Intervention de Joël Giraud

Séance en hémicycle du mercredi 20 juin 2018 à 21h30
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2017 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'action et des comptes publics, monsieur le président de la commission des finances, chers collègues, pour la première fois depuis dix ans, le déficit public de la France, toutes administrations publiques confondues, se situe en dessous de la barre des 3 % du produit intérieur brut – PIB. C'est le fait le plus notable de l'exercice 2017 qui est l'objet de ce projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes.

Cet objectif avait été énoncé par le Premier ministre ; il a été tenu. La France va donc sortir de la procédure pour déficit excessif dont elle faisait l'objet depuis 2009. Mieux, la baisse du déficit public accélère. Sous la précédente législature, entre 2013 et 2016, le déficit public avait été réduit de 4 % à 3,4 % du PIB, ce qui représente une diminution totale de 0,6 point de PIB, soit en moyenne moins 0,15 point de PIB par an. En 2017, le déficit public est passé de 3,4 % à 2,6 % du PIB, soit une baisse de 0,8 point de PIB : en une seule année, nous avons donc fait mieux qu'au cours des quatre années précédentes. Le mérite de ce bon résultat est partagé entre l'ancien et le nouveau gouvernement, mais l'accélération de la baisse du déficit est due aux seules décisions prises par cette majorité, en dépenses et en recettes.

Côté dépenses, le Gouvernement a pris des mesures exceptionnelles portant sur plus de 5 milliards d'euros pour faire face aux importantes sous-budgétisations relevées par la Cour des comptes dans son audit de juin 2017 sur la situation des finances publiques. Côté recettes, la première loi de finances rectificative pour 2017 a créé deux contributions exceptionnelles à l'impôt sur les sociétés pour environ 5 milliards d'euros, afin de tirer les conséquences de l'annulation par le Conseil constitutionnel, le 6 octobre 2017, de la taxe à 3 % sur les montants distribués. Sans ces décisions de notre majorité, le déficit aurait certes poursuivi sa baisse, mais à un rythme comparable à celui des années précédentes, c'est-à-dire un rythme très faible de 0,1 à 0,2 point de PIB.

Ces premiers résultats ont été salués récemment par le Fonds monétaire international, dont j'ai rencontré à deux reprises des représentants au cours du mois de mai – une fois à Washington, avec le président de la commission des finances, et une fois à Paris. Cette institution a salué « les progrès impressionnants » de la France qui est devenue selon elle « un chef de file des réformes en Europe ».

Toutefois, notre déficit reste en grande partie – à hauteur de 85 % – structurel, la part structurelle représentant 2,2 points de PIB sur 2,6. Ce déficit structurel a baissé de 0,3 point de PIB en 2017. Les efforts à accomplir pour revenir à l'équilibre structurel des comptes – un autre de nos engagements européens – restent donc importants.

Le déficit structurel est calculé sur la base d'hypothèses d'écart de production et de croissance potentielle que nous avons longuement discutées à l'occasion de l'adoption de la loi de programmation des finances publiques. Vous comprendrez donc que je donne un avis défavorable à tous les amendements visant à changer le mode de calcul du déficit structurel.

J'en viens plus spécifiquement aux finances de l'État, dont les comptes sont l'objet principal de la loi de règlement. Certes, la Cour des comptes a estimé que le déficit budgétaire de l'État, en baisse de 1,4 milliard d'euros, ne se réduit pas significativement en 2017. Mais cela avait été anticipé en loi de finances initiale : le déficit est même moins élevé que prévu de 1,6 milliard d'euros.

J'ajoute que le déficit de l'État s'est réduit de 20 milliards d'euros depuis 2012, alors que celui-ci prend en charge l'intégralité du pacte de responsabilité et de solidarité adopte au cours de la précédente législature. L'État compense ainsi plus de 12 milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales à la Sécurité sociale en 2017. Il prend également à sa charge le coût du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – le CICE – qui atteint 15 milliards d'euros, en hausse de 2,2 milliards d'euros en 2017. Malgré cela, le déficit de l'État diminue, ce qui démontre l'importance des efforts qui sont réalisés en gestion.

Les recettes de l'État, quant à elles, progressent fortement, tirées par la reprise de la croissance économique. Les recettes fiscales du budget général progressent de 11,5 milliards d'euros, essentiellement grâce à la TVA – taxe sur la valeur ajoutée – , à hauteur de 8 milliards d'euros, alors qu'aucune mesure d'augmentation de cette taxe n'a été prise. Cela illustre bien le fait que le dynamisme des recettes est le résultat de l'amélioration de la conjoncture. L'évolution spontanée de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés a également été importante, même si elle a été compensée par plusieurs mesures de baisse des impôts.

Le rendement de l'impôt sur les sociétés progresse pour la première fois depuis 2013 : il est de 30,8 milliards d'euros en 2017, hors contributions exceptionnelles, au lieu de 30 milliards d'euros en 2016, alors même que le CICE poursuit sa montée en charge. Le rendement de l'impôt sur le revenu progresse, quant à lui, de 1,2 milliard d'euros, alors même qu'une baisse de 1 milliard d'euros a été adoptée en loi de finances initiale en faveur des ménages aux revenus modestes et moyens.

La hausse spontanée des recettes aurait été encore plus importante si l'on tenait compte du retard dans la comptabilisation des droits de donation et de succession. À ce propos, monsieur le ministre, je me permets de vous suggérer de faire figurer le rendement global des droits de donation et de succession dans le tableau de synthèse des recettes du budget général présenté dans l'exposé des motifs des divers projets de loi de finances. Leur rendement, qui est de 12,8 milliards d'euros, dépasse désormais celui de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TCIPE, affectée au budget général. Il serait donc logique que ces droits figurassent dans ce tableau au même titre que la TICPE.

Les dépenses fiscales poursuivent leur progression et atteignent 93 milliards d'euros en 2017. Elles dépasseront probablement les 100 milliards d'euros l'année prochaine. Je partage la volonté de beaucoup de nos collègues de mieux évaluer chacune de ces dépenses fiscales pour en réduire le coût. J'invite les différents rapporteurs spéciaux à porter leur attention sur celles qui sont incluses dans leur secteur.

J'appelle néanmoins votre attention à tous sur le fait que l'augmentation du coût des dépenses fiscales en valeur absolue est en grande partie le résultat mécanique de la reprise économique et de la croissance – je pense, bien évidemment, au CICE ou encore au crédit d'impôt pour l'emploi de salariés à domicile, dont les coûts sont, par construction, indexés à la masse salariale. C'est la même chose pour l'évaluation du coût des taux réduits de TVA : si nous avons beaucoup de croissance au cours des prochaines années, ces dépenses fiscales augmenteront mécaniquement.

Je pense que le bon indicateur de suivi est celui que nous avons adopté dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques en fixant un plafond de dépenses fiscales exprimé en pourcentage des recettes. Selon cet indicateur, les dépenses fiscales ont représenté 24 % des recettes en 2017, un niveau stable rapport à 2016.

L'exercice 2017 a également été marqué par une hausse des dépenses et un niveau inédit de mouvements de crédits en cours de gestion. Les dépenses nettes du budget général ont été de 382,8 milliards d'euros, dont 322,6 milliards pour le budget général, auxquels s'ajoutent les prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne, pour 16,4 milliards, et des collectivités territoriales, pour 43,8 milliards.

Les dépenses des ministères ressortent en augmentation de 9,1 milliards d'euros entre 2016 et 2017, soit une augmentation de 4 %. La restructuration de la filière nucléaire et les recapitalisations d'EDF et d'Areva ont coûté plus de 8 milliards d'euros au total : elles ont été financées pour partie grâce à des cessions de participation dans Engie, Renault et Peugeot. Hors la recapitalisation d'Areva, les dépenses nettes du budget général ressortent en augmentation de 2,7 milliards d'euros en 2017 par rapport à la loi de finances initiale.

La hausse des dépenses a en partie été compensée par une baisse importante du prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne, mais cette baisse est provisoire, et ce prélèvement sur recettes devrait augmenter de 4 à 5 milliards d'euros dans les prochaines années.

Par ailleurs, le Gouvernement a mené d'importants mouvements de crédits en cours de gestion afin de contenir l'évolution de la dépense publique, via la réserve de précaution, les décrets d'avance et d'annulation, ainsi que deux lois de finances rectificatives. Au total, les économies réalisées au cours du second semestre permettent un quasi-respect des règles de dépenses applicables à l'État. Ainsi, sur le périmètre en valeur, les dépenses sont supérieures de 400 millions d'euros, tandis que, sur le périmètre en volume, l'exécution 2017 ressort à 390,9 milliards d'euros, en ligne avec la prévision de la loi de finances initiale.

L'endettement de l'État a poursuivi sa progression : il s'établit à 1 686 milliards d'euros à la fin de l'année 2017. Au-delà de l'augmentation de l'encours de la dette, que nous devons surveiller, l'exercice 2017 marque une rupture de tendance avec une progression de la charge de la dette. Celle-ci avait diminué de façon continue depuis 2012, en raison du niveau historiquement bas des taux d'intérêt et du taux d'inflation. Elle progresse de nouveau du fait de la normalisation de l'environnement économique, qui se traduit par une remontée de l'inflation et un relèvement progressif des taux d'intérêt qui s'annonce. Il faudra donc oeuvrer au désendettement de l'État au cours de cette législature, afin de contenir la charge de la dette.

Nous achevons, à quelques heures du début officiel de l'été, le Printemps de l'évaluation. Le mois prochain, nous débattrons des grandes orientations des finances publiques puis, après l'été, viendra le marathon de l'automne budgétaire. Nous pourrons ainsi, après avoir examiné le passé aujourd'hui, porter notre regard vers l'avenir, selon le principe du « chaînage vertueux » voulu par les promoteurs de la LOLF – loi organique relative aux lois de finances.

Je tiens à remercier les membres du Gouvernement qui ont été présents lors de ce nouveau rendez-vous budgétaire du printemps. Je tiens à saluer pour leur travail et leur investissement les rapporteurs spéciaux, les rapporteurs pour avis et les députés qui ont participé activement aux commissions d'évaluation des politiques publiques : ils ont permis d'en faire un succès.

Nous partageons tous l'objectif d'un temps plus court en séance à l'automne. Mais, à mon sens, cet objectif ne pourra être atteint que si l'on ménage un délai suffisamment long entre l'adoption du projet de loi de finances en conseil des ministres et son examen au Parlement. Ce temps est vraiment nécessaire pour examiner les articles et surtout pour les évaluer. Nous devrons donc trouver un équilibre sur ce point avec le Gouvernement, dans le cadre du projet de loi constitutionnelle.

En attendant, je vous invite, mes chers collègues, à adopter le présent projet de loi de règlement.

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