Mes chers collègues, la proposition de loi que je vous soumets a pour objet de défendre la propriété et de résoudre un problème qui n'est pas sans incidence sur le marché locatif.
Il se trouve en effet que, assez curieusement, alors que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen rappelle que la propriété est un droit inviolable et sacré, dans la pratique, le juge et le droit subséquent se sont écartés de ce principe pour privilégier d'autres considérations juridiques, si bien que le droit de propriété n'est pas respecté comme il le devrait, d'où cette proposition de loi qui vise à créer un nouveau délit d'occupation sans droit ni titre d'un immeuble.
Pour comprendre le télescopage qui s'opère dans le droit, il faut avoir à l'esprit que, lorsque le code pénal protège le domicile, ce n'est pas au nom de la défense de la propriété privée mais au nom de la protection de la vie privée. Ainsi, si un squatteur s'est installé dans une propriété qui vous appartient, celle-ci devient son domicile, et si vous cherchez à l'en déloger par la force, vous serez du mauvais côté de la loi.
Outre la défense du droit de propriété, cette proposition de loi vise surtout à défendre, d'une part, ceux qui n'ont pas accès au droit ni aux arcanes de ses procédures, d'autre part, ceux que l'État ne défend plus et qui n'ont, dès lors, pas d'autre recours que celui de se tourner vers la « justice privée ».
Je voudrais, avant d'aller plus loin, illustrer la nécessité qu'il y a à agir par quelques faits précis. En mai 2015, une dame de quatre-vingt-trois ans – il s'agit de l'affaire « Maryvonne », du nom de la requérante, – a dû attendre dix-huit mois avant de pouvoir recouvrer la jouissance d'un bien immobilier dont elle était propriétaire, parce que celui-ci avait été occupé par des squatteurs. Cette affaire avait alors fortement ému les Français eu égard à l'âge de la requérante et à la longueur de la procédure engagée devant le juge civil.
Dans la foulée, le législateur avait donc adopté la loi du 29 juin 2015 tendant à préciser l'infraction de violation du domicile, aux termes de laquelle la violation de domicile peut désormais être constatée à tout moment. Les faits montrent pourtant que cette disposition ne suffit pas à garantir la propriété.
En décembre 2017 en effet, à Garges-lès-Gonesse, un propriétaire a dû recourir à la « justice privée » pour retrouver la jouissance de son bien immobilier, également occupé par des squatteurs. Cet incident a eu pour conséquence un affrontement de rue entre les « justiciers privés » et les squatteurs, autrement dit les occupants sans droit ni titre du bien d'autrui.
Le 8 juin 2018 enfin, c'est un propriétaire qui est venu déverser une benne contenant les déchets de ses anciens locataires devant le nouveau domicile : ils avaient occupé pendant quatorze mois son logement sans lui payer de loyer, puis le lui avaient rendu dévasté. Ce monsieur a en outre expliqué qu'il lui avait été impossible d'entrer dans le logement déserté par ses occupants puisque, du fait du contrat de bail en cours, ce logement était considéré comme leur domicile.
Ces situations dramatiques ont mis en évidence l'existence, à la fois, d'un vide juridique et d'une carence de l'action administrative. En effet, si le domicile est protégé en tant qu'il participe de la vie privée, dont la protection est inscrite dans le code pénal, la propriété qui ne tient pas lieu de domicile, elle, ne l'est pas.
Par ailleurs, s'il existe des voies de recours pour expulser les personnes qui s'introduisent ou se maintiennent dans un bien immobilier sans droit ni titre, ces voies de recours sont lentes voire inexistantes lorsque l'administration, par souci d'éviter des troubles à l'ordre public, choisit de ne pas agir. Dans ce cas, le seul recours possible pour le propriétaire lésé est le recours indemnitaire.
La présente proposition de loi entend lutter contre le recours à une justice privée, conséquence regrettable d'une action publique souvent impuissante face aux violations de la propriété immobilière. Elle renforce, pour ce faire, la célérité des voies d'exécution et crée un nouveau délit sanctionnant les occupants sans droit ni titre d'un immeuble. En d'autres termes, peu importe que le logement que vous occupez sans droit ni titre soit le domicile régulier de son propriétaire, sa résidence secondaire ou un logement vacant, meublé ou non, cette occupation est un délit. L'effet est évidemment dissuasif puisque celui qui s'approprie le bien d'un autre sait désormais qu'il ne risque plus seulement l'expulsion mais également une condamnation au pénal. Cette proposition de loi fait donc de la défense du droit de propriété un droit véritablement inaliénable et sacré, consacré par l'utilisation obligatoire du recours à la force publique pour le faire respecter.
L'article 3 introduit ainsi la notion de droit de propriété dans le code pénal, en réécrivant la section concernée qui ne traitait que de l'atteinte à la vie privée. Seront désormais distinguées, d'une part, les atteintes à la vie privée et, d'autre part, les atteintes à la propriété, aux biens et aux personnes.
L'article 4 élargit le champ de l'article 226-4 du code pénal à l'occupation sans droit ni titre d'un bien immobilier appartenant à un tiers, rendant celle-ci punissable d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Il ajoute également à la notion de « domicile » la notion de « propriété immobilière ».
Après avoir auditionné des juristes, des représentants du ministère de la justice et de l'intérieur et des associations de propriétaires, nous avons choisi d'amender le texte pour élargir la portée de ce nouveau délit : seront ainsi concernées, outre les situations d'usurpation d'un bien immobilier avec violence, les situations d'usurpation d'un bien sans violence, et tous les biens immobiliers indépendamment de la notion de domicile.
Ces situations d'usurpation frauduleuse d'un bien devront, pour être sanctionnées, être manifestement illégales et caractérisées par la mauvaise foi.
Dans cette optique, l'article 6 impose la contractualisation entre propriétaires et occupants à titre gratuit d'un bien immobilier. Cet article permet de sécuriser les situations contractuelles. Néanmoins, le propriétaire qui souhaiterait récupérer son bien après un préavis d'un mois, auquel le locataire opposerait une fin de non-recevoir, pourra se prévaloir des dispositions de l'article 1er de la présente proposition de loi, qui modifient la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable, dite « loi DALO », et permettent une expulsion rapide – nous aurons l'occasion, au cours de nos échanges, de revenir sur ce dispositif exorbitant du droit commun.
Quant à l'article 2, il crée, dans un souci d'équité, un cas d'exclusion du bénéfice des dispositions de la loi DALO pour toute personne ayant déjà été condamnée pour occupation sans droit ni titre d'un bien immobilier. Je sais que cet article fait débat, mais il s'agit d'empêcher qu'un squatteur puisse se prévaloir de la loi DALO.
Au-delà de ces dispositions, il s'agit, dans un second temps, d'obliger la puissance publique à agir, parce que, trop souvent, les décisions du juge ne sont guère suivies d'effet, ce qui incite les citoyens à se faire justice eux-mêmes.
C'est pourquoi l'article 1er de la présente proposition de loi élargit le champ des dispositions de l'article 38 de la loi DALO, en instaurant une voie d'exécution forcée contre les occupants sans droit ni titre d'un bien immobilier au sens large.
L'article 5, quant à lui, a pour objet d'obliger la puissance publique à agir, en créant une situation de compétence liée pour l'autorité administrative soit sur le fondement de l'article 226-4 du code pénal dans la présente proposition de loi, soit sur le fondement du nouvel article 315-1, que je vous proposerai par amendement et qui vise à punir l'occupation sans droit ni titre et l'appropriation frauduleuse d'un bien immobilier.
En tout état de cause, l'article 5 crée une situation de compétence liée pour le préfet qui, dans un délai de quarante-huit heures, devra faire appel aux forces de l'ordre après la décision du juge accueillant la demande du propriétaire lésé. Cela s'appliquera aux situations où l'introduction dans le bien immobilier d'autrui s'est faite avec violence mais également sans violence, que ce bien immobilier soit ou non le domicile du tiers.
Il s'agit de simplifier le droit pour éviter que les citoyens ne se retrouvent dans des situations kafkaïennes, qui leur interdisent tout recours efficace. Nous voulons que l'occupation illicite d'une propriété privée soit punie au même titre que le vol, car il faut savoir qu'aujourd'hui notre code pénal sanctionne plus lourdement le vol d'une voiture que l'occupation frauduleuse d'un bien immobilier qui ne vous appartient pas.
Cette proposition de loi est enfin équitable. Il s'agit de défendre d'honnêtes citoyens qui désespèrent de la longueur des voies de recours et de l'impuissance publique.
Le problème étant juridiquement complexe, voilà des années qu'on nous explique qu'il n'est nul besoin de changer le droit, ce qui fait que, régulièrement, des propriétaires tentent de régler la situation par la violence, à moins qu'ils renoncent tout simplement à mettre leur bien en location pour ne pas risquer d'avoir affaire à un mauvais payeur ou qu'ils exigent des locataires des garanties financières que nombre de nos concitoyens ne sont pas en mesure de fournir, ce qui en fait les premières victimes de cet état de fait.
Cette proposition de loi, en créant un délit dont l'effet ne peut qu'être dissuasif, contribuera, je l'espère, à faciliter l'accès de ces personnes au marché locatif.