Je veux d'abord vous remercier pour cette séance de travail car j'estime que le rôle de contrôle du Parlement, absolument essentiel, mérite d'être développé. Cela a toujours fait partie de mes convictions profondes. Revoir les différents objectifs budgétaires et mesurer l'efficacité des politiques engagées, notamment une politique publique aussi essentielle que l'innovation, va dans le bon sens et rejoint mes préoccupations politiques.
Je suis très favorable à une simplification et à une rationalisation des aides à l'innovation, laquelle constitue pour l'économie française la clef du succès. Nous y consacrons beaucoup d'argent sans disposer d'évaluations suffisamment précises des résultats que nous obtenons. Je partage le souhait exprimé par le rapporteur général : il est essentiel de se doter d'outils d'évaluation plus précis pour mesurer l'efficacité des dépenses, et cela vaut aussi pour le crédit d'impôt recherche (CIR).
À la demande du Premier ministre, j'ai engagé une revue complète des aides aux entreprises. Je ne vous cache pas que je n'aime pas tellement l'expression « aides aux entreprises » car elle donne le sentiment qu'il s'agit d'argent qui leur est donné comme cela et que ce soutien n'est pas forcément légitime. Si l'on regarde de près ce que recouvre cette dénomination, la réalité apparaît bien différente. On y met le CICE alors qu'il s'agit non pas d'une aide aux entreprises mais d'un allégement de charges sous forme de crédit d'impôt qui sera transformé en allégement définitif. On y met la baisse de l'impôt sur les sociétés (IS) alors qu'il s'agit non pas d'une aide aux entreprises mais d'une politique fiscale. On y met enfin le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Et j'incite vivement ceux qui invitent le Gouvernement à diminuer les aides aux entreprises à prendre conscience du fait que cela impliquerait de revenir sur les taux réduits. Vous êtes suffisamment connaisseurs pour savoir que le CICE et la baisse de l'IS représentent la moitié des 140 milliards d'aides aux entreprises et que le taux de TVA réduit représente une large part des 70 milliards restants. Il ne faut pas imaginer que l'on peut trouver un gisement caché d'aides illégitimes aux entreprises.
Après, que nous regardions, comme l'a proposé Olivia Grégoire, si ces aides, y compris le taux réduit de TVA, ont toute l'efficacité économique souhaitée, moi, j'y suis prêt. Je vais même aller plus loin : j'aimerais que des parlementaires se saisissent de cette question et complètent la revue des aides aux entreprises qu'il m'a été demandé de faire. Il s'agirait de mettre en regard les dépenses consacrées à telle aide aux entreprises ou tel taux réduit de TVA et ce qu'elles produisent d'activité et d'emplois pour se demander si elles sont légitimes au regard de la bonne tenue des comptes publics. Je suis comptable du bon engagement des finances publiques, comptable du bon engagement de chaque euro du contribuable et cela me semblerait plus efficace que la justification au premier euro qui réclame, je le crains, beaucoup de recherches techniques pour un impact assez réduit sur les finances publiques.
J'en viens à Bpifrance. Nous avons demandé à l'établissement un nouveau plan quinquennal qui sera disponible à l'automne. Il répondra à vos préoccupations, madame la députée, sur l'efficacité de l'emploi des aides distribuées par cette banque. J'estime que BPI est un grand succès de politique publique : son action a permis de transformer des entreprises, d'apporter des garanties qui étaient indispensables, d'accélérer la transformation de certaines PME – je le dis d'autant volontiers que ce n'est pas notre majorité qui l'a créée. Nicolas Dufourcq, son président, s'est fixé pour objectif de faire passer 2 000 PME par l'accélérateur de la BPI, ce qui leur permet d'avoir accès à de nouvelles technologies et de se digitaliser. Nous lui avons demandé de doubler cet objectif, pour atteindre 4 000 entreprises d'ici à la fin du quinquennat.
Je souhaite qu'une évaluation soit faite de cet accélérateur et du fonds ETI 2020 car je considère que le développement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) est prioritaire pour notre économie. Je souhaite également que les garanties apportées par Bpifrance soient recentrées sur le soutien à la création et à l'innovation, toujours avec le même objectif d'avoir des PME qui grandissent et qui innovent davantage.
Pour ce qui est du programme 862, la consommation des crédits n'est par définition pas prévisible puisqu'il s'agit d'un programme de secours en urgence. Il est très important de lui conserver toute la réactivité nécessaire. J'estime que le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) effectue un travail remarquable. Son rapport d'activité montre que les aides qu'il apporte aux entreprises menacées de liquidation sont absolument indispensables.
Je considère, par ailleurs, que les prêts du FDES ont permis d'apporter des solutions dans des situations extraordinairement sensibles et d'éviter des difficultés sociales de grande ampleur comme cela a été le cas avec les 190 millions de prêt apportés à Presstalis.
S'agissent de Business France et des CCI, nous sommes en train de réorganiser le rôle respectif des uns et des autres dans l'aide aux exportations. Je rejoins, madame Grégoire, vos craintes sur les risques de doublon. Nous souhaitons un guichet unique de soutien à l'exportation. Par ailleurs, nous nous sommes lancés dans un travail de réorganisation en profondeur des CCI pour qu'elles soient plus efficaces. Nous réfléchissons à un financement qui ne reposerait plus sur une taxe affectée mais sur des prestations financées par les entreprises. La logique est très simple : soit ces prestations sont utiles aux entreprises et les CCI parviendront à se financer sur cette base ; soit elles ne le sont pas et en ce cas, il n'y a aucune raison que les CCI bénéficient d'une taxe affectée pour les financer.
J'aimerais revenir, monsieur Roseren, sur la fragmentation des aides à l'innovation, sujet à la fois complexe et urgent. Un panorama global des aides à l'innovation fait apparaître un mélange d'aides fiscales et d'aides directes. Parmi les aides fiscales, il y a le crédit d'impôt recherche à hauteur de 6 milliards et d'autres aides comme l'aide aux jeunes entreprises innovantes dont le montant total s'élève à 185 millions. Parmi les aides directes, apportées sur fonds budgétaires, le programme d'investissement d'avenir représente 45 milliards d'euros auquel viennent s'ajouter les aides apportées par la BPI ou d'autres institutions.
Nous avons engagé un travail de simplification depuis plusieurs mois. Un rapport sera remis eu Premier ministre le 20 juin. Il proposera notamment la création d'un Conseil de l'innovation dont j'assurerai la présidence avec Frédérique Vidal et qui aura vocation à garantir la cohérence et la lisibilité des dispositifs consacrés à l'innovation. Je ne vais pas préjuger des conclusions de ce rapport mais je souhaite que nous parvenions à une simplification drastique des aides à l'innovation car aujourd'hui personne ne s'y retrouve. Et comme le soulignait le rapporteur général, ce maquis inextricable ne garantit pas la meilleure utilisation possible des fonds publics.
Le FISAC représente vingt équivalents temps plein (ETP) en administration centrale et dans les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) pour un montant de l'ordre de 2 millions d'euros. En 2017, deux cents projets ont pu être financés de manière efficace et à la fin de l'année, il n'y avait aucune demande en attente ou non traitée. Nous n'envisageons pas de régionaliser ce fonds à partir du moment où il relève de politiques nationales comme le développement des centres-villes.
Le financement des centres techniques industriels repose pour 150 millions d'euros sur une fiscalité propre auxquels s'ajoutent 9,9 millions de dotations budgétaires destinées à l'Institut français du textile et de l'habillement. Les équilibres globaux des CTI sont satisfaisants et nous considérons qu'il n'y a pas lieu de les remettre en cause.
Pour AREVA, nous avons mobilisé de manière exceptionnelle les ressources de l'État en 2017 afin de finaliser la refondation de la filière nucléaire française engagée en 2015. Il s'agit d'un choix politique lourd qui dépasse les clivages traditionnels puisqu'il se situe dans le prolongement des actions engagées sous les deux majorités précédentes. La survie de la filière nucléaire française était en jeu et nous avons voulu préserver ce qui fait sa force, à savoir la maîtrise de l'intégralité du cycle, de la gestion du combustible, en passant par sa consommation, jusqu'au retraitement.
Nous avons procédé à deux augmentations de capital : l'une d'un montant de deux milliards pour AREVA SA et l'autre de 2,5 milliards pour Orano qui est le nouvel AREVA recentré sur le cycle du combustible. Cela a permis à AREVA SA de faire face à ses besoins de trésorerie pour le bon achèvement du projet de construction de la centrale OL3 en Finlande, centrale pour laquelle j'ai une affection particulière puisque je m'y suis rendu avec le Premier ministre de l'époque en 2005 : le chantier commençait, toutes les excavations nécessaires avaient été faites, et la centrale était censée être livrée deux ou trois ans après au maximum. Le retard exigeait des accélérations. Nous sommes maintenant tout près de l'étape de chargement du combustible, c'est-à-dire que nous touchons enfin au but, ce qui est une très bonne nouvelle pour la filière nucléaire française. Cette augmentation de capital a également permis à Orano de disposer de ressources financières pour assurer son développement au service de ses clients et honorer ses remboursements contractuels.
Quelles sont les perspectives désormais ?
La première perspective est la mise en service de la centrale OL3 que je viens d'évoquer. J'insiste sur ce point car il s'agit d'un aboutissement très significatif pour la filière nucléaire française. Ce projet a pris beaucoup plus de temps que prévu. Il a été menacé à plusieurs reprises. Il a fait l'objet de longues négociations entre Siemens et TVO, qui ont abouti à un accord en mars 2018. Cela a mis fin à plusieurs années d'arbitrage qui faisait courir des risques financiers considérables à l'entreprise.
Les perspectives ouvertes par les nouvelles ressources financières permettront à Orano de développer ses activités dans le cycle du combustible nucléaire et de gagner des parts de marché à l'international, en particulier en Asie.
Il n'est plus prévu d'autres engagements financiers de l'État, que ce soit au niveau d'AREVA SA ou au niveau d'Orano, notamment en raison de l'application du droit européen en matière d'aides d'État qui interdit toute nouvelle aide pendant dix ans au titre des lignes directrices relatives aux aides au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté.
Nous estimons, en outre, qu'avec les moyens que nous avons donnés aussi bien à AREVA SA qu'à Orano, les deux entreprises disposent désormais des ressources financières nécessaires pour finaliser le projet finlandais et assurer le développement d'Orano sur les marchés extérieurs.
Je continue par les aspects budgétaires de l'opération – vous me pardonnerez d'être exhaustif sur ce sujet mais l'enjeu économique et budgétaire est suffisamment important pour qu'on s'y arrête longuement. L'État a réalisé 3,2 milliards de cessions au cours du premier semestre 2017 mais les conditions de marché n'ont pas permis de disposer sur le compte d'affectation spéciale Participations financières de l'État d'un solde suffisant pour couvrir l'ensemble des dépenses consacrées à la refondation de la filière nucléaire avant la fin de l'été 2017, date à laquelle il était indispensable de réunir les ressources nécessaires. Nous avons donc décidé d'ouvrir des crédits sur le budget général à hauteur de 1,5 milliard via un décret d'avance que nous avons signé le 20 juillet 2017 afin d'effectuer un versement complémentaire sur le compte d'affectation spéciale d'un montant équivalent. Pourquoi avons-nous procédé de cette façon ? Parce que nous nous trouvions dans une situation d'urgence : il nous fallait procéder à l'augmentation de capital de New AREVA devenue Orano avant la fin du mois de juillet en raison des impératifs juridiques et comptables de la société. Nous devions séparer ses activités de celles d'AREVA SA dans le cadre de la restructuration du groupe.