Intervention de Alexis Degouy

Réunion du jeudi 7 juin 2018 à 10h15
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Alexis Degouy, directeur des affaires publiques de l'ANIA :

Je vais vous répondre. Je vous remercie pour cette question, car elle me permet de tirer les choses au clair. Malheureusement, notre parole est moins entendue ou moins acceptée que celle d'autres personnes. Notre position sur ce sujet est pourtant parfaitement claire.

À l'époque, nous avions envoyé un document public exposant notre position, que vous a exposée Mme Chapalain, à l'ensemble des groupes politiques de l'Assemblée nationale et du Sénat. Je ne suis pas sûr que ce soit très fréquent. Or l'émission en question présente ce document, qui était publié sur notre site internet et qui était parfaitement public, comme un document confidentiel.

Nous sommes auditionnés deux ou trois fois par semaine au Parlement. Ainsi, la semaine prochaine, nous serons auditionnés au Sénat au sujet de l'EFSA. Or, depuis quatre ans que je suis directeur des affaires publiques de l'ANIA, je peux vous certifier qu'il n'y a pas une audition au Parlement que nous ayions réclamée. Parfois, les sujets sont si vastes que nous devons décaler une audition pour pouvoir la préparer correctement. Du reste, cette fréquence me paraît parfaitement normale, car je pense qu'il est nécessaire que le Parlement entende ce qu'a à dire l'industrie alimentaire, comme il entend les associations de consommateurs ou les ONG. À dire vrai, le premier rapport de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) nous a embêtés car, pour les six derniers mois de l'année 2017, et si l'on respecte la lettre de la loi, la très grande majorité des auditions que nous avons eues au Parlement s'étant déroulées dans le cadre des États généraux de l'alimentation et donc à l'initiative des pouvoirs publics, nous n'étions pas censés les déclarer. Nous avons toutefois considéré que ce n'était pas logique, de sorte que nous avons déclaré trop d'auditions dans le premier rapport pour indiquer que nous avions défendu certaines positions dans le cadre des États généraux de l'alimentation.

Le sénateur dont vous parlez connaissait bien l'ANIA, car il avait d'abord été député et spécialiste reconnu des relations commerciales. En revanche, il connaissait moins bien l'ANIA pour les questions de nutrition.

À l'époque, nous avions présenté à la représentation nationale cinq propositions de modification du texte ; aucune ne portait sur la suppression de l'article 5 sur le Nutri-Score – souvenez-vous que je parle sous serment. Nous n'avons jamais demandé sa suppression.

En revanche, nous avons proposé une expérimentation en conditions réelles, parce qu'il nous semblait que les consommateurs devaient valider ce dispositif. L'amendement que nous proposions n'a pas été retenu, mais finalement les pouvoirs publics ont choisi de procéder à une telle expérimentation, qui accroît la solidité du dispositif qu'ils ont proposé.

Nous avions proposé que la représentation nationale s'intéresse davantage à des actions de terrain parce que nous pensons que c'est cela qui est efficace. Il me semble qu'il faut travailler sur l'« effet cocktail » des « mauvais » comportements au sens large, concernant non seulement l'alimentation mais aussi les problèmes de sédentarité, par exemple. Certains programmes locaux marchent très bien parce qu'ils prennent en charge tous ces problèmes. Nous avions suggéré que les Agences régionales de santé (ARS) se saisissent de ces questions – je ne pense pas qu'une telle suggestion mette en danger la République.

Enfin, nous avions suggéré de mettre au coeur du dispositif le Conseil national de l'alimentation (CNA). Cela n'avait pas été retenu sur le moment, mais là encore, nous constatons qu'il prend davantage de force dans le débat. Sans que nous soyons à l'origine de cette démarche, au cours des débats sur projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable, certains de vos collègues ont proposé de le renforcer encore. Voilà quelle était notre action à l'époque sur ce projet de loi sur le Nutri-Score.

Nous pouvons en tirer deux enseignements. Tout d'abord, l'industrie agroalimentaire n'est pas un bloc ; elle est riche de sa diversité. Sur ce dossier, je peux témoigner qu'il y a eu des séances animées au conseil d'administration de l'ANIA, entre les partisans du Nutri-Score 5-C proposé par le professeur Hercberg, ceux qui proposaient un dispositif qui tienne compte de la fréquence, ou d'autres qui s'intéressaient aux traffic lights britanniques. Cette animation existait aussi au sein de l'industrie alimentaire.

Ensuite, on voudrait nous figer dans nos positions, mais nous évoluons, nous aussi, car nos adhérents et les consommateurs évoluent. Par exemple, il est vrai que l'ANIA refusait au départ un code couleur, en expliquant qu'il stigmatiserait certains aliments. Toutefois, des expérimentations ont permis de constater que le consommateur voulait un code couleur. Aujourd'hui, l'ensemble des adhérents de l'ANIA accepte ce principe, sur lequel reposaient toutes les propositions concurrentes au Nutri-Score.

Votre question m'a permis de rappeler quelles sont les interactions normales entre l'ANIA et le Parlement. Nous faisons partie du comité de pilotage du PNNS et nous sommes membres du Conseil national de l'alimentation. Pendant les États généraux de l'alimentation, on a pu constater que toutes nos positions respectaient la ligne que nous nous sommes fixée. Votre collègue, M. Olivier Véran, a souhaité nous rencontrer au sujet du Nutri-Score ; nous avons soutenu devant les caméras de télévision un certain nombre d'affirmations que nous aurions défendues également si les caméras n'avaient pas été là. Chacun prend ensuite ses décisions. Manifestement, nous n'avons pas convaincu M. Véran, qui a choisi de défendre un amendement qui ne nous paraît pas pertinent, mais de telles décisions sont normales. Voilà quelle est la réalité des interactions entre la représentation nationale qui décide d'un certain nombre de réglementations et l'ANIA. Nous défendons nos propres opinions qui peuvent évoluer avec le temps. Enfin, les positions de nos adhérents sont diverses. Toute la complexité de nos associations professionnelles réside dans le fait que nous devons faire avancer tout le monde dans le même sens. Ce n'est pas toujours possible, mais c'est notre quotidien.

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