Intervention de Anthony Fardet

Réunion du mercredi 6 juin 2018 à 11h00
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Anthony Fardet, chercheur au département nutrition humaine de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et à l'Université Clermont Auvergne, spécialiste en nutrition préventive :

La concomitance de l'explosion des maladies chroniques avec l'arrivée massive des produits ultra-transformés est une observation, pas une cause à effet. Par exemple, l'obésité est multidimensionnelle et le fruit de nombreux facteurs. L'alimentation, la baisse d'activité physique, la pollution, le stress, la solitude, le fait de manger avant de se coucher tardivement sont des facteurs obésogéniques, de même que le cadre parental. On sait qu'un cadre trop lâche ou trop strict et l'accès des enfants à des aliments très riches en énergie peuvent favoriser l'obésité.

L'alimentation reste le pilier principal, tout simplement parce que c'est ce que nous mettons dans notre organisme, que nous mangeons trois fois par jour et que si l'on arrête de manger, on meurt. En revanche, si l'on arrête de faire du sport, on ne meurt pas. De même, la pollution ne va pas nous faire forcément mourir tout de suite.

Nous sommes dans des observations, et cette fameuse causalité sera très difficile à mettre en place. On peut quand même souligner que Carlos Monteiro et d'autres chercheurs commencent à mettre au point des études d'intervention au cours desquelles on explique aux personnes ce qu'elles doivent consommer. Mais pour qu'elles soient acceptées par un comité d'éthique, ces études ne peuvent durer que quelques semaines et elles pourront juste mesurer les dérégulations métaboliques, pas l'apparition des maladies chroniques.

Non, l'approche réductionniste ne peut pas être un point de départ pour les consommateurs. Pendant quarante ans, la porte d'entrée a été celle des nutriments. Mais on voit que cela crée de la confusion dans l'esprit des gens qui ne savent plus à quel saint se vouer. Je le sais parce que je donne beaucoup de conférences au cours desquelles tous les gens me disent qu'ils ne savent plus quoi faire, qu'ils deviennent fous ! Le point ultime de cette folie et de cette confusion réductionniste, c'est l'orthorexie, c'est-à-dire la maladie du « manger-juste », au point que les gens se culpabilisent de manger alors que cela devrait être un plaisir et une joie.

Le point de départ doit absolument être l'approche holistique, mais l'on peut aussi adopter une approche réductionniste quand cela est nécessaire. Il ne s'agit pas de rejeter une approche par rapport à l'autre, les deux doivent coexister. Les approches holistiques doivent englober tous les travaux qui ont été faits antérieurement sur le réductionnisme car ils sont utiles.

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