Intervention de Nicolas Turquois

Réunion du mardi 12 juin 2018 à 17h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Turquois :

Je tiens tout d'abord à remercier nos collègues du groupe Les Républicains pour cette proposition de loi qui nous conduit à débattre d'un sujet fort préoccupant pour nos concitoyens. À la suite de scandales récents dans le cadre desquels de grands groupes ont livré les données personnelles de leurs utilisateurs, les questions de la protection des données et du respect de la vie privée sont d'une actualité immédiate et retiennent toute notre attention. Nous accueillons donc avec intérêt votre proposition de loi qui s'inscrit dans la continuité du projet de loi tendant à renforcer la protection des données personnelles.

Vous partez du constat de la pression commerciale récurrente subie par l'ensemble de nos concitoyens du fait d'entreprises peu scrupuleuses qui ne respectent pas le droit existant. La législation est en effet déjà suffisamment claire sur le sujet. L'usager dispose d'un droit d'opposition : grâce au dispositif Bloctel voté dans la loi Hamon, un consommateur peut ne plus être démarché par téléphone par un professionnel avec lequel il n'a pas de relation contractuelle en cours.

Toutefois, force est de constater que ce dispositif connaît de nombreuses limites puisque les consommateurs continuent de recevoir des appels non sollicités. Nous partageons bien entendu avec vous la conviction que les consommateurs ont le droit de ne pas être importunés à leur domicile, surtout lorsqu'ils ont fait la démarche de s'inscrire sur la liste Bloctel. Ce démarchage devient un véritable fléau pour les consommateurs les plus fragiles, sujets à des pratiques trompeuses ou à du harcèlement téléphonique, qui confine parfois à l'abus de faiblesse.

Il appartient donc au législateur de renforcer la protection des consommateurs face aux dérives constatées. Afin d'inverser cette tendance, vous proposez, Monsieur le rapporteur, que les consommateurs donnent expressément leur accord pour que leurs données personnelles puissent être utilisées à des fins commerciales. Désormais, les entreprises n'exerceraient plus leurs activités sur le fondement d'un consentement par défaut. En cas de non-consentement, les données personnelles des consommateurs seraient considérées comme confidentielles et ne pourraient en aucun cas être utilisées à des fins commerciales. Vous proposez par ailleurs que tout professionnel du démarchage doive décliner explicitement son identité et utiliser un numéro de téléphone à indicatif unique permettant aux particuliers d'identifier plus facilement ces numéros, voire de les bloquer.

Si l'indicatif unique nous paraît efficace, tout comme la présentation claire de l'identité de l'auteur de l'appel au début de la conversation, nous craignons que le principe du consentement obligatoire préalable ait des effets négatifs sur la viabilité économique de certaines entreprises de démarchage. En effet, de nombreuses petites entreprises, y compris françaises, dépendent du démarchage téléphonique pour la vente de services ou de produits. Nous ne pouvons d'un trait de plume condamner les centaines d'emplois concernés – ce serait le cas dans mon département, la Vienne. Les articles 1er et 4 de la proposition de loi ne nous paraissent donc pas appropriés à l'objectif recherché. Au-delà de ces dispositions qui, nous l'espérons, feront l'objet de modifications lors de la navette parlementaire, nous soutenons l'intention de cette proposition de loi qui tend à renforcer la protection des données personnelles ainsi que le respect de la vie privée. Les données des personnes sont aujourd'hui essentielles dans les modèles économiques des entreprises – a fortiori avec l'essor du numérique. C'est pourquoi le groupe du Mouvement démocrate et apparentés (MODEM) votera cette proposition de loi, sous réserve que les articles 1er et 4 soient modifiés.

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