Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, madame la rapporteure spéciale, mesdames et messieurs les députés, la France est une grande nation scientifique, cela a été rappelé. C'est le fruit de notre histoire et aussi l'héritage d'une politique de recherche continue depuis des décennies – ce qui me permet de rappeler que le CNRS fêtera ses quatre-vingts ans cette année.
Le Gouvernement a repris cet héritage à son compte. Il est de ma responsabilité de ministre chargée de la recherche de travailler à consolider cet édifice commun qu'est notre politique de recherche. Plus qu'une responsabilité, c'est une exigence, encore plus grande pour la scientifique que je suis.
C'est une exigence s'agissant des moyens, tout d'abord. Cela s'est traduit, dès la présentation du projet de loi de finances pour 2018. Dans votre proposition de résolution, madame la rapporteure spéciale, vous avez rappelé les chiffres et les engagements tenus du Gouvernement. Nous tâcherons bien évidemment de maintenir un tel niveau d'engagement budgétaire dans les prochaines années.
J'entends certaines des critiques exprimées sur la façon dont ces financements sont distribués dans le monde de la recherche. Je suis néanmoins convaincue que, pendant trop longtemps, nous avons subi une opposition de façade entre le principe du financement sur projet et celui de financement des organisations et des laboratoires. Ma conviction profonde est qu'il faut maintenir et approfondir ces deux canaux, tout simplement parce qu'ils permettent à de jeunes équipes de recherche de prendre leur autonomie et de proposer, à leur tour, de nouveaux sujets de recherche. Surtout, ce débat nous éloigne du véritable enjeu posé par la compétition mondiale en matière de recherche, car trois mots définissent la recherche au plan international : par définition, elle est mondiale, collaborative et compétitive.
Quel est l'enjeu ? La France compte 96 000 enseignants-chercheurs et 120 000 chercheurs. C'est beaucoup, mais ce n'est en rien comparable avec les effectifs de la recherche aux États-Unis ou en Chine. L'enjeu, dans ces conditions, est de permettre à nos chercheurs de prendre des risques scientifiques et technologiques plutôt que de les contraindre à prendre des risques administratifs. En un mot, l'enjeu est de préserver l'énergie de nos talents des contingences quotidiennes liées aux différents canaux de l'allocation des moyens. Bien que perfectible, le système de la recherche publique française reste très attractif, je le précise, puisque 30 % des recrutements qui s'y opèrent sont internationaux.
Cette proposition de résolution atteste ainsi une réelle convergence de vues entre le Gouvernement et l'Assemblée nationale. La rapporteure spéciale a posé ainsi les termes de la question : comment conjuguer l'exigence de visibilité et de stabilité des moyens avec celle, peut-être plus importante encore, de la simplification des structures et des pratiques de l'administration de la science ? Aussi, le Gouvernement ne peut qu'accueillir favorablement votre proposition de résolution. Je tiens par ailleurs à saluer votre travail, mesdames, messieurs les députés de tous les bancs, et surtout à vous remercier de l'intérêt que vous portez au sujet.
Je tiens aussi à vous rassurer sur les capacités de pilotage de la recherche par les sites universitaires français, en parfaite harmonie avec les organisations nationales de recherche. L'activité de recherche en France reste très largement un plaisir et constitue un facteur d'attractivité de notre pays, je veux aussi vous rassurer sur ce point.
Cette convergence de vues a vocation à se traduire concrètement, en actes ; certains ont déjà été mis en oeuvre, d'autres sont à venir à très court terme.
Tout d'abord, nous avons annoncé un certain nombre de plans dont les financements, pluriannuels, seront confiés à des organismes nationaux pour le compte de toute la communauté scientifique. C'est le cas des plans relatifs au climat ou à l'intelligence artificielle, et à de nombreux autres que nous allons annoncer, comme ceux consacrés à la résistance antimicrobienne, aux produits phytosanitaires ou encore aux maladies rares.
Ce travail, essentiel, s'effectue d'abord au niveau national car il marque nos priorités en matière de recherche, mais aussi en bilatéral, avec les partenaires, européens ou extra-européens, associés au développement de certains plans. Il s'inscrit également dans la préparation du prochain programme-cadre européen, notre objectif étant de ne plus subir ces programmes mais de participer à leur élaboration afin qu'ils nous conviennent au mieux. Enfin, ce travail passe par des partenariats public-privé, et il associe les collectivités puisque l'effort de la recherche publique doit être soutenu par un effort industriel. Il s'appuiera sur le fonds pour l'innovation de rupture et sur la future agence européenne pour l'innovation de rupture, l'idée étant de nous donner les moyens de financer la prise de risques.
Ensuite, comme j'ai pu l'annoncer devant la commission des finances le 4 juin dernier, le ministère expérimentera, dès l'an prochain, un dialogue de gestion annualisé avec les universités. Revoir les modalités de dialogue pour le financement de l'université permettra d'accompagner les ambitions, en ce qui concerne la formation comme la recherche. De plus, sur les sites – notamment ceux des lauréats du programme d'investissements d'avenir – , des dialogues stratégiques entre les universités et les organismes existent déjà et ont vocation se renforcer.
La vision pluriannuelle du soutien à la recherche doit être mise à profit pour répondre aux défis de l'excellence comme à ceux posés à la science par la société elle-même. Ce fut l'objet même du programme d'investissements d'avenir, lequel a su garantir, y compris au coeur de la crise économique de la fin des années 2000, une vision pluriannuelle de la recherche. Il est même l'un des seuls programmes permettant d'assurer cette vision pluriannuelle, en l'occurrence sur dix ans. Afin de répondre aux exigences adressées à notre outil de recherche, le ministère travaille, en lien avec le secrétariat général pour l'investissement, à la clarification des objectifs de chaque outil du programme d'investissements d'avenir et à la précision des modalités d'atteinte des objectifs.