Intervention de Muriel Pénicaud

Séance en hémicycle du vendredi 15 juin 2018 à 15h00
Liberté de choisir son avenir professionnel — Après l'article 26

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

Je ne vous ai pas interrompu, moi !

Je vais décrire deux mesures concrètes que nous prenons en ce sens, et nous en verrons une troisième dans le titre III, à propos des travailleurs des plateformes. Ces mesures concernent les démissionnaires et les indépendants.

Il s'agit de donner un droit nouveau aux démissionnaires. Ouvrir un droit à l'assurance chômage à ceux qui sont en contrat à durée indéterminée, cela paraît presque absurde, mais cela permet d'accompagner une des formes de mobilité des salariés. Il s'agit de personnes ayant un projet de reconversion. Si cette reconversion se fait par la formation, ils peuvent certes utiliser le CIF – demain, le CPF de transition professionnelle. Mais lorsqu'ils sont en formation, ils ne sont pas encore en reconversion : ils se forment pour s'y préparer. Ce que nous voulons, c'est leur apporter un filet de sécurité pour le moment où ils seront prêts pour de nouvelles perspectives, qu'ils aient commencé ou non la formation. Notre idée, c'est que la mobilité n'est pas simplement pour les entreprises ; elle est aussi pour chacun. Nous voulons que chacun puisse être acteur de sa propre mobilité, que chacun puisse la choisir plutôt que la subir.

C'est typiquement le cas des créateurs d'entreprise. Certains parmi vous ont créé une entreprise, les autres rencontrent chaque jour des entrepreneurs. On sait très bien qu'après ce qu'il est convenu d'appeler le « parcours du combattant » pour créer l'entreprise – ce qui n'est pas si compliqué que cela en France – , la principale difficulté, c'est la prise de risque. Les week-ends et les nuits ne suffisent pas à tout préparer : se lancer dans l'aventure, c'est prendre tous les risques.

Nous avons besoin d'entrepreneurs, car ce sont eux qui créent des emplois. Or il y a une dynamique entrepreneuriale forte dans notre pays : il faut l'encourager, en permettant à ceux qui ont un projet d'entreprise d'avoir du temps et de l'argent pour le mener à bien dans une certaine sérénité. Il faut que la société les accompagne dans cette prise de risque, il faut qu'elle les aide à réaliser leur projet : c'est aussi cela, la solidarité.

Voilà le sens de cette mesure concernant les démissionnaires : il s'agit de permettre aux salariés ayant un vrai projet de reconversion de le mener à bien. Certains veulent changer de métier, parfois parce qu'ils n'ont jamais pu faire le métier qu'ils souhaitaient avoir au départ, d'autres déménagent, d'autres encore souhaitent créer leur entreprise.

Il faut toutefois éviter – c'est notre responsabilité collective – que des salariés en conflit dans leur entreprise aient la tentation, par un raisonnement de court terme, de démissionner, en se disant : « C'est pas grave, j'ai deux années d'assurance chômage. » Ces personnes risquent ensuite de se retrouver dans une trappe à chômage : c'est un vrai danger. L'idée d'un « droit au chômage » est en soi absurde : il y a un droit à l'assurance chômage, oui, mais il ne faut pas pousser les gens à se mettre au chômage !

Par contre, il faut accompagner ceux qui ont un projet. C'est pourquoi les partenaires sociaux ont proposé, dans l'accord national interprofessionnel, un dispositif que nous avons repris tel quel dans le projet de loi : toute personne souhaitant démissionner pour bénéficier de l'assurance chômage aura d'abord une discussion avec un conseil en évolution professionnelle, dont nous avons généralisé la possibilité d'implantation sur tout le territoire, puis rencontrera une commission paritaire interrégionale – la même qui étudie les dossiers de CPF transition. Ces commissions reprendront beaucoup des compétences liées aux CIF : elles seront à même d'étudier les projets, qui comprendront souvent une composante de formation – les deux pourront être combinés, et il en ira de même avec le CPF transition, que l'on peut aussi utiliser en ayant démissionné.

Quoi qu'il en soit, ces commissions sauront les conseiller, et vérifier qu'ils aient un véritable projet : c'est une protection qui permettra d'éviter d'envoyer un certain nombre de nos concitoyens dans le mur, et de soutenir collectivement ceux qui ont un projet qui apporte quelque chose à eux-mêmes, mais aussi à la société.

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