Intervention de Danièle Obono

Séance en hémicycle du vendredi 15 juin 2018 à 21h30
Liberté de choisir son avenir professionnel — Article 63

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

Il s'agit d'un amendement de suppression de l'article. On nomme communément « pantouflage » la pratique consistant pour un agent de l'État à travailler dans une entreprise privée, pratique très fréquente, notamment chez les hauts fonctionnaires, qui monnaient ainsi leur connaissance des institutions et des réseaux de prise de décision.

Cette pratique pose des problèmes éthiques et déontologiques évidents, et donne très souvent lieu à des conflits d'intérêts. Pour le haut fonctionnaire sorti de l'école nationale d'administration – ENA – , travailler pour une entreprise privée présente l'avantage de pouvoir espérer une rémunération bien supérieure.

En effet, contrairement à ce que laissent entendre ceux qui veulent remettre en cause l'administration publique, les fonctionnaires ne sont pas des privilégiés nantis d'un statut trop confortable. Ce sont des agents au service de l'intérêt général, qui défendent un service public. La grille salariale du secteur public a l'avantage de limiter les inégalités entre les agents, alors que les grilles du secteur privé favorisent les grands cadres et les postes de direction.

Pour des agents qualifiés, les perspectives de carrière sont donc bien meilleures dans le privé et, quand ils ne sont plus motivés par l'intérêt général mais par l'appât du gain, ils répondent aux appels des grandes entreprises.

Le pantouflage est d'abord très profitable à ces entreprises, qui recrutent ainsi des agents maîtrisant parfaitement les rouages et les failles potentielles des institutions. Il présente de graves dangers, puisque l'agent peut être tenté de s'attirer les bonnes grâces d'une entreprise par des décisions favorables, dans l'espoir d'une récompense par l'embauche. Ensuite, grâce au débauchage, les intérêts privés disposent de ressources dont ils ne pourraient bénéficier autrement. Enfin, parce qu'avec le « rétro-pantouflage », c'est-à-dire le retour du haut fonctionnaire dans son administration, l'entreprise peut profiter d'un interlocuteur privilégié.

Sous couvert de favoriser la mobilité des fonctionnaires, le Gouvernement veut en réalité faciliter cette pratique, qui confond intérêts publics et privés. Les fonctionnaires disposent déjà d'un certain nombre de droits, qui leur permettent de se mettre en retrait de leurs fonctions. Nous demandons la suppression de cet article, qui va à l'encontre des déclarations sur la moralisation de la vie politique. L'existence de cet article est cohérente avec votre refus de soutenir nos amendements sur ces mêmes pratiques. Nous vous donnons donc l'occasion de revenir sur votre opposition, les dernières semaines et derniers mois ayant illustré ce que nous dénoncions. Pour éviter que le désaveu des élus et de la haute fonction publique ne se renforce dans la population, il faut éviter de mettre en situation de conflit d'intérêts les hauts fonctionnaires. Nous vous appelons donc à supprimer l'article 63.

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