Je vais pour ma part vous présenter notre thème d'évaluation qui a consisté à examiner la gestion des différentes dettes publiques.
En premier lieu, nous nous sommes intéressées à la gestion des dettes garanties par l'État, correspondant au programme 114 de notre mission.
À la fin de l'année 2017, l'encours total sur lequel portent les garanties de l'État s'élevait à 757 milliards, en augmentation de 19 milliards par rapport à la fin de l'année 2016. Si l'octroi de ces garanties vise à répondre à un objectif, légitime, d'amélioration des conditions de financement de tiers, notamment pour la mise en oeuvre de politiques publiques, et si elles ont souvent un effet levier très efficace, il ne faut pas oublier qu'elles exposent l'État à un risque financier à plus ou moins long terme, et que leur suivi pourrait être amélioré. C'est ce que nous vous proposons de regarder ensemble ce matin.
Le Parlement vote l'autorisation de nouvelles garanties, comme nous l'avons fait en loi de finances pour 2018, s'agissant notamment de l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques, de l'Unédic pour les emprunts 2018, de la Caisse des dépôts et consignations au titre de l'engagement conclu avec la société Action logement services, et du dispositif Nouvel accompagnement à la création ou la reprise d'entreprise (Nacre) destiné aux chômeurs et aux allocataires des minima sociaux. Or, le Parlement ne dispose pas des éléments d'information exhaustifs sur ces garanties et sur leurs conditions d'évolution.
Le directeur général du Trésor assure le recensement des garanties octroyées par l'État, via la mise à jour du tableau d'inventaire des garanties recensées par l'État (TIGRE), qui répond à une réserve de la Cour des comptes et du certificateur de l'État, en 2012, sur les passifs non financiers, notamment ces engagements hors bilan. Afin de disposer d'une information un peu plus précise, le Parlement pourrait-il avoir accès chaque année à ce tableau ?
Par ailleurs, même si nous comprenons que le champ d'action des gestes du gestionnaire se limite à la définition des conditions de la garantie au moment de son octroi, un renforcement de l'information du Parlement concernant les modalités de sécurisation des risques nous semble essentiel. Rappelons que ces garanties sont irrévocablement acquises à leurs bénéficiaires et que la dépense budgétaire devient automatique, une fois la garantie appelée.
Nous voyons positivement, de ce point de vue, les évolutions permises par la loi de finances rectificative pour 2016, qui prévoit une information trimestrielle du Parlement et de ses commissions des finances sur les appels en garantie supérieurs à un million d'euros. Nous avons voté, en loi de programmation des finances publiques 2018-2022, la remise d'un rapport annuel au Parlement, normalement avant le 1er juin, sur l'exécution des autorisations de garantie de l'État accordées en loi de finances et sur les garanties octroyées au cours de l'année précédente. Nous n'avons à ce jour pas reçu ce rapport, que nous attendons avec impatience.
Il apparaît indispensable de pouvoir davantage évaluer et apprécier le risque inhérent à chaque garantie, pour chaque opérateur. Ainsi, il pourrait être pertinent d'établir un classement, ou au moins une graduation du caractère risqué de chaque garantie. C'est notre deuxième recommandation.
Nous nous sommes également attachées à analyser la gestion des dettes publiques émises par d'autres organismes que l'État. Nous saluons le rapprochement opérationnel entre l'Agence France Trésor et la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) intervenu en octobre dernier, qui permet de renforcer les compétences en mutualisant les expertises, de réduire le risque opérationnel, lié à l'approche de l'extinction de la CADES en 2024, et de préserver la continuité de son activité en toutes circonstances. Ce rapprochement devrait permettre de constituer un pôle d'excellence dans l'émission de titres publics français et de renforcer la résilience dans sa politique d'émission de la dette.
De fait, il nous a semblé utile d'examiner la pertinence d'un rapprochement avec d'autres organismes, telle l'Unedic, que nous avons auditionnée. Pour l'année 2018, nous avons voté une garantie d'emprunt à son profit, dans la limite d'un plafond global de 4,5 milliards.
À la fin de l'année 2017, l'encours de l'Unedic s'établissait à 33,8 milliards, dont 28,8 milliards garantis par l'État. Cet encours de la dette de l'Unedic devrait atteindre 37,1 milliards à la fin 2018. Or, la taille de l'équipe en charge de la gestion de la dette de l'Unedic est relativement réduite. La gestion de la dette pourrait s'en trouver fragilisée, vu les montants considérés.
En conséquence, nous formulons les recommandations suivantes, qui pourraient s'articuler avec le programme Action publique 2022 : inviter l'État à poursuivre la mutualisation de ses compétences de gestion de dette, en identifiant, au cas par cas, de nouveaux organismes publics ou parapublics, dont la gestion de la dette pourrait être confiée à un nouveau pôle d'excellence.
Il nous semblerait également pertinent de renforcer la vision agrégée des différentes dettes publiques, mais aussi de définir des indicateurs de performances communs aux dettes des administrations publiques, afin de faciliter le travail de comparaison en termes de performance.
Monsieur le ministre, voici nos recommandations et nos propositions. Nous serions heureux d'entendre quelle vision vous en avez pour votre part.