Intervention de Ugo Bernalicis

Réunion du mercredi 13 juin 2018 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Je vois qu'il y a une tentative du groupe Les Républicains de prendre de vitesse la majorité, c'est le moins qu'on puisse dire, notamment après la sortie de route du ministre de l'Intérieur – j'arrête là les jeux de mots, car je n'ai pas eu le temps d'en préparer davantage. (Sourires.)

Cette proposition de loi peut être intéressante. Vous vantez les mérites du principe de subsidiarité, même si vous peinez un peu à argumenter, en nous disant que l'on pourrait fixer la vitesse maximale à 80 kmh à certains endroits, à 90 kmh ailleurs, ou bien à 70 kmh, en décidant au plus près du terrain, afin de libérer les énergies. Nous avons déposé quelques amendements afin d'encadrer votre proposition : nous souhaitons rappeler que c'est quand même le préfet qui est compétent, avec l'appui de ses services, pour regarder avec les communes si certaines zones sont plus ou moins accidentogènes et s'il est judicieux de modifier la vitesse autorisée, soit à la baisse, même si ce n'est pas ce que vous avez en tête, soit à la hausse.

Le passage de 90 à 80 kmh repose sur des études affirmant que cela permettrait de sauver entre 200 et 400 vies par an. Tant mieux si c'est le cas, mais il y a malgré tout quelques difficultés. On ne saura qu'a posteriori si c'est vrai. Par ailleurs, le modèle mathématique qui est utilisé fait appel à une étude du Suédois Göran Nilsson mêlant lois physiques et accidentologie : une variation de 1 % de la vitesse se traduirait par une variation de 2 % du nombre des accidents corporels et de 4 % de celui des accidents mortels. Le Norvégien Rune Elvik a ensuite affiné ce modèle dans les années 2000 : chaque baisse de 1 kmh de la vitesse maximale autorisée réduit le nombre d'accidents de 4 %. Si l'objectif est d'épargner des vies, on peut se demander pourquoi s'arrêter en si bon chemin, en ne retenant qu'une limite de 80 kmh : pourquoi pas 50, 40, voire 30 kmh ? Il paraît qu'il n'y a quasiment plus d'accidents mortels à 30 kmh… On voit bien qu'il y a une part d'incertitude dans la proposition du Gouvernement, ou plutôt du Premier ministre : à sa place, je ne me serais pas avancé à ce point.

En revanche, comme certains collègues l'ont rappelé avant moi, notamment le porte-parole du groupe GDR, il est sûr que certaines routes manquent d'entretien, ce qui constitue un facteur accidentogène, et que l'on peut adopter d'autres mesures : si l'on estime que l'alcool est un facteur majeur de risque, on peut imposer l'usage d'éthylotests pour le démarrage des véhicules – ces dispositifs existent et ils fonctionnent. Ils sont même obligatoires dans les bus. Vous savez aussi que l'association nationale pour la prévention routière mène depuis des années une campagne « zéro enfant tué sur nos routes », qui comporte un certain nombre de propositions. Parmi les décisions du Gouvernement, où sont les mesures qui iraient en ce sens ? Il serait intéressant de creuser les pistes que cette association met en avant. Je ne sais pas si cela pourrait avoir un effet massif, mais il y a notamment la proposition d'un taux réduit de TVA sur les sièges pour enfants, au même titre que l'on applique un taux réduit quand on achète un verrou ou un cadenas pour une porte, car cela concerne la sécurité. Des mesures de ce genre pourraient donner du sens à l'action, sans pénaliser les citoyennes et les citoyens. Or ce n'est pas du tout ce qui a été décidé : le Gouvernement a adopté une mesure un peu dogmatique, comme si tout allait se résoudre en passant de 90 à 80 kmh sur les routes secondaires.

Si l'on met les statistiques relatives au nombre de morts sur les routes en relation avec la hausse de la population et surtout avec la hausse considérable du nombre de kilomètres parcourus – on utilise toujours davantage de voitures, sur des distances de plus en plus longues, alors que l'accroissement du nombre de kilomètres parcourus augmente la probabilité d'un accident – on voit alors que la mortalité continue en réalité de diminuer. Elle est même extrêmement faible. On pourrait essayer de réduire le nombre de kilomètres parcourus dans des véhicules individuels, en mettant le paquet sur les transports en commun, car c'est là qu'il y a le moins d'accidents. Ceux qui impliquent des bus ou des trains sont très peu nombreux par rapport au nombre de personnes qui utilisent ces moyens de transport.

Nous défendrons donc un certain nombre d'amendements : nous ne sommes pas opposés au principe de subsidiarité, mais cela n'épuise clairement pas le débat.

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