Le champ de mon rapport spécial porte sur deux comptes d'affectation spéciale et un compte de concours financiers.
Le compte relatif aux participations financières de l'État est, de loin, celui dont l'enjeu financier est le plus important.
À l'occasion de l'examen du projet de la loi de finances, j'avais eu l'occasion de le dire : nous votons n'importe quoi sur ce compte d'affectation spéciale, qui porte quand même sur cinq milliards d'euros en recettes comme en dépenses ! Monsieur le ministre, vous nous aviez répondu que, pour éviter de donner aux marchés des informations sur nos intentions, vous étiez contraint de ne pas en donner au Parlement. Je comprends qu'un certain doigté et une certaine discrétion soient souhaitables en ce domaine. Néanmoins, ne pensez-vous pas nécessaire de réformer cette procédure budgétaire, pour que nous n'ayons pas à vous donner chaque année un chèque en blanc pour de tels montants ? Lorsqu'il y a des besoins de recapitalisation, cela est en effet imputé sur le budget général et les incidences budgétaires et financières sont donc importantes.
S'agissant des recettes, le solde annuel au titre de l'exercice 2017 est déficitaire de 751 millions à raison de recettes de 7,911 milliards et de dépenses de 8,6 milliards. Le projet de loi de règlement arrête en conséquence le solde reporté du compte à 2,9 milliards au 31 décembre 2017, ce qui montre que, sans recettes supplémentaires, des autorisations de dépenses sont possibles sur ce compte à hauteur d'un tel montant. Pour quelles raisons n'est-il pas envisagé d'utiliser ce solde reporté pour alimenter, par exemple, le fonds pour l'innovation ?
Par ailleurs, le rapport annuel de performances (RAP) que vous nous avez remis, contient des indicateurs appelant plusieurs commentaires. Plusieurs d'entre eux ne sont pas renseignés pour 2017, telle la rentabilité opérationnelle des capitaux employés, qui ne l'est ni en prévision, ni en prévision actualisée, ni en exécution. Il en va de même pour la maîtrise et le suivi de l'endettement. À la page 22, un indicateur extrêmement intéressant vise à comparer le prix des cessions que vous avez faites – au nombre de quatre en 2017, dont trois sous votre autorité – avec le prix de l'action de l'entreprise concernée, au cours des six mois précédents et suivants.
Pardonnez ma franchise, mais l'année 2017 affiche le plus mauvais bilan : l'écart entre le prix de cession et la cotation des actions vendues s'établit à -12,1 %, alors qu'on était à + 6,35 % en 2015 et -3,9 % en 2016. Vous avez vendu ENGIE, PSA et Renault : pouvez-vous nous expliquer le décalage entre votre prix de vente et le prix moyen de l'action ?
J'en viens aux dépenses. L'exercice 2017 a été marqué par la restructuration de la filière nucléaire française : recapitalisation d'Areva SA à hauteur de 2 milliards ; recapitalisation de la nouvelle société New Areva Holding, devenue ORANO en 2018, pour 2,5 milliards, l'activité d'ORANO devant être recentrée sur son coeur de métier du cycle de combustible nucléaire y compris les activités minières ; rachat de titres d'Areva SA détenus par les minoritaires dans le cadre d'une offre publique de retrait pour 290 millions.
Je rappelle que les dépenses budgétaires d'acquisitions de titres ne sont pas des dépenses publiques au sens de la comptabilité nationale. Les interprétations de l'INSEE et d'Eurostat divergent néanmoins sur le traitement de la recapitalisation d'ORANO. L'INSEE a comptabilisé ces 2,5 milliards comme une prise de participation. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer où en sont les discussions entre l'INSEE et Eurostat sur ce point ?
S'agissant du portage des titres, la Cour des comptes a recommandé de faire évoluer le statut de l'Agence des participations de l'État (APE). Aujourd'hui, les dividendes des sociétés qu'elle gère tombent directement dans les caisses de l'État, sauf lorsqu'il s'agit de holdings.
À mon initiative, l'Assemblée nationale avait adopté un amendement – devenu l'article 178 de la loi de finances pour 2018 – demandant au Gouvernement la remise d'un rapport à ce sujet, pour le 30 juin. La date sera-t-elle tenue ? Le document donnerait des renseignements sur les produits de cession et sur l'impact qu'aurait une perception directe par l'APE.
Il y a quelques jours, la Cour a recommandé de « remplacer à terme les indicateurs actuels par les trois indicateurs suivants : évolution de la valeur économique des entreprises, plus-values et moins-values de cession, dividendes ». Il me semblerait intéressant que les résultats de cette recommandation soient inclus dans le rapport que vous nous remettrez le 30 juin.
Enfin, Monsieur le ministre, lors du débat sur les privatisations, nous avions parlé de la dotation, censée être de 10 milliards, du fonds pour l'innovation de rupture. Pouvez-vous nous confirmer que cette somme sera investie dans des obligations assimilables du Trésor (OAT), c'est-à-dire qu'en fait, elle servira à désendetter l'État ? Vous n'aviez pas souhaité répondre à cette question pendant le débat sur la privatisation.
Mon dernier point concernera le compte d'affectation Participation de la France au désendettement de la Grèce. La consommation des crédits en 2017 a été nulle, comme en 2015 et en 2016, parce que les rétrocessions à la Grèce ont été suspendues en l'absence de conclusion de la cinquième revue du second programme d'assistance financière depuis juillet 2014. Même si la reprise des versements n'est pas envisagée à ce stade, suite à un communiqué de l'Eurogroupe du 27 juin 2015, il semblerait que le programme de restitutions des intérêts à la Grèce pourrait être réactivé à la fin de l'année 2018.
En tout état de cause, sur ces trois années, ce sont plus de 900 millions qui n'ont pas été reversés aux Grecs. Trouvez-vous normal que la France ait amélioré chaque année de 300 millions son solde budgétaire sur le dos des Grecs ? Que vous inspire ce constat ? Ferez-vous partie des ministres européens qui plaideront pour qu'on cesse de suspendre le reversement des intérêts et pour qu'on rembourse à la Grèce ce qui devait lui être remboursé ?