Pour reprendre les termes de M. Sommer, certains employeurs font payer à l'assurance chômage, donc à la collectivité, le prix de leur flexibilité. Avec les vingt ans d'expérience industrielle que j'ai acquis, lorsque je vois une usine qui fonctionne avec 50 % d'intérimaires, je pense non seulement que cela crée une précarité excessive et injustifiée pour les salariés, mais aussi que sa gestion pose problème en termes de compétitivité durable.
C'est dans ce type d'usine que l'on retrouve le plus d'accidents du travail, ce qui est logique car la sécurité au travail procède de toute une culture. Si les salariés travaillent trois semaines ou un mois dans l'entreprise, ils ne peuvent pas – même avec une petite formation – parvenir au même niveau de sécurité.
Ce type d'usine n'a pas non plus la même qualité, ni la même compétitivité. L'engagement durable, la motivation des salariés, la sécurité, les conditions de travail, la qualité et la performance finissent par converger.
Ces employeurs qui font payer à l'assurance chômage le prix de leur flexibilité excessive fait que la France est, avec l'Espagne, le pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques – OCDE – dans lequel les CDD sont le moins souvent transformés en CDI. Dès lors, que faire ?
Certes, dans certains secteurs l'activité économique est beaucoup plus versatile et obéit à des cycles courts. Même avec une flexibilité interne, les entreprises auront davantage recours à l'emploi précaire. Nous pouvons le comprendre.
Nous avons évoqué en commission, à l'occasion de la discussion d'un amendement, le cas de deux entreprises concurrentes, sur le même marché, dont l'une recourt de manière extrême à l'emploi précaire et l'autre recourt au maximum de ce qu'elle peut faire en CDI et n'utilise la flexibilité externe que pour ce qui est indispensable. On se dit qu'il n'y a pas de raison que les unes paient pour les autres.
Notre système de mutualisation est bon, sauf s'il induit des comportements irresponsables. Il faut que les systèmes collectifs créent la solidarité, mais tout en induisant des comportements responsables.
C'est pourquoi nous voulons mettre en place le bonus-malus, un des engagements de campagne du candidat, aujourd'hui Président de la République, Emmanuel Macron. Ce dispositif, qui s'apparente à celui du pollueur-payeur, est discuté avec les partenaires sociaux.
Nous ne pensons pas qu'il faille taxer les contrats courts : ce serait une fausse bonne idée, car le CDD peut aboutir à un CDI. En revanche, nous visons les employeurs qui renvoient indéfiniment les salariés à l'assurance chômage alors qu'ils auraient des besoins d'embauche plus permanents.
Dans leur accord national interprofessionnel, les partenaires sociaux nous ont demandé d'avoir la primauté de la négociation sur le sujet – au niveau de la branche. Nous avons accepté, à leur demande, que cette primauté aille jusqu'au 31 décembre. Comme cela a été rappelé, le projet de loi prévoit que si ces négociations n'aboutissaient pas, la loi autoriserait à procéder par décret à partir du mois de janvier. Cela signifie que si les mesures étaient insuffisantes, le Gouvernement prendrait ses responsabilités.
À un moment où la croissance repart, où l'on crée des emplois, beaucoup nous approuvent aujourd'hui, ce qui n'était pas le cas les cinq dernières années. Mais là n'est pas le plus important : la croissance repart, c'est le moment de renforcer chez chacun les comportements responsables. La solidarité ne doit pas s'exercer aux dépens de la responsabilité. C'est un signal fort envoyé aux entreprises qui paient pour les autres – et cela représente une part importante du déficit de l'assurance chômage – et qui essaient le plus possible d'aller vers une sécurisation des parcours.
Je veux aussi adresser un message aux salariés : vous n'êtes pas condamnés à la précarité. La précarité excessive, nous ne voulons pas l'accepter durablement dans notre pays !