Intervention de Thierry Benoit

Réunion du jeudi 7 juin 2018 à 9h30
Commission d'enquête chargée de tirer les enseignements de l'affaire lactalis et d'étudier à cet effet les dysfonctionnements des systèmes de contrôle et d'information, de la production à la distribution, et l'effectivité des décisions publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Benoit :

Monsieur Besnier, vous avez commencé votre propos par évoquer un accident sanitaire et vous avez présenté vos excuses auprès des familles des bébés malades. Ces excuses réitérées sont les bienvenues. Cela peut paraître banal et anodin, mais il est très important que le grand dirigeant d'une entreprise française, européenne et mondiale, qui est censée être de référence, présente ses excuses. Il ne faut pas hésiter à marteler ce message parce que l'opinion publique a été marquée par cet accident, par cette crise.

Monsieur Besnier, vous êtes l'héritier, et ce mot n'est pas péjoratif dans ma bouche, d'une belle entreprise, d'une belle histoire familiale. Vous avez évoqué votre grand-père puis votre père qui vous ont transmis un témoin. Vous voici à la tête d'un empire dans le domaine de l'industrie agroalimentaire et de la valorisation de la transformation du lait.

Ma première question est toute simple : comment une aussi grande entreprise, comment une telle citadelle peut-elle être confrontée au flottement qui a été constaté lorsque cette crise est survenue ? C'est grâce à l'arrêté de retrait-rappel du ministre de l'économie, le 9 décembre, que l'on tape du poing sur la table. Comment une entreprise comme la vôtre en est-elle arrivée là, alors qu'elle a un organigramme décisionnel, qu'elle a des compétences à tous les étages, à commencer par les producteurs de lait qui vous apportent la matière première, puis toutes celles et ceux qui sont vos collaborateurs sur les différents sites de transformation, bref toute cette intelligence qui vous entoure ? On a bien senti un flottement et il a fallu que le ministre de l'économie prenne une décision ferme.

Ma deuxième question concerne, comme celle de M. Ramos, la dimension humaine. Je suis votre voisin puisque je suis député depuis dix ans de la circonscription de Fougères, en Ille-et-Vilaine. Je connais peu, je connais mal le groupe Lactalis, et il arrive malheureusement dans mon esprit à chaque fois qu'il y a des crises. Alors qu'à titre personnel, le mot Lactalis évoque pour moi l'excellence agroalimentaire française. en tant que député ce sont les situations de crise qui m'amènent à vous ou à proximité de vos coéquipiers.

Vous avez parlé de votre nature, de votre personnalité ; on ne se refait pas. Ainsi va la vie… J'ai dit, lors de l'une des premières réunions de la commission d'enquête, que c'était un trait de caractère des gens de l'Ouest. Moi je suis Breton, vous vous êtes des Pays-de-la-Loire : dans l'Ouest, on a une forme de réserve – je ne sais pas si c'est la tradition agricole et rurale –, on n'est ni extravagant, ni exubérant. Les problèmes de relations avec l'association des familles de victimes ont été évoqués tout à l'heure. Je voudrais aussi profiter de cette commission d'enquête pour parler de ce que je considère comme des difficultés relationnelles et de dialogue avec les organisations de producteurs, parce que vous êtes l'entreprise qui, en France, « donne le la » du prix du litre de lait. Si Lactalis s'explique le contexte mondial et a un dialogue nourri avec ses producteurs, les choses ont plutôt tendance à s'apaiser en matière de production laitière française. Si le contexte est tendu chez vous, il l'est partout en France pour les producteurs. Cette difficulté de dialogue avec les producteurs est sûrement l'une des causes des problèmes que l'on rencontre aujourd'hui.

Je m'étonne aussi qu'au cours de la dernière législature le ministre de l'agriculture de l'époque qui était votre voisin – il est de la Sarthe – n'ait pas eu la possibilité de vous contacter directement. Pourtant, il suffit parfois de décrocher son téléphone pour essayer de régler les problèmes. Il aurait été souhaitable que vous ayez pu contacter les dirigeants politiques. Malgré cette crise, il faut rappeler que la France est quand même le pays de la sécurité sanitaire alimentaire. Il faut aussi, monsieur le président, monsieur le rapporteur, que cette commission d'enquête soit l'occasion d'expliquer que nous avons les meilleurs agriculteurs du monde et que depuis cinquante ans les industriels ont fait les efforts nécessaires pour produire de la quantité, de la qualité et de la sécurité sanitaire alimentaire.

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