Il y a effectivement beaucoup à dire.
Concernant la révision du PNNS, nous considérons que le volet « poisson » est décevant. La révision n'est pas non plus allée suffisamment loin sur le volet « produits laitiers ». Il aurait fallu envisager pour ces produits des recommandations semblables à celles qui ont été faites pour la viande.
Les recommandations sur la consommation de produits laitiers restent en France très élevées, puisqu'elles préconisent de manger trois produits laitiers par jour. Il n'est pas non plus tenu suffisamment compte des types de produits laitiers consommés, le fromage n'ayant pas les mêmes impacts nutritionnels et environnementaux que le yaourt frais. Le fromage entre également dans la catégorie des produits gras et salés, dont on essaie de limiter la consommation. Des distinctions seraient donc à faire, et les recommandations sur les produits laitiers pourraient être plus claires.
Les nouvelles recommandations présentent en revanche l'intérêt de mieux cibler la viande cachée dans les produits transformés, en particulier les charcuteries. Celles-ci ont été directement mises en avant par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) dans son rapport sur l'évolution des recommandations, et par l'École des hautes études en santé publique (EHESP).
En effet, lorsque vous demandez à un consommateur d'évaluer sa consommation hebdomadaire de viande, il pense tout de suite au steak mais très rarement au saucisson de consommé à l'apéritif ou à la viande qui était cachée dans le plat transformé qu'il a consommé à midi à son travail.
Les recommandations sur la consommation de viande évoluent dans le bon sens. Elles pourraient cependant être encore plus précises en envisageant le cas de la viande très transformée, particulièrement la charcuterie. Beaucoup d'efforts restent à faire pour diminuer la consommation de ces produits souvent très gras et très salés dont la gamme ne cesse de s'étoffer.
Une autre de vos questions portait sur les urgences et les priorités à définir pour le système alimentaire en général. S'il faut choisir une seule urgence, je dirais que, du point de vue « franco-français », c'est la biodiversité. Les impacts de l'agriculture française et du système alimentaire français sur la biodiversité doivent impérativement être stoppés et ils doivent être minimisés le plus rapidement possible.
La diminution des gaz à effet de serre produits par l'agriculture est également essentielle mais elle n'a pas le même caractère d'urgence.
Réduire les conséquences sur la biodiversité de l'utilisation des pesticides et de la destruction très rapide de certains milieux emblématiques comme les zones humides doit représenter la priorité.
Je souhaite dire à ce sujet que la destruction des prairies permanentes, qui sont à la fois des stocks de carbone et des réservoirs de biodiversité, est liée à la crise du lait. Parce que la production de lait n'est plus bénéficiaire, les agriculteurs retournent des prairies permanentes pour cultiver des céréales.
La priorité législative est donc de minimiser les impacts du système alimentaire français sur la biodiversité française mais aussi sur la biodiversité mondiale.
Plusieurs initiatives vont déjà dans ce sens. J'ai parlé de la Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI). Nous espérons qu'elle sera suffisamment ambitieuse pour contribuer à lutter contre ces impacts environnementaux, même si l'autorisation d'exploitation donnée récemment à la « bio » raffinerie de La Mède n'est pas un signal très positif. La prise en compte de la biodiversité dans les accords de libre-échange est aussi un volet essentiel.
Concernant le gaspillage alimentaire, beaucoup de start-up et d'initiatives viennent d'être lancées, que nous suivons d'assez près et que nous soutenons. Le WWF est aussi en train de créer une application smartphone sur les modes de vie durables qui sera lancée prochainement.
En montant des partenariats avec ces start-up dont l'activité concerne le gaspillage alimentaire, le WWF cherche à toucher, au-delà de ses donateurs, le plus de monde possible. Vous avez cité une start-up qui travaille avec le secteur agroalimentaire. D'autres start-up, par exemple Too Good To Go, s'adressent au consommateur en l'aidant à diminuer son gaspillage alimentaire et en revalorisant des aliments qui sans elles auraient été jetés à la poubelle.
Le numérique, dont j'ai peu parlé, peut aussi permettre de minimiser les impacts de notre système alimentaire. Utilisé par le consommateur final, le numérique l'aide à lutter contre le gaspillage, à surveiller sa consommation de protéines animales et à porter un regard plus scientifique sur ce mode d'alimentation, entre autres.
Le numérique peut aussi permettre à l'agriculture de limiter certains de ses impacts, à condition qu'il ne soit pas seulement destiné à des exploitations industrielles ou dégageant suffisamment de marge financière pour pouvoir acquérir ces outils qui restent relativement coûteux.
Il me faut aussi revenir sur le sujet des productions locales. Au cours de mon exposé préliminaire, j'ai un peu confondu le local et les circuits courts mais nous sommes d'accord, il s'agit de deux réalités différentes.
Vous m'avez interrogé sur les impacts respectifs de la pomme locale et de la pomme du Chili. À prendre uniquement en compte l'impact carbone, la pomme locale peut en effet générer plus d'émissions de CO2 que la pomme chilienne.