Intervention de Julien Aubert

Réunion du mardi 12 juin 2018 à 17h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Aubert, rapporteur :

Concrètement, ce que vous me dites revient à considérer que, si je possède deux voitures, une que j'utilise chaque matin pour aller travailler et l'autre dont je ne me sers qu'épisodiquement, et qu'on me vole la première, les autorités vont immédiatement enclencher une procédure pour retrouver le voleur ; qu'en revanche, si c'est celle dont je n'ai qu'un usage occasionnel qui m'est dérobée, la procédure mise en oeuvre sera beaucoup plus longue. Mais qui peut entendre que la loi soit différente selon l'usage que vous faites de votre bien ?

C'est pourtant ainsi que cela fonctionne pour les habitations, même si la jurisprudence a progressivement étendu la notion de domicile pour y inclure notamment les résidences secondaires. La personne qui n'habite plus chez elle mais s'est installée chez celui ou celle avec qui elle partage sa vie, le couple de retraités qui a acheté une maison dont la location lui apporte un complément de retraite ne sont pas protégés contre les squatteurs.

Il ne faut donc pas perdre de vue que la vraie victime, c'est souvent le propriétaire qui non seulement ne touche plus ses loyers mais récupère un bien dégradé au prétexte qu'il ne l'utilise pas à plein temps ! Le droit de propriété n'est pas un droit à géométrie variable, selon qu'il s'agit d'un vélo, d'une voiture ou d'un appartement.

Ma proposition de loi propose en somme un dispositif simplifié – et j'ai d'ailleurs revu ma copie depuis les propositions que j'avais faites lors de la discussion de la loi ELAN : d'une part, l'occupation illicite du domicile d'un tiers est punie en tant qu'elle constitue une atteinte à la vie privée ; d'autre part, est également punie l'occupation illicite d'un immeuble en ce qu'elle constitue une atteinte à la propriété privée, au même titre que le vol d'un vélo ou d'une voiture.

Quant à l'objection selon laquelle l'article 2, qui exclut du bénéfice des dispositions de la loi DALO l'occupant d'un bien sans droit ni titre, serait excessif, c'est un point de vue politique que je veux bien admettre. Néanmoins, cet article ne procède pas d'une opinion politique mais d'un impératif juridique, et ceux qu'il entend punir, ce sont les occupants sans titre de mauvaise foi, c'est-à-dire les squatteurs « professionnels ».

On peut certes supprimer cet article, mais la portée de cette proposition de loi en serait amoindrie d'autant, puisque n'importe quel squatteur pourra dès lors vous opposer la loi DALO. Or il faut pouvoir arrêter ces squatteurs et les empêcher de porter atteinte en permanence au droit de propriété, inviolable et sacré.

Je comprends moins les critiques adressées à l'article 6. Certes un appartement peut être occupé par un proche ou un membre de la famille du propriétaire à titre gratuit, mais, y compris dans cette hypothèse, la signature d'un bail peut s'avérer une précaution utile dans le cas d'une détérioration des relations familiales, et cela ne complexifie nullement le dispositif.

Je pense qu'il faut agir le plus rapidement possible car non seulement il y a urgence à agir mais nous disposons d'un véhicule législatif. J'ai bien entendu que vous suggériez d'insérer ces dispositions dans la loi ELAN, mais l'examen de ce projet de loi fait l'objet d'une procédure accélérée, ce qui signifie qu'il n'y aura pas de seconde lecture à l'assemblée. Dès lors, pour amender la loi, il faudrait que le Gouvernement reprenne mes propositions sous forme d'amendements pour les faire adopter par le Sénat. Or je souhaite que ce soit nous, les députés représentants du peuple, qui discutions de ce texte dont les dispositions concernent au premier chef nos concitoyens.

Le dispositif proposé peut comporter des failles qui m'auraient échappé en dépit des auditions auxquelles il a été procédé : il peut être amélioré par voie d'amendements. Mais de grâce, ne perdez pas de vue qu'il nous a fallu quatre ans pour que ce texte, qui vise à apporter une solution à des personnes qui souffrent, soit inscrit à l'ordre du jour ! Rien ne pourrait être pire que de dire que ce n'est pas le bon moment pour légiférer sur cette question, et de renvoyer ce texte aux calendes grecques : nos concitoyens ne comprendraient pas que nous ayons refusé d'en débattre.

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