Intervention de Marie-Christine Dalloz

Réunion du jeudi 7 juin 2018 à 9h05
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale :

Depuis le projet de loi de finances pour 2018, le champ de mon rapport spécial, qui comprenait les crédits de la mission Direction de l'action du Gouvernement et le budget annexe Publications officielles et informations administratives, s'est élargi à la mission Investissements d'avenir.

Jeudi dernier, en commission d'évaluation des politiques publiques, le ministre chargé des relations avec le Parlement, s'exprimant au nom du Premier ministre, a refusé de me répondre sur les investissements d'avenir, au motif que ceux-ci sont pilotés non par le Premier ministre mais par le ministre de l'économie. N'ayant pas eu l'occasion alors de lui répondre, puisque la formule de ces auditions ne le permet pas, je me permets de le faire maintenant.

J'ai avec moi le projet annuel de performances de la mission Investissements d'avenir qui était annexé au projet de loi de finances pour l'année 2018. Il a le bon goût d'indiquer pour chaque programme, en page de garde, le ministre concerné. Et que lisons-nous donc au titre du programme 421, en page 51 ? « Ministre concerné : Édouard Philippe, Premier ministre » ! Je ne vois nulle mention de Bruno Le Maire.

J'en viens au fond. C'est la première fois que la mission Investissements d'avenir est examinée dans le cadre de la discussion du projet de loi de règlement car elle a été créée en loi de finances initiale pour 2017. C'est le support du troisième PIA, les deux premiers n'ayant pas fait l'objet d'une mission pérenne, ce qui avait conduit la Cour des comptes à formuler de nombreuses critiques. L'existence d'une mission est donc un progrès pour le suivi de ces crédits par la représentation nationale et lève un premier voile de suspicion.

Cependant, il semble qu'en matière d'investissements d'avenir rien ne puisse être fait normalement. Ainsi en loi de finances initiale pour l'année 2017, ce ne sont que des autorisations d'engagements qui ont été ouvertes pour le PIA 3, plus exactement 10 milliards d'euros d'autorisations d'engagement, soit la totalité des autorisations du PIA 3. Cette astuce de budgétisation a permis au gouvernement précédent d'annoncer un plan d'investissement de 10 milliards sans avoir en supporter un seul euro de charge.

Cette autorisation a permis au Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) et aux quatre opérateurs de définir les actions qui devront être menées via des conventions avec l'État. Les dates de signature des différentes conventions mettent en évidence le fait que le changement de gouvernement a été suivi de près de six mois de doutes quant à la pérennité de ce PIA 3 : rien n'a été fait entre mai et octobre.

Le rapport préalable au débat d'orientation sur les finances publiques indiquait : « Les mesures décidées au cours de la précédente mandature sans financement identifié font actuellement l'objet d'une évaluation au regard de leur pertinence par rapport aux nouvelles priorités du Gouvernement et pourraient déboucher sur leur arrêt ou leur réorientation ». Ce long suspense sur le maintien ou non du PIA 3 a pris fin avec la remise du rapport de M. Jean Pisani-Ferry quelques jours avant la discussion du projet de loi de finances initiale : les 10 milliards alloués au PIA 3 s'inscrivent désormais dans un Grand plan d'investissement qui les dépasse, mais, au sein de celui-ci, le PIA continue d'obéir à des modalités de gestion qui dérogent au droit budgétaire. Ainsi, les crédits du budget général sont d'abord versés dans leur intégralité à des opérateurs, puis le financement effectif des projets sélectionnés par des comités de pilotage intervient postérieurement, et en dehors du cadre budgétaire.

D'après la présentation trimestrielle au Parlement prévue par l'article 8 de la loi de finances rectificative du 9 mars 2010, sur les 44,4 milliards engagés dans les trois PIA depuis 2010, seuls 19,6 milliards ont été décaissés à ce jour. Et la programmation relative au PIA 3 qui nous a été transmise en loi de finances pour 2018 renvoie à 2021 et plus tard la plupart des dépenses ayant un impact sur le solde maastrichtien ! Pourriez-vous fournir lors de l'examen du prochain projet de loi de finances un échéancier plus précis de l'inscription des crédits de paiement au-delà de 2021 ? Et le décaissement réel des crédits par les opérateurs ne pourrait-il pas faire l'objet d'un suivi dans les documents budgétaires, notamment les projets et rapports annuels de performances à destination du Parlement ? Cette information me semble nécessaire.

Dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission, la Cour des comptes relève des erreurs d'imputation de plus d'un milliard d'euros au cours de l'exercice 2017. Il s'agit certes d'autorisations d'engagement, mais le montant me semble considérable. La mise en oeuvre des modalités habituelles de contrôle de la dépense, via le visa préalable obligatoire du contrôleur budgétaire et financier ministériel, rencontre quelques difficultés. Quels sont les contrôles mis en place par la direction des services administratifs et financiers du Premier ministre, liée par une convention de délégation de gestion avec le SGPI ? Je vous prie de ne pas me répondre qu'il faudrait poser la question aux services du Premier ministre, car, vous l'avez bien compris, je suis déjà ballottée de l'un à l'autre !

Enfin, la Cour des comptes souligne dans son rapport sur le budget de l'État en 2017 que le risque de débudgétisation s'étend désormais aux recettes des PIA. Rappelons en effet que les PIA ont vocation à s'accompagner de retours sur investissement, bien qu'aucune donnée chiffrée n'ait été fournie sur le PIA 3. Selon la Cour, les modalités de suivi de ces retours sont lacunaires – c'est le moins que l'on puisse dire –, ce qui fait peser un risque sur leur comptabilisation mais aussi sur leur encaissement. Il semble n'y avoir eu aucune coordination entre les différents intervenants du PIA pour le traitement de retours financiers. Pourriez-vous chiffrer les retours sur investissements prévus pour le PIA 3 et actualiser les chiffrages de retours des deux précédents PIA ? Pouvez-vous enfin nous rassurer quant à l'organisation du circuit de traitement de ces retours financiers ?

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