Madame Guévenoux, vous avez évoqué l'interdiction du cumul des mandats dans le temps et m'interrogez sur le point de savoir pourquoi cela ne figure pas dans le projet de loi constitutionnelle. Avant de choisir de placer le sujet dans les textes adjacents, nous avons évidemment procédé à des consultations juridiques, et il nous a semblé que cela ne relevait pas du niveau constitutionnel. C'est d'ailleurs ce que le Conseil d'État a confirmé : il a précisé dans son avis que la loi organique suffisait pour limiter le cumul des mandats dans le temps, qu'aucun principe constitutionnel n'y faisait obstacle. Nous ne souhaitons pas, de manière générale, que figurent dans le projet de loi constitutionnelle des dispositions qui relèvent d'un autre niveau. Pour autant, cela n'enlève rien à l'importance de cette mesure, qui est un pilier de la réforme voulue par le Président de la République. C'est au terme d'une analyse juridique poussée que nous avons opéré ce choix. L'article 25 de la Constitution renvoie à une loi organique pour les inéligibilités. Certes, l'article 3 de la Constitution aurait pu nous conduire à nous interroger, mais notre décision est conforme à la hiérarchie des normes, ce que le Conseil d'État a validé.
Madame Chalas, vous évoquez les pétitions et référendums locaux, une question qui m'intéresse beaucoup : j'ai, il y a longtemps, écrit un article sur le référendum local dans lequel je constatais, comme vous le soulignez, que cela ne fonctionne pas. L'article 72-1 de la Constitution renvoie à la loi le soin de définir les conditions du droit de pétition et à la loi organique celle du référendum local. Une pétition peut être engagée sur les compétences des collectivités locales ; elle sera examinée si elle recueille un cinquième des signatures des électeurs pour les communes. Quant à la question posée par référendum, elle recevra une suite favorable si elle recueille la majorité des suffrages exprimés et un taux de participation de 50 %. Cette condition de participation a été validée par le Conseil constitutionnel dans une décision du 30 juillet 2003. Ces seuils peuvent paraître élevés, notamment dans un contexte de baisse de participation des citoyens. Je suis ouverte à ce que nous réfléchissions ensemble aux moyens de renforcer ces procédures. Je crois d'ailleurs que le débat pourra avoir lieu au moment de l'examen du projet de loi organique. Tout ce qui peut renforcer les outils de la démocratie et de la démocratie locale est intéressant.
Monsieur Eliaou, vous avez émis trois souhaits : la sanctuarisation de la semaine de contrôle, la communication du calendrier et la création d'une agence d'évaluation des politiques publiques.
La volonté du Gouvernement est de desserrer la rigidité de l'ordre du jour actuel mais cela ne signifie pas annuler tout ce qui est réservé au contrôle. Il faut voir la meilleure manière d'y parvenir. Comme je l'ai dit, nous avons fait une proposition qui nous semble relativement souple ; vous en jugerez.
Vous avez noté parallèlement que nous souhaitions « doper » la semaine de contrôle en la renforçant par la possibilité d'y inscrire des propositions de loi résultant des évaluations que vous aurez conduites. Il me semble que l'évaluation est bien l'avenir du Parlement.
S'agissant de l'agence d'évaluation des politiques publiques, ce n'est pas une option que nous avons retenue. En revanche, depuis tout à l'heure, plusieurs suggestions ont été présentées par les uns et les autres, et nous aurons sûrement l'occasion d'y revenir.
Monsieur Viala, s'agissant du droit d'amendement, peut-être le mot « cantonner » était-il maladroit, je vous l'accorde volontiers : l'idée est que les amendements déposés par le Parlement et le Gouvernement respectent les conditions déjà existantes dans la Constitution pour écrire la loi. Il s'agit d'éviter que des amendements portant des articles additionnels s'agrègent au texte initial, avec un lien avec celui-ci parfois très ténu. Cela répond également à un principe de lisibilité et de clarté des textes législatifs. Il est important pour nous d'arriver à des textes globalement cohérents.
Vous me demandez également en quoi le Parlement n'est pas une chambre de la société civile. Le Conseil d'État a indiqué dans son avis que la notion de société civile pouvait figurer dans la Constitution ; elle figure d'ailleurs d'ores et déjà à l'article 11 du Traité sur l'Union européenne et à l'article 15 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. La société civile renvoie à tout ce qui n'est pas l'État, les institutions et les élus. La différence entre votre assemblée et la chambre de la société civile, c'est que vous avez été élus par le suffrage universel ; ce n'est pas de cette manière que sont désignés les membres de la société civile. Cela n'empêche évidemment en rien, comme vous l'avez relevé, de nombreux parlementaires d'être membres de la société civile.
Vous m'interrogez en outre sur l'adaptation de la loi, en la sollicitant pour différentes spécificités. C'est, je crois, quelque chose qui est prévu par les dispositions constitutionnelles proposées.
Madame Florennes, vous avez évoqué le droit à la différenciation, en souhaitant que le contenu des lois organiques qui porteraient sur ces questions vous soit présenté le plus rapidement possible. Je répète ce que j'ai dit dans mes propos préalables : pour toutes les lois organiques relatives aux collectivités territoriales, nous serons en mesure, au mois de juillet, au moment du débat devant le Parlement, de présenter à tout le moins les orientations générales.
Madame Lorho, vous craignez que la garde des Sceaux perde son pouvoir de définition des politiques pénales du fait d'un pouvoir plus grand donné au CSM. Ce n'est pas du tout l'objectif. Nous souhaitons inscrire dans la Constitution la nomination du parquet sur avis conforme du CSM. Cela ne prive absolument en rien le garde des Sceaux de son pouvoir de donner des instructions générales en vertu de l'article 20 de la Constitution. Nous assurons mieux l'impartialité et l'indépendance des magistrats du parquet par le pouvoir de nomination.
Monsieur Aquaviva, et je réponds également à M. Castellani, les dispositions que nous inscrivons au sujet de la Corse constituent une innovation importante. C'est la première fois qu'elle figure avec une telle ampleur dans la Constitution. C'est la reconnaissance, je l'ai dit dans mon propos introductif, de la singularité de la seule île française qui a en Europe la taille d'une région – et nous le faisons d'ailleurs à l'instar de ce qui existe déjà dans d'autres pays, comme l'Espagne. Deux dispositions sont prévues par le texte : d'une part, la loi pourra être adaptée, comme les règlements, pour tenir compte des spécificités de l'île, et, d'autre part, ces adaptations pourront être décidées par la collectivité de Corse pour ses propres compétences. Il me semble que cela répond à votre préoccupation. C'est, par exemple, la question de la fiscalité. La collectivité pourra créer des taxes locales sans qu'il soit besoin de créer les mêmes sur le continent. Ce sera le cas des taxes d'accès aux aires maritimes. L'idée, c'est qu'il soit possible de donner à la collectivité corse des compétences que n'ont pas les régions du continent.
Madame Obono, vous me demandez où est le peuple. Le peuple, c'est vous. C'est vous qui le représentez. Vous représentez la nation et le peuple. En outre, le peuple est partout dans notre projet. Il élit, il choisit, il est l'objet de votre travail. C'est bien le peuple qui vous a élus. C'est bien le peuple qui a choisi au printemps 2017 et son choix n'a pas porté sur les options que La France insoumise avait proposées. Vous souhaitiez en effet revenir à une constituante et à des éléments de démocratie plus directe ; ce n'est pas le choix qui a été fait. Le peuple est l'objet constant des préoccupations du Parlement. Le renouvellement de la classe politique traduit précisément le choix fait en juin 2017 par le peuple. Le peuple, par ailleurs, se retrouve dans la volonté que nous portons de développer la représentation proportionnelle. Nous avons la certitude en effet que cela permettra à notre démocratie, en étant plus représentative, d'être plus efficace. Le peuple est partout, et c'est d'ailleurs notre seule légitimité.
Madame Zannier, vous m'interrogez sur le travail du Conseil constitutionnel, à la fois sur sa motivation, que vous ne jugez pas assez détaillée, sur la publication des avis des rapporteurs et les opinions dissidentes. Sur les opinions dissidentes, ou opinions séparés, le Président de la République, lors du discours prononcé à la cour de cassation, a fait part de son souhait que les cours faîtières puissent développer les opinions dissidentes. C'est un sujet, me semble-t-il, qui relève, non pas du niveau constitutionnel mais des lois organiques – si le choix en était fait. Ensuite, c'est un sujet dont il faut longuement discuter. J'en mesure l'intérêt ; c'est d'ailleurs une pratique qui existe dans de nombreuses démocraties. J'en mesure également les limites, dans le positionnement que cela induit pour les membres du Conseil constitutionnel.
Sur la motivation, je dirais juste que le Conseil constitutionnel a, depuis plus d'un an, beaucoup avancé sur une motivation plus développée et plus claire. Enfin, vous savez que désormais les rapports du Conseil constitutionnel sont accessibles au terme d'un délai de vingt-cinq ans.
Monsieur Molac, l'adaptation vise à permettre aux collectivités de demander à adapter des normes dans leur champ de compétence. Pour autant, il faudra que la loi autorise ces adaptations. L'objectif n'est évidemment pas qu'il y ait autant de dérogations que de collectivités. Comme l'a précisé le Conseil d'État, il s'agira de donner sa pleine application au principe de subsidiarité. Si nous révisons la Constitution, ce n'est pas pour ranger ces nouvelles possibilités dans un placard. Il faudra que nous les fassions vivre ensemble.
S'agissant de la ratification de la charte des langues régionales, je ne doute pas que le débat viendra devant le Parlement. Je sais que vous y êtes attaché et je suis certaine que vous trouverez l'occasion de porter à nouveau ce sujet.
Monsieur Mis, vous m'avez interrogée, en votre nom et au nom de madame Forteza, sur la question du numérique. C'est un enjeu essentiel, qui va dépasser le cadre national. Peut-être le savez-vous : il a été l'objet quasiment unique de la dernière réunion du Conseil « Justice » de l'Union européenne, à Luxembourg, où je me trouvais avant-hier. Vous-mêmes avez récemment adopté le Règlement général sur la protection des données (RGPD).
Il y a bien sûr des incidences réelles de cette révolution numérique sur la citoyenneté. La proposition de loi sur les fausses nouvelles, dont vous allez débattre, aborde l'un de ces éléments. Le Gouvernement est attentif aux travaux du groupe de travail commun à l'Assemblée nationale et au Sénat, comme à la portée des principes qu'il proposera, à leur pérennité dans un contexte de forte évolution technologique et à leur articulation avec nos engagements européens et internationaux.
Monsieur Balanant, j'ai bien entendu votre observation préalable : « Il n'existe pas de démocratie sans Parlement fort. » C'est une position que je partage. Je ne reviendrai pas sur la définition de ce qu'est la société civile, mais, s'agissant de la Chambre de la société civile et de la participation citoyenne, il conviendra en effet de trouver une articulation entre elle et le Parlement. Permettez-moi seulement d'observer que le texte constitutionnel n'en dit pas grand-chose, de sorte qu'elle devra être construite dans la loi organique. Voilà ce que nous devrons esquisser, voire plus si nous y arrivons, au moment des débats. Il est absolument impératif de construire cette articulation entre les deux institutions, l'une représentative par l'élection, l'autre porte-parole de la société civile. Je sais que votre rapporteure, Mme Braun-Pivet, travaille sur le sujet avec efficacité.
Monsieur Euzet, j'accueille avec enthousiasme votre accord de principe. Vous évoquez des bonifications, au sens juridique du terme, notamment sur le débat d'orientation préalable, c'est en effet une piste à creuser.