Le sujet est d'importance, la France ayant 85 % d'emplois en CDI, chiffre assez stable. On a observé, toutefois, un léger frémissement au cours des deux derniers trimestres, avec une augmentation du nombre de CDI, en stock et en flux : c'est la première fois depuis quinze ans, il faut le souligner. Reste que le taux de recours aux emplois précaires – CDD et intérim – est supérieur à la moyenne de bon nombre de pays européens qui ont une économie florissante. On ne peut donc pas dire qu'il y a là une fatalité économique.
Bien sûr, à terme, il faut de l'agilité : c'est tout le sens des ordonnances « travail », lesquelles permettent aux employeurs, sur la base d'un accord avec les syndicats, d'adapter le temps de travail en fonction des besoins et des opportunités du marché. Il y a toujours des surcroîts d'activité qui rendent nécessaire le recours à une main-d'oeuvre extérieure, en CDD ou en intérim. Ces derniers contrats sont aussi, pour certains, un tremplin vers un CDI. Ce ne sont donc pas les contrats courts en eux-mêmes qui posent problème, mais la précarité excessive et l'usage qu'en font certaines entreprises, lequel induit, pour le coup, des comportements à la fois précarisants pour les salariés et pénalisants pour la collectivité.
Je m'explique. Entre 2000 et 2017, le nombre de CDD de moins d'un mois a augmenté de 165 %. Vous savez que 85 % des embauches s'effectuent en CDD ou en intérim, et 70 % d'entre elles en CDD de moins d'un mois. Par ailleurs, 85 % de ces contrats de moins d'un mois correspondent à des réembauches chez le même employeur, alors que le plus souvent, la personne reste inscrite au chômage.
Quelque chose ne tourne pas rond : qu'un employeur embauche quelqu'un dix fois de suite, en alternance avec des périodes de chômage, signifie certainement qu'il a un besoin plus permanent. Le salarié est obligé de s'inscrire dans la précarité, qui va de pair avec un manque d'autonomie et des difficultés à accéder à un logement, à un emprunt, et à se projeter dans la société.