J'ai travaillé pendant vingt ans comme intervenant sur les risques professionnels au sein d'un grand groupe chimique ; j'exerce aujourd'hui au sein de la fédération Force ouvrière (FO) de la chimie. J'ai aussi été porte-parole des cinq organisations confédérales – car si un domaine est fédérateur, c'est bien celui qui porte sur les questions de santé et de sécurité – pour la partie santé et sécurité de l'ensemble de la sous-traitance après l'explosion du complexe chimique AZF, sujet évoqué dans la résolution constitutive de cette commission d'enquête.
Tous les jours, je suis confronté aux risques chimiques, et dans les sites tertiaires, nous avons toujours plus affaire aux risques psychosociaux. Notre fédération est concernée par toutes ces problématiques de prévention, et notre collègue Jean-François Naton a largement mis l'accent sur les efforts que nous devrons fournir à l'avenir dans ce domaine.
Nous sommes aussi très mobilisés contre la création du comité social et économique (CSE) au sein des entreprises, qui emporte une professionnalisation de ses membres et va à l'encontre de ce que nous souhaitions. S'il s'agit, en ce qui concerne le comité d'entreprise et les représentants du personnel, de regrouper leurs attributions et de limiter le nombre de délégués, les CHSCT sont, eux, une instance obligatoire, singulièrement dans les branches fortement soumises aux risques professionnels.
Supprimer le CHSCT ou le remplacer par une instance dont les membres feront aussi autre chose n'est pas acceptable. Jusqu'à présent, l'existence des CHSCT était d'ailleurs défendue par les branches professionnelles, y compris du côté patronal, et cette instance doit être renforcée. Les grands groupes se demandent comment ils pourraient se passer des CHSCT, et envisagent même de créer des délégués supplémentaires. La prévention passe nécessairement par la représentativité des salariés de ces instances au sein des entreprises.
Depuis longtemps, les grands groupes travaillent sur la prévention, à partir d'indicateurs reconnus, émanant notamment de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), même si chacun a tendance à ne retenir que ceux qui les intéressent. Plutôt que de tenter de réinventer la roue, cette commission d'enquête pourrait rechercher, parmi ces indicateurs, lesquels seraient susceptibles de faire la promotion de la prévention au sein des entreprises. Il pourrait s'agir, par exemple, de la fréquence des visites médicales passées dans les entreprises ou du nombre de maladies professionnelles. Il serait intéressant de suivre ces données – ce que font d'ailleurs les grands groupes – et la représentation nationale pourrait généraliser ce type de dispositif.
Par ailleurs, beaucoup d'instances se préoccupent de la sécurité et la santé : la sécurité sociale, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ou les directions régionales de l'industrie de la recherche et de l'environnement (DRIRE). On s'y perd un peu, chacun tire la couverture à soi, et il est parfois compliqué, dans le domaine de la prévention, de trouver un interlocuteur.
Je partage le point de vue de Jean-François Naton sur l'utilisation d'une partie de l'excédent de la branche AT-MP au profit de la prévention. Je ne doute pas que la tentation existera d'en disposer pour autre chose, mais toutes les confédérations syndicales n'en ont pas moins le même point de vue à ce sujet.