Les tableaux sont plutôt anciens : celui qui concerne le plomb a plus de 100 ans, le dernier, portant sur les TMS, est un peu plus récent, ce qui montre que les choses évoluent malgré tout. Puisque nous instruisons des dossiers de maladie professionnelle, nous consultons ces tableaux, et lorsque, par chance, le dossier y correspond, cela est très bien pour nous car nous savons alors comment défendre les intéressés.
Lorsqu'un collègue vient vers nous, porteur d'un cancer du rein dû à l'inhalation de trichloroéthylène au sein de son entreprise, la chose est plus complexe, car ce cancer n'est pas inscrit à un tableau. Nous parvenons toutefois à obtenir des reconnaissances spécifiques avec le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), ce qui repose sur une instruction du dossier encore plus compliquée. Et nous vivons toujours le même drame familial, même s'il est possible de procéder à une ablation, ce qui permet de vivre encore. Certes, la gravité n'est pas la même que pour un cancer de la plèvre, mais ce n'est pour autant bénin.
En revanche, ceux qui sont malades de l'amiante aujourd'hui ont été exposés il y a maintenant 20, 30 ou 40 ans, voire plus. Le dernier cas que j'ai eu à traiter était celui d'un grand-père de 87 ans parti à la retraite à 50 ans, il a profité de 37 ans de retraite - ce qui n'est pas mal - pour décéder d'un cancer de la plèvre. Et il faut que l'entreprise paie, ce qui est compliqué. Lorsque l'entreprise « casse », elle paie, mais lorsque cela est le fait des prédécesseurs des prédécesseurs des prédécesseurs, il est dommage qu'elle ait à payer pour eux.
C'est pourquoi je m'interroge : ne faudrait-il pas payer en commun les pots cassés ? Lorsque l'on ne sait pas quel employeur est en cause, un fonds commun pourrait payer. De fait, les expositions remontent parfois à plus de 40 ans et l'employeur n'est souvent plus le même. Un coefficient amiante pourrait être porté sur un compte employeur et la collectivité paierait, car l'entreprise n'est peut-être pas responsable. Il arrive en effet que nous ne nous souvenions même plus que des gens dont on nous communique les coordonnées ont travaillé chez nous, car il est compliqué de retrouver les traces de ceux qui sont partis en retraite il y a 30 ans. Ce problème est très fréquent.
Les risques psychosociaux sont les grands absents des tableaux de maladies professionnelles, et il faut penser aux deux extrêmes : la surpression, et la sous-pression due à la mise au placard. Or l'issue est également dramatique dans les deux cas.