Je tiens tout d'abord à saluer l'initiative du rapporteur, qui s'est saisi d'un problème fondamental, complexe, qui concerne l'ensemble du territoire et chacun d'entre nous. En effet, ceux qui ont déjà été confrontés à ce genre de situation le savent, les citoyens sont souvent démunis face à des procédures d'expulsion laborieuses à exécuter. Le droit et la jurisprudence en matière d'occupation illégale sont peu précis, opérant une distinction injustifiée entre occupation d'un domicile et occupation d'un local ou logement vacant, imputant, dans le second cas, la charge de la preuve au propriétaire. Il est donc crucial et nécessaire que la Représentation nationale leur apporte des réponses.
Au cours de l'examen du projet de loi ELAN en séance, les députés du groupe, Les Républicains ont d'ailleurs soumis au débat cette problématique, en défendant une série d'amendements. Les députés du groupe MODEM et apparentés, conscients de l'ampleur et de la réalité du problème ont voté en faveur de ces amendements et ce malgré quelques interrogations d'ordre juridique. Nous regrettons fortement que le Gouvernement et le groupe La République en Marche n'aient pas su se saisir de ce sujet à la faveur de l'examen d'un projet de loi pourtant consacré au logement.
Quoi qu'il en soit, et malgré certaines de nos interrogations sur ses conséquences, notre groupe salue cette proposition de loi, qui s'organise autour de trois axes principaux : l'alignement des régimes juridiques applicables à l'occupation sans droit ni titre d'un bien immobilier et à l'occupation d'un domicile, laquelle relève déjà du droit pénal ; le renversement de la charge de la preuve, qui incomberait désormais aux personnes soupçonnées d'occupation illégale et non plus aux propriétaires ; la création enfin d'une nouvelle forme de bail à titre gratuit, aligné sur les baux classiques.
Nous soutenons certaines dispositions de cette proposition de loi qui améliorent le droit actuellement en vigueur – je pense notamment à l'introduction de la notion de bien immobilier dans l'article 38 de la loi DALO et au renversement de la charge de la preuve – et permettront d'éviter ces situations ubuesques où les propriétaires de biens immobiliers sont dans l'impossibilité de récupérer leurs biens dans des délais raisonnables.
En revanche, nous ne pouvons soutenir en l'état l'ensemble du texte. En effet, les dispositions de l'article 2 nous semblent excessivement sévères, sans pour autant traiter le problème à sa source.
Si la répression de ces pratiques est nécessaire et primordiale pour assurer le respect de la loi, cet article, qui vise à exclure du bénéfice des dispositions de la loi DALO les personnes déjà condamnées pour occupation illégale, nous semble disproportionné. Le code pénal prévoit déjà une peine d'emprisonnement pour les personnes reconnues coupables d'occupation sans droit ni titre d'un domicile. Or, nous le savons, les personnes qui se rendent coupables de telles occupations, qu'il s'agisse de locaux vacants, de parkings d'immeuble ou de logements, sont souvent en situation de grande précarité. Cette disposition aboutirait de facto à leur imposer une double peine en les éloignant durablement de l'accès au logement. C'est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.
Par ailleurs, les dispositions de l'article 6, en proposant d'établir des conventions similaires aux baux locatifs classiques pour des locations gratuites, ajoutent une contrainte injustifiée aux propriétaires qui souhaiteraient mettre un de leurs biens immobiliers à disposition d'un membre de leur entourage, sans leur apporter, ni à eux ni aux occupants davantage de sécurité. Nous proposons donc également sa suppression.
Dès lors, si le groupe MODEM et apparentés accueille avec intérêt cette proposition de loi, qui a le mérite d'alerter la Représentation nationale sur un sujet de préoccupation majeure pour nos concitoyens, nous proposerons néanmoins des amendements de suppression des articles 2 et 6, et resterons extrêmement vigilants quant à l'évolution de ce texte.