Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du jeudi 31 mai 2018 à 18h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

Je suis ravie de participer à une audition qui s'inscrit dans le printemps de l'évaluation et, en quelque sorte, anticipe le projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, qui vous sera bientôt présenté. Nous vous y proposerons une réduction des délais d'examen des textes financiers – en contrepartie, bien entendu, d'un contrôle accru de l'exécution budgétaire et de l'action gouvernementale. L'exercice s'achèvera avec la loi de règlement. Le projet de loi constitutionnelle prévoit bien que les ministres viennent devant la commission présenter l'exécution des budgets. La commission des finances et les commissions saisies au fond auront un rôle essentiel à jouer pour assurer ce contrôle qui n'est pas seulement budgétaire mais porte aussi sur l'efficacité des politiques publiques.

Le rapporteur spécial a dit l'essentiel sur les conditions d'exécution du budget 2017. Hors dépenses de pension, l'exécution des crédits de la mission Justice est de 6,698 milliards d'euros, dont 3,583 milliards au titre des dépenses de personnel du titre 2 et 3,115 milliards en dépenses de fonctionnement et d'investissement hors titre 2. L'exécution est de 3,9 % supérieure à celle de 2016, année qui avait déjà enregistré une progression avec 2,3 %.

La priorité accordée par le Gouvernement au ministère de la justice, dans un contexte budgétaire difficile auquel nous avons été confrontés à notre arrivée à la suite des décisions qui avaient été prises par les précédents gouvernements, se justifie donc. Le budget de 2018 progresse encore à son tour de 3,9 %, ce qui marque l'effort soutenu pour la justice.

L'exécution 2017 a été marquée par un montant très élevé de mise en réserve des crédits hors masse salariale en début d'année puis des annulations en cours d'année. L'exécution 2018 devrait être plus simple, le Gouvernement ayant choisi une budgétisation plus sincère et ramené le taux de mise en réserve à 3 % des crédits.

Vous l'avez souligné, nous n'avons pas réussi à pourvoir tous les emplois alloués, avec 259 ETP de moins que ce qui était prévu en LFI. La principale difficulté a été le recrutement d'agents pénitentiaires – le déficit de 122 ETP. Cela a des impacts sur les vacances de postes. Nous essayons de jouer sur plusieurs leviers. Ainsi nous avons signé avec la principale organisation représentative des personnels pénitentiaires un protocole qui permet d'améliorer les conditions de travail et la rémunération des surveillants pénitentiaires. Nous travaillons aussi à un dispositif de fidélisation pour les nouveaux surveillants qui arrivent dans des établissements ou des zones difficiles comme en région parisienne, et nous allons développer l'accompagnement en matière d'action sociale.

Malgré cela, nous avons réussi à mettre en oeuvre les priorités budgétaires de la mission Justice. Le fonctionnement courant des juridictions a fortement augmenté – de 4,6 %, soit 163 millions d'euros – et augmentera encore de 9 % l'année prochaine. Nous avons également mis en place le plan de lutte contre le terrorisme, j'y reviendrai. Nous avons mis en place le bureau central du renseignement pénitentiaire, qui joue un rôle central dans la lutte contre la radicalisation, et nous allons encore affecter une centaine d'emplois supplémentaires au renseignement pénitentiaire sur trois ans.

S'agissant de l'augmentation des restes à payer, elle est liée au lancement du programme immobilier pénitentiaire. 1,5 milliard d'euros ont été ouverts pour le programme d'encellulement individuel mais, vous le savez, la consommation des crédits de paiement a vocation à se faire sur plusieurs années. La loi de programmation pour la justice 2018-2022 que j'aurai le plaisir de vous présenter sécurisera notre capacité à disposer des crédits de paiement jusqu'au terme des constructions.

Suite aux observations de la Cour des comptes, vous m'avez interrogée sur les plans de lutte contre le terrorisme et la radicalisation, PLAT et PART. Vous me demandez si je plaide en faveur de la reconduction de ces dispositifs. Je dois dire qu'ils ont permis une mobilisation des moyens et des ressources pour la lutte antiterroriste et qu'ils ont eu, si je puis utiliser ce terme, un effet booster. Ils ont joué un rôle dans le recrutement de personnels spécifiques, tels les binômes de soutien qui accompagnent les détenus en voie de radicalisation dans les établissements, pour développer des actions de sensibilisation des personnels et multiplier les programmes de prise en charge. Nous sommes entrés dans une phase de consolidation de ces dispositifs. Nous avons confirmé les crédits dans le cadre du budget 2018 et de la loi de programmation. Je ne crois donc pas qu'il soit nécessaire, désormais, d'avoir un fléchage particulier de ces dispositifs qui sont, en quelque sorte, intégrés dans nos dispositifs de droit commun. Ainsi, nous allons affecter une centaine d'emplois supplémentaires au renseignement pénitentiaire au niveau déconcentré, ce qui entre désormais dans nos actions quotidiennes. Si nous n'avons plus de crédits fléchés, il ne me semble pas utile de développer des outils de suivi dédiés. À ce stade, nous n'avons pas prévu de le faire pour les années à venir.

Vous demandez si les crédits fléchés PLAT ou PART ont pu servir à des dépenses relevant de l'exercice ordinaire du ministère de la justice. Il est assez simple de flécher certains financements, par exemple lorsqu'on met en place un bureau du renseignement pénitentiaire ou un quartier d'évaluation de la radicalisation, comme nous le faisons dans un bon nombre d'établissements pénitentiaires. La direction de l'administration pénitentiaire a mis en place un référentiel analytique dans le logiciel Chorus pour suivre ces crédits. Ce n'est pas toujours aussi simple. Ainsi, nous avons obtenu une enveloppe exceptionnelle de 30 millions d'euros pour rénover certains établissements pénitentiaires. Ils concourent directement à la sécurité des établissements. C'est très important quand nous devons faire face à des détenus terroristes ou radicalisés. Mais dans le même temps, ces crédits de sécurisation servent aussi à d'autres détenus. Il n'est pas toujours aisé de faire la distinction entre ce qui relève de la lutte antiterroriste et de ce qui relève de la sécurité générale dans les établissements. Je ne pense pas pour autant qu'on puisse parler d'effet d'aubaine : il fallait répondre à ces défis.

Votre rapporteur général évoque la mise en place d'indicateurs de lutte contre la radicalisation. Nous avons effectivement prévu quelques indicateurs de suivi, par exemple le taux de détenus radicalisés ayant suivi un programme de prévention contre la radicalisation, ainsi que leur suivi. Ces indicateurs sont plus liés au fond de nos actions qu'au suivi des crédits affectés.

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