Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de loi de règlement est un exercice délicat pour cette année 2017, puisqu'il s'agit d'examiner comment un budget, voté par la majorité socialiste en 2016, a été exécuté en 2017 par la même majorité socialiste jusqu'en mai, puis par la majorité La République en marche pour le reste de l'année.
Or, le moins qu'on puisse dire, c'est que les politiques d'austérité à l'oeuvre successivement sous les quinquennats Sarkozy et Hollande se sont accélérées dans la première année du quinquennat d'Emmanuel Macron, avec la baisse de l'APL de 10 euros, la hausse de la CSG pour les retraités et la suppression de très nombreux contrats aidés. J'en passe et des meilleurs. Emmanuel Macron a décidé de conduire une politique de Robin des Bois à l'envers en prenant l'argent à ceux qui en ont pourtant le plus besoin pour le verser dans la poche de ceux qui en ont le moins besoin.
À cette fin, vous ne cessez de jouer la petite musique de fond, que nous entendons sur de nombreux bancs de l'Assemblée : la dette, la dette, la dette ! Au nom de la résorption de la dette, les logiques économiques et budgétaires à l'oeuvre produisent non seulement des inégalités sociales et territoriales, mais également de la récession économique.
Vous avez déclaré dans votre intervention, monsieur le ministre, que nous ne tenons pas les traités européens, regrettant que la fameuse règle d'or ne soit pas encore totalement intégrée à la logique budgétaire actuelle. Je tiens seulement à vous rappeler que ces traités européens, qui imposent notamment la règle d'or, ont été soumis à l'approbation du peuple français en 2005 et que celui-ci a refusé leur logique. Il serait bien de respecter avant tout la parole du peuple, car telle est la démocratie, et de suivre une logique budgétaire et économique qui nous permette de faire progresser la société française. Votre objectif est donc – vous l'avez rappelé – de respecter les 3 % : encore une fois, la dette, la dette, la dette !
J'ai entendu, y compris hors micro, des propos qui m'ont hérissée, selon lesquels nous ne pourrions pas faire autrement. C'est vrai, mais uniquement si nous n'avons pas, d'abord, une certaine idée des recettes qu'il est possible d'aller chercher. Depuis un an, vous avez manqué d'imagination en la matière. Vous avez réussi à dégager des milliards pour réformer l'ISF ou pour donner de l'argent aux grandes entreprises mais, lorsqu'il s'est agi de trouver de l'argent pour dégeler le point d'indice, augmenter le SMIC ou maintenir et développer les services publics, tout à coup, il n'y a plus eu personne.
Or l'objectif n'est pas de diminuer les dépenses d'un budget constant en termes de recettes : il doit s'ajuster aux besoins. La dette n'est pas mauvaise en soi : tout dépend de ce à quoi elle sert. Elle peut tout à fait permettre de développer l'économie et de sortir de la récession que nous connaissons à l'heure actuelle.
Je tiens à rappeler que la Grèce, après neuf plans d'austérité, a connu une récession catastrophique ayant aggravé les inégalités. Votre logique comptable a un impact économique immédiat, qui n'est pas négligeable. En effet, contraindre les budgets publics et maintenir une logique d'austérité a pour conséquence de laminer des secteurs entiers, ce qui provoque une diminution des embauches et des services.
Le secteur du bâtiment est ainsi laminé, aujourd'hui, par la baisse des dotations versées aux collectivités locales et aux régions, ce qui n'est pas sans conséquence sur l'emploi. Lorsque vous laminez le secteur associatif, vous provoquez ce qui s'apparente, peut-être, au plus grand plan social que nous connaissions aujourd'hui en France. Le carnet de commandes des PME souffre lorsque le budget des collectivités est très contraint, et je n'évoque ni la question du point d'indice ni celle du SMIC : leur non-augmentation a un impact économique réel.
C'est en attaquant le gouvernement précédent et en dénonçant les hausses budgétaires que vous avez exécuté le budget 2017. En effet, selon l'exposé général des motifs du projet de loi de règlement, « à la veille des élections, le précédent gouvernement a [… ] pris une série de mesures rendant particulièrement dynamiques les dépenses de l'État. » Rejetant donc la faute sur le gouvernement précédent, vous affirmez chercher à rectifier le tir, alors que vous aggravez et amplifiez les logiques, malheureusement déjà à l'oeuvre précédemment. Le budget 2017 était déjà particulièrement dur envers les collectivités locales, puisque les transferts ont baissé de 3 milliards en 2017. L'État demande sans cesse aux collectivités de réaliser des efforts plus importants en faisant des économies sur leur dos. Après deux quinquennats d'austérité, ces baisses successives ont des conséquences désastreuses sur les projets de développement des collectivités, lesquelles cherchent pourtant à réduire les inégalités en termes de culture, d'éducation, de solidarité ou de vie associative.
En revanche, le budget pour 2017 a été bien plus clément avec les grandes entreprises. Le CICE a coûté 15 milliards en 2017, contre 12,9 milliards en 2016. Comment ne pas se souvenir de ce petit pins du MEDEF promettant 1 million d'emplois ?