Le 9 janvier dernier, le Premier ministre a présenté un plan comportant 18 mesures afin de réduire le nombre des victimes d'accidents de la route. C'est un objectif que l'on ne peut que partager. Néanmoins, une des mesures proposées a suscité l'émoi et l'incompréhension, légitimes, d'une majorité de nos concitoyens : il s'agit de la réduction de la vitesse maximale autorisée de 90 à 80 kmh sur les routes nationales et départementales à double sens et sans séparateur central, à compter du 1er juillet prochain.
Cette décision, prise sans concertation et sans que les bénéfices pour la sécurité routière aient fait l'objet d'une évaluation sérieuse, est d'autant plus mal acceptée que ses conséquences en matière d'aménagement du territoire et de mobilité des habitants des territoires ruraux et de montagne ont été sous-estimées, ou plutôt ignorées. La réduction de la vitesse maximale autorisée n'aura pas les mêmes conséquences que d'autres mesures, au demeurant pertinentes, qui sont préconisées, et il n'en résultera pas les mêmes contraintes selon que l'on réside à proximité d'une voie rapide ou bien dans une zone rurale ou périurbaine, éloignée des autoroutes et des grandes métropoles. À ce titre, le parallèle avec l'obligation de boucler sa ceinture de sécurité est pour le moins hasardeux : cette mesure, qui a été bénéfique à la sécurité des automobilistes, ne s'est accompagnée d'aucune inégalité sur le plan de la mobilité. La réduction de la vitesse maximale, qui aura immanquablement pour effet d'augmenter les temps de déplacement, sera en revanche pénalisante pour les habitants des territoires qui n'ont pas la chance de bénéficier d'infrastructures routières modernes et n'ont pas d'alternative à l'usage quotidien de leur véhicule, en particulier pour se rendre sur leur lieu de travail.
Cette mesure, dont l'application serait uniforme et étendue sans discernement à l'ensemble du réseau routier, ne tient aucun compte des investissements réalisés par les collectivités locales pour améliorer leurs infrastructures et diminuer les temps de parcours vers les autoroutes, tout en améliorant les conditions de sécurité – il convient de rappeler ces efforts. À n'en pas douter, la décision du Gouvernement se heurtera à l'incompréhension des automobilistes, qui se verront imposer une limitation de vitesse souvent inadaptée aux caractéristiques de la route qu'ils empruntent et qui, faut-il le rappeler, ne pourront théoriquement plus dépasser les camions sans commettre une infraction, puisque ceux-ci rouleront désormais à la même vitesse. C'est une curiosité qui illustre bien l'impréparation de cette décision.
Lorsqu'elle sera mise en oeuvre sur la totalité de notre réseau dit secondaire, mais qui est en réalité de première importance pour des millions de nos concitoyens, des territoires entiers vont perdre en attractivité résidentielle et économique par rapport à d'autres qui sont mieux dotés en infrastructures de transport : il y aura en quelque sorte une double peine. À l'allongement des temps de trajet s'ajoutent, pour les mêmes automobilistes, la hausse programmée des taxes sur les carburants, les inquiétudes nées de l'abandon des grands projets d'infrastructures routières et de lignes à grande vitesse, ainsi que les interrogations sur l'avenir des petites lignes ferroviaires.
La proposition de loi qui vous est soumise a pour objet d'adapter la décision du Gouvernement, d'éviter son application uniforme et sans discernement, en confiant la responsabilité de fixer les vitesses maximales autorisées aux autorités locales titulaires du pouvoir de police de la circulation, notamment les présidents des conseils départementaux et les préfets, pour les routes départementales et nationales relevant de leur compétence. Ce texte, constructif et équilibré, permettra au Gouvernement de sortir de l'impasse dans laquelle il s'est enfermé, faute d'avoir fait le choix de la concertation. Nous rejoindrons, ce faisant, les propositions formulées par le groupe de travail du Sénat sur la sécurité routière, qui est présidé par Michel Raison. Il ne s'agit pas de s'opposer systématiquement à une limitation de la vitesse maximale, mais de l'appliquer avec discernement. En vertu du principe de subsidiarité, nous ferons confiance aux autorités locales : ce sont les acteurs qui connaissent le mieux les caractéristiques du réseau routier et qui sont les plus à même d'identifier les voies offrant aux automobilistes des conditions de sécurité compatibles avec le maintien d'une vitesse maximale de 90 kmh.
Une telle adaptation de la limitation de vitesse a trouvé un écho favorable auprès des associations d'élus que j'ai auditionnées – celles des maires, des maires ruraux et des départements de France. Ces auditions nous ont amenés à nous interroger sur le lien, qui n'est pas toujours évident, entre la vitesse et les accidents et à insister sur la nécessité de privilégier la lutte contre les comportements inadaptés et de nature à altérer la vigilance des conducteurs, en particulier l'utilisation du téléphone portable et la conduite sous l'emprise de l'alcool ou de stupéfiants.
Au lieu de généraliser la limitation de vitesse à 80 kmh, il serait préférable d'identifier les zones accidentogènes où la vitesse maximale serait réduite dans cette proportion : cela permettrait d'accroître la vigilance des automobilistes sur ces tronçons. Il ressort des auditions que le travail d'identification des axes sur lesquels la vitesse maximale pourrait être réduite à 80 kmh et de ceux où elle resterait inchangée doit avoir lieu en concertation avec les autorités compétentes. C'est pourquoi je vous propose deux amendements visant à ce que le président du conseil départemental et le préfet consultent la commission départementale de la sécurité routière avant toute décision.
Voilà, mes chers collègues, une proposition de loi pleine de bon sens, qui privilégie une approche au cas par cas. Cela permettra de concilier les impératifs de mobilité et les objectifs affichés par le Gouvernement en matière de sécurité routière. C'est également un texte qui jouit d'un large soutien des élus locaux.