Intervention de Laurent Saint-Martin

Séance en hémicycle du mercredi 20 juin 2018 à 15h00
Révision générale des taxes à faible rendement — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Saint-Martin, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, monsieur le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, à l'occasion de ce premier « printemps de l'évaluation », notre commission a choisi de présenter une proposition de résolution pour une révision générale des taxes à faible rendement, fruit de mes travaux de contrôle en tant que rapporteur spécial de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

Mes analyses ont porté, cette année, sur la conduite par les administrations fiscale et douanière de la mission de recouvrement des impôts et taxes dont elles ont la charge. En effet, la mission fiscale est partagée entre deux administrations : la DGFiP et la DGDDI – la direction générale des finances publiques et la direction générale des douanes et droits indirects.

Cette répartition soulève deux questions principales : du point de vue du contribuable, celle de la lisibilité de l'action publique, car il est parfois difficilement compréhensible que la gestion d'un même impôt fasse intervenir plusieurs interlocuteurs, en matière de fiscalité énergétique, notamment ; du point de vue du gestionnaire, celle de la simplification de l'organisation administrative, puisque ces missions regroupent des effectifs conséquents et justifient l'existence d'un réseau comptable dense sur le territoire, et que la coexistence de deux réseaux de recouvrement peut être à l'origine d'une mauvaise communication, voire d'une déperdition de l'information.

L'analyse que j'ai proposée à la commission des finances souligne également l'existence de difficultés spécifiques liées à la gestion de certaines taxes, recouvrées le plus souvent par les douanes, source de complexité tant pour le contribuable que pour l'administration. Je pense en particulier à la taxe spéciale sur certains véhicules routiers, à la taxe sur les farines, aux droits de port ou au droit annuel de francisation et de navigation, autant de dispositifs lourds et coûteux à gérer.

Ces conclusions ont constitué le point de départ d'une réflexion plus vaste sur la pertinence du maintien de nombreuses taxes à faible rendement. Ces petites taxes, si j'ose dire, ont souvent été créées à des fins budgétaires ou de régulation sectorielle, mais leur empilement porte atteinte à l'efficacité administrative, à l'optimum économique et, in fine, au consentement à l'impôt.

La question n'est pas nouvelle, monsieur le secrétaire d'État : en 2014, l'inspection générale des finances dénombrait près de 200 taxes à faible rendement. Ce nombre serait, selon les estimations, de deux à quatre fois supérieur à celui observé chez nos voisins européens. Les explications en sont nombreuses : la création de taxes en matière sanitaire pour répondre aux obligations européennes, l'affectation d'impositions optionnelles au budget des collectivités territoriales, l'exclusion des taxes affectées de la norme de dépenses jusqu'à une date récente, ou encore l'essor de la fiscalité comportementale ont pu favoriser leur développement.

Ce foisonnement, ou cette profusion, est préjudiciable au bon fonctionnement de l'économie. Cela conduit à des empilements de taxes sur certains produits, génère des distorsions et affecte la compétitivité des entreprises nationales. Cela affaiblit la lisibilité de notre système fiscal car l'apparition de nouvelles taxes n'obéit pas nécessairement à une logique d'ensemble, mais répond plutôt à des besoins opportunistes. Cela freine la modernisation du recouvrement car la déclaration et les travaux d'assiette et de liquidation font souvent l'objet d'un formalisme trop lourd.

Votre gouvernement s'est récemment engagé, par une circulaire du Premier ministre du 29 mars 2018, à fixer un objectif de réduction du nombre de taxes à faible rendement, dont l'inventaire est en cours dans le cadre du programme action publique 2022. Lors de la commission d'évaluation des politiques publiques du mercredi 30 mai dernier, M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, a indiqué que 150 à 200 millions d'euros pourraient être budgétés à ce titre dès cette année, dans le projet de loi de finances pour 2019. Cet engagement est salutaire. Il rejoint une volonté exprimée de longue date par notre commission des finances et par notre assemblée. Il doit être ambitieux, et nous espérons, monsieur le secrétaire d'État, qu'il sera tenu. Tel est l'objet de notre proposition de résolution.

Le texte appelle votre attention sur deux éléments complémentaires.

Premièrement, nous rappelons qu'il sera nécessaire de considérer avec la plus grande attention les conséquences budgétaires des suppressions de taxes pour les organismes bénéficiaires, et d'envisager très en amont les modalités de leur compensation. Si nous sommes conscients de l'objectif de baisse de la dépense publique, que nous partageons, la révision générale des taxes à faible rendement ne doit toutefois pas se traduire par des coupes aveugles dans le budget des affectataires, qu'il s'agisse de l'État, des opérateurs ou des caisses de retraite.

Deuxièmement, afin d'assurer la cohérence d'ensemble de la démarche, il faudra éviter l'éparpillement des dispositifs fiscaux et de la discussion dont ils feront l'objet. Nous jugeons donc nécessaire de réaffirmer ici le principe d'un monopole fiscal des lois de finances.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.