Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à vous remercier, monsieur le Premier président, de votre présence aujourd'hui dans notre hémicycle, qui ouvre ce second temps du Printemps de l'évaluation – le premier ayant consisté en la réunion des commissions d'évaluation des politiques publiques.
Les liens entre notre assemblée et la Cour des comptes – dont je salue les magistrats présents aujourd'hui – se sont renforcés au fil du temps : ils sont aujourd'hui très étroits. Nous allons encore les renforcer à l'avenir, car tel est, à mon sens, l'intérêt du pays.
À l'occasion de ce débat en séance publique, je voudrais également remercier l'ensemble des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis.
Par leur présence et leur implication extrêmement active durant ces dix-huit commissions d'évaluation des politiques publiques, ils ont montré à quel point leur travail tout au long de l'année est indispensable. Les commissions d'évaluation des politiques publiques se sont réunies durant trente-six heures et vingt-cinq minutes – j'ai bien conscience que cette information donne une vision quelque peu comptable de notre démarche, mais je tenais à le dire.
Aujourd'hui, le Parlement, saisissant l'occasion que lui fournissait l'examen du projet de loi de règlement, est au coeur de l'évaluation, c'est-à-dire du contrôle de l'efficience des politiques publiques.
Il était grand temps de créer un moment comme celui-ci. Si une telle hypothèse avait maintes fois été évoquée par le passé, elle n'avait jamais été mise en pratique : on se plaignait de ce projet de loi de règlement, mais on n'en tirait jamais totalement les conséquences.
Je remercie le Gouvernement d'avoir accepté de se prêter à l'exercice, puisque nous allons présenter des projets de résolution, et que vous savez, mes chers collègues, qu'il a le pouvoir de bloquer les projets de résolution, ce qu'il n'a pas fait.
Cela me semble une bonne chose. Chacun y a mis du sien : nous avons en effet en commun l'intérêt de la France, c'est-à-dire l'intérêt national, qui commande à la fois une bonne utilisation de l'argent public et une efficience de la dépense publique.
Nous devons également faire en sorte que cette évaluation s'inscrive dans une procédure budgétaire évolutive. Ce Printemps de l'évaluation s'inscrit donc lui-même dans une réforme ambitieuse, celle d'un grand semestre budgétaire visant à rehausser le rôle du Parlement : évaluation au moment de la loi de règlement, vote de la loi de règlement, débat d'orientation budgétaire en vue de préparer le budget suivant, puis, évidemment, débat portant sur les crédits de l'année n+1 dès l'automne.
Nous aimerions bien sûr, et dès l'année prochaine, améliorer les choses. Nous le ferons en ayant dressé au préalable, avec celles et ceux qui ont souhaité y participer, le bilan de cette première expérience visant à mieux budgétiser les dépenses de notre pays.
Certains sujets ayant trait à l'évaluation, choisis par les rapporteurs spéciaux et pour avis, ont mis en lumière des dysfonctionnements préoccupants. La Cour des comptes avait fait de même : à cet égard, ses rapports ont été précieux, comme l'ont été ceux de la Mission d'évaluation et de contrôle, la MEC, ainsi que ceux du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques.
Je pense par exemple aux certificats d'économie d'énergie, qui ont attiré l'attention de Julien Aubert, rapporteur spécial des programmes « Énergie, climat et après-mines » et « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
Il s'agit en effet d'un marché opaque et visiblement souvent détourné de son objectif initial, qui est de réaliser des économies d'énergie.
Bien que les montants d'argent public en question soient faibles, ce sujet se trouve au coeur de nombreux enjeux. Comment lutter contre les risques de fraude ? Quelle fiscalité appliquer à ce domaine de la transition énergétique ? Comment, enfin, mieux contrôler ce marché face au risque spéculatif ?
Les dix-huit commissions d'évaluation des politiques publiques ont également mis en lumière des politiques publiques qui mériteraient davantage d'efforts de la part de l'État.
Ainsi, notre collègue Stella Dupont, rapporteure spéciale sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », a observé qu'alors que le projet de loi de finances pour 2016 prévoyait de consacrer 60 millions d'euros à l'aide à la réinsertion des migrants dans leur pays d'origine, ces crédits n'avaient quasiment pas été consommés : seules seize personnes avaient utilisé cette aide. À quoi sert donc une politique publique si elle n'est pas utilisée ?
Économiser n'est certes pas jongler, et vous l'avez très bien dit, monsieur le Premier président. Économiser, c'est mieux définir le rôle des pouvoirs publics – voilà pour l'aspect stratégique.
Cependant, économiser n'est pas non plus inscrire des crédits et ne pas les utiliser : Gilles Carrez l'a montré de façon assez claire s'agissant des crédits relatifs au programme « Patrimoines ». Économiser, c'est moins dépenser en choisissant mieux les instruments de l'action publique.
Économiser n'est pas non plus sous-budgétiser, niant ainsi la réalité de la dépense. Économiser, c'est créer des dispositifs aux objectifs précis et dont le contrôle de l'efficience est une condition de la prorogation. Nous disposons d'indicateurs de performance : peut-être faut-il également réfléchir à des indicateurs de productivité ? Vous avez à cet égard évoqué, monsieur le Premier président, le potentiel du numérique.
Mieux dépenser, ce n'est pas extraire des dépenses du budget et croire qu'on les a fait disparaître parce qu'on les a transformées en dépenses fiscales ou en abondements de fonds ou d'opérateurs, dans une sorte de non-budget land dans lequel il n'est au fond plus possible de retrouver ses petits.
C'est dans cette optique que nous devons voir dans l'ensemble des rapports spéciaux une véritable revue des dépenses publiques. Il n'y a pas mille manières de baisser la dépense publique : il n'en existe en réalité que deux.
Il faut en premier lieu réduire la dépense sociale, mieux inventer celle de demain, sachant qu'elle représente aujourd'hui 50 % des dépenses publiques, et, en second lieu, mieux maîtriser la croissance de la masse salariale publique, ces deux postes représentant aujourd'hui près de 75 % des dépenses publiques.
Nul ne peut évidemment penser qu'il est possible de maîtriser et de réduire la dépense publique sans maîtriser ces deux postes. Par ailleurs, si les comparaisons sont en règle générale rassurantes, elles ne le sont pas en la matière.