Les déchets auxquels vous faites référence sont les plus nocifs. Leur durée de vie est de l'ordre de 100 000 ans. La phase d'exploitation de Cigéo s'inscrit dans un ordre de grandeur totalement différent, à taille industrielle et quasiment humaine, c'est-à-dire de 100 à 200 ans. Une durée de plusieurs milliers d'années implique qu'aucune disposition classique, telle que l'entreposage à sec ou le stockage en subsurface, n'est pertinente, car toutes s'appuient sur des matériaux – bétons, aciers – dont personne n'est capable de démontrer la tenue à des horizons de 100 000 ans. Le seul moyen trouvé est de faire confiance aux qualités géologiques du terrain, dont la stabilité s'inscrit, elle, dans de tels horizons temporels.
Concernant la réversibilité, l'une des remarques récurrentes est de considérer que la science va peut-être trouver, dans les cent prochaines années, un procédé plus intelligent. Il s'agit là d'une remarque pertinente. La réponse n'est toutefois pas certaine ; d'où la conclusion, qui figure dans la loi, selon laquelle s'imposent d'une part la récupérabilité, pour être en mesure de récupérer des colis si l'on trouvait une autre solution ou sur incident, d'autre part l'adaptabilité, dans le cas où des décisions politiques viseraient par exemple à ne plus faire de retraitement et à stocker par conséquent non plus de la matière radioactive autour de laquelle des verres ont été coulés, mais des déchets d'une autre nature, sous forme de combustibles usés en l'état, dans des emballages. Le législateur a considéré qu'il était important de déployer une solution réversible afin que, si une meilleure solution était éventuellement trouvée ultérieurement, elle puisse être mise en oeuvre.
Le principe de Cigéo est le suivant : un puits d'accès dessert plusieurs galeries, de tailles différentes selon les objets entreposés. Pour les déchets de moyenne activité, qui ne sont pas les plus nocifs, ces galeries ont globalement une dizaine de mètres de diamètre, alors que pour les déchets de haute activité à vie longue, elles mesurent environ 80 centimètres de diamètre et plusieurs de dizaines de mètres de long. Si l'on veut par conséquent récupérer le premier colis stocké, il faudra un temps quasiment équivalent à celui qu'il aura fallu pour tout entreposer. Dans la mesure où plusieurs galeries sont prévues, il ne faudrait toutefois pas tout déstocker, mais seulement la galerie contenant le colis en question.
La réversibilité est politique dans la mesure où elle émane d'une question d'ordre politique, mais doit aussi pouvoir se matérialiser techniquement. Lorsque les galeries sont pleines, le fait de les fermer en coulant plusieurs dizaines de mètres de béton complique par exemple cette réversibilité. La question est donc de savoir quel type de « bouchon » installer, sachant qu'il doit être suffisamment résistant pour éviter les interférences entre les différents chantiers et la galerie concernée, mais pas trop non plus afin qu'il puisse être éventuellement démonté si on l'estime un jour nécessaire. Tout cela a été indiqué dans la loi. Encore faut-il maintenant, techniquement, trouver le bon réglage.
Je suis en outre quelque peu surpris d'entendre qu'aucun test n'aurait été réalisé sur site, puisque l'idée était au contraire de tester la zone. Dans un avis rendu public en janvier dernier, nous insistions notamment sur le fait que la géologie locale s'avérait, au regard des nombreuses investigations effectuées, particulièrement bonne. Cela n'empêche pas la survenue éventuelle d'une mauvaise surprise un jour, très localement ; mais il est confirmé que la géologie globale de l'endroit est adaptée aux caractères requis pour ce type de stockage.