Nous examinons une proposition de résolution de notre collègue Laurent Saint-Martin demandant une révision générale des taxes à faible rendement. Certes, il est bien possible que, par-ci par-là, certaines taxes ne soient pas correctement calibrées ou que leur coût d'application soit trop important par rapport à leur gain, mais honnêtement, si les gouvernements successifs – dont celui-ci – ne supprimaient pas d'un coup de crayon certains impôts, on n'en serait certainement pas là. Si vous voulez mon avis, arrêter les cadeaux fiscaux aux plus riches – il y en a eu toute une série lors du PLF 2018, parmi lesquels la transformation de l'ISF ou la flat tax – serait certainement un bon moyen d'éviter d'empiler ou d'augmenter des taxes à faible rendement.
Par exemple, lorsque vous avez décidé de supprimer l'impôt sur la fortune pour quelques milliers de privilégiés, vous avez en même temps créé ou augmenté une multitude de ces taxes à faible rendement, et vous souhaitez maintenant les remettre en cause ; tout cela n'est pas très crédible. En effet, d'un impôt de solidarité sur la fortune englobant une bonne partie du patrimoine des plus riches, vous avez fait une cacophonie fiscale : création d'une taxe additionnelle sur les immatriculations de voitures de sport ou de luxe d'une puissance de plus de trente-six chevaux ; hausse des droits de francisation et du droit de passeport pour les navires de plus de trente mètres ; augmentation d'un point de la taxe forfaitaire sur la cession d'objets précieux, etc. Bref, parfois, réfléchir en amont aux conséquences de ses politiques injustes permet d'éviter d'arriver à de telles contradictions. Mais – c'est notre inquiétude – cette proposition de résolution, qui nous est présentée comme une action de bon sens et de bonne gestion, apparaît plutôt comme une excuse pour supprimer certaines taxes, notamment celles qui concernent les plus riches. Par exemple, le Président de la République a déclaré que l'exit tax était l'une de ces taxes à faible rendement. Régler son compte à l'exit tax, serait-ce là l'enjeu de la proposition de résolution ? Vous allez peut-être me rassurer tout à l'heure. Si vous considérez qu'un dispositif anti-abus à potentiel de recettes de 2,3 milliards d'euros – quoique, lors d'une audition en commission des finances, on soit monté jusqu'à 6 milliards – n'a pas un rendement suffisant, que dire de tous ceux qui ont remplacé l'impôt sur la fortune ?
En réalité, la révision des taxes à faible rendement que vous demandez est l'occasion de nouveaux cadeaux fiscaux possibles au bénéfice de quelques-uns. D'ailleurs, il serait à mon avis beaucoup plus intéressant de proposer une révision des niches fiscales à faible rendement économique en matière d'activité ou d'emploi, que la Cour des comptes a épinglées à de multiples reprises. La Cour évalue le montant des dépenses fiscales de l'année dernière à la somme record de 93 milliards – en augmentation de 5 milliards par rapport à 2016 – et prévoit un montant supérieur à 100 milliards pour les années qui viennent. On peut également s'interroger sur la rationalité du CICE – je l'ai souvent dénoncé ici – , qui a coûté plus de 16,5 milliards d'euros l'année dernière, pour un rendement économique quasi nul. Et que dire des dérives du coût du crédit impôt recherche, de la niche Pinel et du dispositif Scellier ? Bref, au lieu de se concentrer sur des taxes dont les gains sont inférieurs à 150 millions d'euros, le Gouvernement ferait bien de s'intéresser à ces dépenses fiscales qui coûtent plusieurs dizaines de milliards chaque année et qui augmentent l'inégalité entre les Français devant l'impôt. Vous l'aurez compris, nous ne voterons pas cette proposition de résolution qui n'a pas vraiment d'intérêt et qui nous semble représenter une véritable diversion, même si vous essayerez sans doute, cher collègue, de nous convaincre du contraire.