Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du jeudi 3 août 2017 à 9h30
Confiance dans la vie publique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

Nous ne sommes pas entre un ancien monde corrompu et un nouveau monde de chevaliers blancs. La vérité est certainement plus nuancée. Un peu d'humilité et de prudence auraient été de bon aloi.

Je regrette également le manque d'écoute, car celle-ci aurait permis, dans le périmètre même de ce projet de loi, d'inscrire par symétrie des mesures relatives à la haute fonction publique, qui est singulièrement épargnée. Des amendements à caractère technique mais extrêmement importants auraient également pu trouver leur place dans ce texte si vous aviez fait preuve de bonne volonté.

Ce que je regrette le plus à cette heure, cependant, c'est que nous ayons collectivement manqué de courage dans cette perspective. Nous nous sommes faits pompiers sur quelques mesures – je les ai mentionnées – auxquelles il fallait apporter des corrections attendues, comme d'autres ont pu le faire avant nous, mais nous sommes loin d'être les architectes d'une moralisation de la vie publique au niveau requis.

Deux défis restent à relever aujourd'hui. Le premier est celui de la défiance à l'égard de la vie publique, de la vie politique, qu'on associe, pour reprendre les propos que tenait Lionel Jospin voilà vingt ans, à une élite plus aristocratique que républicaine. Nous ne sommes pas représentatifs de la société française dans sa diversité. Et si une certaine élite issue du secteur public a été remplacée par une autre élite issue du secteur privé, nous sommes toujours loin de représenter la société française.

Le deuxième élément que je voudrais souligner, et qui est le plus important, le plus fondamental, est la marginalisation au XXIe siècle de la puissance publique, qui donne souvent le sentiment d'être impuissante face à la puissance privée. Nous ne nous situons pas dans la même temporalité : le temps de la société médiatique, de la société numérique et des révolutions technologiques n'est pas celui de la délibération démocratique. En outre, les espaces de délibération qui sont les nôtres, cette enceinte, cet hémicycle sanctifient l'État de droit au sein de la nation, tandis que l'essentiel des enjeux qui pénètrent notre société, nos territoires, notre nation ont une dimension internationale, se jouent à l'échelle du monde. Cette distorsion du temps et de l'espace à l'origine de l'impuissance publique est le véritable sujet.

Sur ce champ-là, le courage aurait été d'apporter quelques signes annonciateurs de revendication d'une puissance publique restaurée qui retrouve sa place au XXIe siècle pour faire face aux défis du temps présent. À la croisée de ces propositions, je relève celles que nous défendons sur les zones grises du conflit d'intérêts. Delphine Batho aura largement l'occasion, au travers d'une dizaine d'amendements extrêmement précis et précieux, de nous éviter le ridicule de ne pas saisir l'occasion de concourir à l'esprit que vous avez défendu avec ce projet de loi, madame la garde des sceaux. J'espère que vous donnerez droit à ces propositions pleines de bon sens, précises et argumentées.

Pour ma part, je proposerai à nouveau un affranchissement radical à l'égard des intérêts privés pour toute personne au service de la République, en demandant que soient séparées les rémunérations privées et publiques pour les détenteurs d'un mandat parlementaire et que soit évité tout conflit d'agenda. Être au service de la République, c'est y être à 100 % ; on ne peut pas servir et la République et l'argent. Je présenterai par ailleurs un amendement qui visera à ce que le plafonnement de près de 8 500 euros soit abaissé à 5 500 euros pour l'ensemble des élus engagés dans la vie publique.

Il nous faut aujourd'hui du courage. Il nous faut nous affranchir de l'idolâtrie du marché et de la dépendance à l'argent pour bâtir un nouvel humanisme, lequel suppose des rendez-vous que nous aurons dès cet après-midi.

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