Mme Braun-Pivet rappelle que la Cour des comptes souligne la sous-consommation des crédits d'investissement immobilier, à 1,5 milliard en AE. Distinguons autorisations d'engagement et crédits de paiement. Les AE sont mises en place pour lancer des programmes ambitieux et 1,5 milliard avaient été inscrits pour financer le programme prévu par le précédent gouvernement. Mais les crédits ne sont engagés que lorsqu'on passe en phase opérationnelle. Or c'est souvent long pour les établissements pénitentiaires, puisqu'il faut trouver des terrains et s'assurer de la faisabilité des projets. Les projets lancés par mon prédécesseur ne sont pas tous en phase opérationnelle. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas consommé ces autorisations d'engagement, mais elles pourront être reportées. Pour les crédits de paiement en revanche, 2017 a été une année de très fort investissement : l'administration pénitentiaire a consommé 238 millions d'euros de CP et nous avons bénéficié de 30 millions de crédits exceptionnels pour les PLAT.
J'ai lu avec intérêt les travaux de la commission des lois et deux de ses préconisations m'intéressent au plus haut point. Il s'agit d'abord d'introduire plus de diversification dans les établissements pénitentiaires, nous en sommes d'accord. Nous allons lancer de nouvelles unités à architecture adaptée pour la sécurité en zones urbaines et périurbaines afin de favoriser l'insertion. À ce titre, les exemples de Mauzac et Casabianda sont intéressants, même s'ils ne sont pas situés en zone urbaine.
En second lieu, j'ai voulu tenir compte d'une nouvelle politique des peines que nous allons élaborer conformément aux préconisations du Président de la République. Selon nos estimations, elle devrait diminuer de 8 000 le nombre de détenus en maison d'arrêt classique. C'est sur cette base que nous allons définir le programme pénitentiaire. Nous aurons besoin de 15 000 places supplémentaires pour parvenir à l'encellulement individuel, mais il faut être lucides, nous ne le ferons pas en un quinquennat. Il a fallu dix ans pour réaliser le précédent programme d'importance, le programme 13 200. Je me suis fixé l'objectif de 7 000 places en 2022 et les autres suivront.
Madame Motin, l'aide juridictionnelle est en effet importante pour l'accès au droit, même si celui-ci est plus large. La réforme de l'aide se déroule en trois étapes. En 2014 et 2015, les dépenses ont été rationalisées et des ressources nouvelles affectées; en 2016 et 2017, il y a eu un relèvement et une indexation des plafonds sur l'inflation ainsi qu'une augmentation de la rémunération moyenne versée aux avocats pour qu'elle soit plus équitable tout en maintenant la qualité de la défense. Ces mesures ont coûté environ 120 millions d'euros. À partir de 2018, l'effort portera sur la dématérialisation de l'aide juridictionnelle tout en maintenant l'accès pour tous. Avec l'ouverture du portail justice.fr, le justiciable peut déjà vérifier en ligne s'il est éligible à l'aide juridictionnelle. Dans une version ultérieure qui sera livrée en 2019, il pourra effectuer sa demande en ligne. Ce sera un gain de productivité. Pour autant, on continuera à accueillir physiquement les justiciables qui n'ont pas la capacité d'effectuer ce genre de demande. Nous souhaitons aussi simplifier les critères d'attribution de l'aide, notamment en ce qui concerne les ressources, ce qui facilitera l'automatisation de la demande et de son traitement. Une mission a été confiée aux inspections générales des finances et de la justice pour chercher différentes pistes d'amélioration du dispositif.
Par ailleurs, nous souhaitons bien sûr maintenir les bureaux d'aide aux victimes qui existent dans les juridictions. La priorité forte de toute mon action est la proximité avec les citoyens et les justiciables. Nous avons mesuré le taux de fréquentation des bureaux par deux indicateurs : le nombre de personnes reçues rapporté au nombre total de victimes dans les affaires jugées par les TGI en formation pénale. Ce taux est de 47,6 %, soit plus que la cible fixée pour 2017 à 45 %. Nous avons mesuré d'autre part le nombre de bureaux qui reçoivent moins de victimes que l'objectif fixé pour 2017, soit 50 % ; 53,9 % des bureaux accueillent moins de victimes que cet objectif national. Nous suivons ces bureaux d'aide et souhaitons non seulement leur maintien, mais leur développement.
Mme El Haïry est revenue sur l'attractivité du métier de surveillant. Je lui livre donc la réponse que j'avais préparée pour Mme Motin ! Nous avons pris d'importantes mesures en faveur du recrutement en créant dans chaque direction interrégionale de l'administration pénitentiaire des cellules – le terme est pour le moins inadapté – de recrutement. Nous avons renforcé le partenariat interministériel pour attirer des publics motivés par les métiers de la sécurité et nous renforçons les actions de communication. Nous souhaitons aussi réviser l'âge minimum pour l'inscription aux concours. Nous avons également pris des mesures sur la carrière et les conditions de travail des surveillants, que j'ai déjà évoquées. Par exemple, nous discutons avec les organisations syndicales d'une prime de fidélité, qui sera pour un surveillant qui restera cinq ans, puis huit ans dans un établissement, de 5 000 puis 8 000 euros selon le nombre d'années. Il me semble aussi essentiel que les surveillants pénitentiaires puissent évoluer dans leur carrière et y changer de métier. Nous devons donc trouver à la diversifier. Nous souhaitons développer l'aspect social des conditions de travail, notamment l'accès au logement.
Monsieur le président Warsmann, vous me faites part de votre souhait de modifier la réalité de la chaîne pénale en privilégiant les saisies de patrimoine plutôt que le nombre d'arrestations qui, dans certains cas, ne veut pas dire grand-chose. Je partage votre sentiment. Vous connaissez bien la situation : actuellement, 9 millions d'euros du fonds de concours de l'AGRASC à l'État vont pour 4,5 millions d'euros à la justice et pour la même somme à la gendarmerie, à la police et aux douanes. Ils permettent de financer des outils de mobilité pour les magistrats, des logiciels et des locaux de gestion des scellés. C'est très utile et je ne verrai que des avantages à accroître ces sommes.
L'allongement des délais de la procédure civile, monsieur Hetzel, me préoccupe beaucoup. Je considérerai que la réforme de la justice que je porte est une réussite si nous pouvons vraiment réduire les délais pour les justiciables. Nous espérons dans les mesures de simplification que nous avons mises en place. Nous avons modernisé les procédures : par exemple la saisine des juridictions au civil ne se fera plus que par une procédure d'introduction en instance et non plusieurs ; dans un certain nombre de domaines comme l'audience de médiation en cas de divorce nous avons également allégé la procédure. Cela est parfois sujet à critique. Mais notre objectif est bien la simplification en vue de la réduction des délais.
Madame Cariou, la Cour des comptes, dans sa note d'exécution budgétaire, nous demande en effet d'introduire un indicateur du taux de récidive par catégorie de peine. Nous publions chaque année, dans Références Statistiques Justice, le taux de récidive par type de crime, de délit ou de peine. Le suivi de cet indicateur est indispensable, mais il me semble qu'il ne permet pas de mesurer immédiatement l'efficacité de la politique suivie actuellement grâce aux crédits ouverts, mais cinq années plus tard. On n'a donc pas choisi de l'inscrire dans les documents budgétaires. Cette récidive ne peut être mesurée qu'à partir des condamnations inscrites au casier judiciaire pour des faits connus et sanctionnés par la justice. Pour construire un indicateur de la récidive, nous avons fait un choix plus large, qui est de tenir compte des peines alternatives, qu'il n'est pas possible pour l'instant d'inscrire au casier judiciaire. Les données statistiques n'ont pas d'identifiant permettant de relier plusieurs affaires à un même auteur et ainsi d'observer ses retours en justice. C'est l'un des enjeux du plan de transformation numérique que je porte que d'établir ce genre d'indicateur.
Vous avez également évoqué la présence des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) dans les territoires ruraux. Il est important que ces services soient présents sur l'ensemble du territoire. Ils sont répartis dans chaque département et les SPIP organisent des permanences délocalisées, notamment dans les départements dont le territoire est étendu. Je serai très attentive à ce que les créations de postes de SPIP tiennent compte de la situation de l'ensemble des territoires, même si, bien évidemment, il n'y a pas le même nombre de personnes placées sous main de justice dans chaque département. L'administration pénitentiaire n'est pas seule à assurer le suivi des personnes placées sous main de justice. Nous travaillons actuellement sur le développement des travaux d'intérêt général, qui sera porté par les SPIP mais aussi d'autres partenaires. J'ai visité un SPIP ce matin à Douai – qui n'est pas un territoire rural – pour bien affirmer l'importance que nous attachons à ces services et donner de la crédibilité à la politique des peines que nous portons. Dans la loi de programmation et de réforme de la justice, il est prévu que la liste des TGI comportant un ou plusieurs juges d'application des peines soit fixée par décret. Il y aura, en toute hypothèse, au moins un service de l'application des peines par département et la présence des juges d'application des peines dans les établissements sera assurée sur tout le territoire.
Monsieur Serville, s'agissant du plan « prisons » que le Président de la République a annoncé il y a quelques mois à Agen, je ferai une présentation précise à l'occasion du projet de loi de programmation pour la justice. Nous sommes en train de l'élaborer à partir de ce qui avait été prévu antérieurement, mis aussi de la nouvelle politique des peines et même de la nouvelle politique de construction des établissements pénitentiaires que j'évoquais précédemment qui vise à différencier les modalités d'accueil des personnes détenues. Je vous confirme qu'en Guyane, il est prévu un établissement pénitentiaire de trois cents à cinq cents places à Saint-Laurent-du-Maroni. Le travail est avancé et est suivi par l'Agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ). A été identifié un terrain qui pourrait accueillir cet établissement et peut-être le TGI, ce qui facilitera considérablement les extractions pénitentiaires. L'objectif est de les mettre en service en même temps. Les études techniques sont favorables. Certains points restent à approfondir, mais cet établissement est classé en priorité parmi ceux que nous aurons à construire.