L'article 1er élargit la portée de l'article 38 de la loi DALO à l'occupation sans droit ni titre à tout bien immobilier et non plus au seul domicile. Il supprime, en outre, l'obligation pour le propriétaire ou le locataire de faire la preuve que le logement constitue son domicile ; il ouvre la possibilité de faire constater l'occupation illicite par un huissier de justice, et non plus seulement par un officier de police judiciaire ; enfin, il prévoit que le préfet peut recourir à la force publique afin de procéder à l'évacuation forcée du logement et supprime la possibilité pour le propriétaire et le locataire de s'y opposer.
J'y vois plusieurs inconvénients. Premièrement, élargir l'occupation sans droit ni titre à tout bien immobilier semble disproportionné. La notion de bien immobilier recouvre un champ bien plus large que celui du logement, qu'il s'agisse d'une résidence principale ou secondaire : il peut en effet s'agir d'immeubles non affectés à l'habitation, comme des ateliers ou des bureaux. Ainsi, l'article 1er élargirait considérablement le champ de l'article 38 de la loi DALO en l'étendant aux infractions qui comprendraient le fait de s'introduire sur n'importe quel terrain privé en connaissance de cause. En outre, cette modification serait trop large au regard de la liberté d'aller et venir. J'ajoute que l'article 38 de la loi DALO s'applique aux résidences secondaires et aux immeubles d'habitation, dès lors qu'ils sont meublés, comme vous l'avez précisé en introduction.
De plus, élargir l'occupation sans droit ni titre à tout bien immobilier met en cause l'équilibre entre le droit de propriété et le droit au logement. En effet, la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent est un objectif de valeur constitutionnelle, comme l'a affirmé le Conseil constitutionnel en sa décision n° 94-359 DC du 19 janvier 1995. L'équilibre constitutionnel à maintenir serait le suivant : le législateur ne saurait réprimer un comportement qui permettrait d'assurer pour la personne le droit au logement décent que si l'atteinte portée à la propriété d'autrui revêt un certain niveau de gravité.
Par ailleurs, l'article 1er fait référence à deux termes distincts, ce qui entraîne une confusion. En son alinéa premier, l'article 38 de la loi DALO viserait tout bien immobilier occupé sans droit ni titre ou seulement ceux qui peuvent être considérés comme des logements. La présente proposition de loi emploie deux formules, de sorte que la définition des locaux visés par la loi prête à des interprétations contradictoires. Cette ambiguïté porte atteinte à l'intelligibilité de la loi.
Enfin, l'article 1er accorde un trop grand pouvoir au préfet en lui donnant la possibilité de trancher sur des prétentions à la propriété, à la place du juge civil. Or, le préfet n'a pas la compétence du juge : il ne faut pas confondre le pouvoir administratif et le pouvoir judiciaire. De plus, la rédaction est assez inhabituelle : en cas de recours du préfet à la force publique, sa décision n'est susceptible d'aucun recours, contrairement à un principe fondamental de notre droit. En outre, l'article semble créer un nouveau dispositif d'expulsion dérogatoire du droit commun.