de la IVe République, ce n'est pas le régime d'assemblée néo-conventionnel que certains appellent la VIe République, mais ce n'est pas non plus un principat présidentialiste où le chef de l'État détiendrait tout le pouvoir politique et où le Parlement serait réduit à obéir aux ordres de l'Élysée.

J'en viens à notre deuxième préoccupation. Puisque nous considérons que le Parlement doit être un vrai pouvoir de l'État, nous nous opposerons de toutes nos forces à tout ce qui, dans votre projet, affaiblit l'Assemblée nationale et restreint, de ce fait, les libertés des Français.

La restriction du droit de proposition des parlementaires, c'est-à-dire du droit d'amendement, est une régression contraire aux exigences démocratiques.

Plus gravement encore, l'idée baroque de créer deux catégories de députés – les uns élus selon le scrutin républicain, majoritaire et territorial, les autres désignés selon un scrutin proportionnel – est profondément contraire à la nature même de l'Assemblée nationale. Si elle représente aujourd'hui la Nation assemblée, c'est parce que ses membres ont tous subi la même épreuve du suffrage universel direct : quelles que soient les circonstances, tous les députés sont aujourd'hui les élus de la Nation parce que, dans une circonscription, ils ont recueilli le plus grand nombre de suffrages des Français.

Le système de « dose » proposé par M. Macron ne serait en rien un progrès du pluralisme. Le pluralisme, c'est l'exercice d'un vrai pouvoir par des élus vraiment choisis en toute liberté par les Français ; ce n'est pas l'introduction artificielle d'un contingent de battus-élus qui ne rendront compte qu'aux appareils des partis, au sein d'une Assemblée nationale dévitalisée et globalement soumise à l'Élysée.

Si une diminution du nombre des membres du Parlement peut être légitimement débattue et envisagée, la combinaison d'une réduction d'un tiers et de l'introduction d'un mode de scrutin mixte nous paraît de nature à affaiblir profondément la mission constitutionnelle de l'Assemblée nationale et sa légitimité à incarner, par délégation de la Nation, un pouvoir de l'État.

Je ne ferai que mentionner très brièvement une troisième série de préoccupations. Prenez garde, mes chers collègues, à ne pas céder à des modes qui pourraient, in fine, affaiblir la capacité de l'État à assurer ses missions essentielles au service des Français. Je reste, pour ma part, très réservé face à l'évolution envisagée du mode de nomination des procureurs, pour des raisons qui tiennent à la conduite de la politique pénale.

De même, dans l'intérêt de l'État, nous aurons à débattre des conditions dans lesquelles la responsabilité pénale des membres du Gouvernement pour des faits commis dans l'exercice de leurs fonctions doit pouvoir être engagée, sans porter une atteinte disproportionnée au principe de séparation des pouvoirs.

Dès lors enfin que le Président de la République fait le choix de soumettre une révision de la Constitution à notre examen, il nous paraît très regrettable qu'aucune disposition d'ordre matériel ne vienne renforcer la capacité de l'État de droit à protéger les Français face aux menaces qui pèsent aujourd'hui sur la Nation. Voilà, madame la garde des Sceaux, les sujets dont nous reparlerons.

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