Intervention de Francis Vercamer

Séance en hémicycle du mardi 19 juin 2018 à 15h00
Liberté de choisir son avenir professionnel — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrancis Vercamer :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, au terme d'un débat riche en échanges et propositions, nous allons, dans quelques instants, nous prononcer sur le projet de loi visant à réformer la formation professionnelle. Nous l'avons indiqué lors de la discussion générale, notre système de formation professionnelle continue cumule plusieurs défauts. Il apparaît opaque, peu lisible, aussi confus pour le salarié que pour l'employeur, qu'il s'agisse de l'offre de formation proposée ou de ses canaux de financement. Alors même que la formation professionnelle continue génère près de 32 milliards de dépenses, tous acteurs confondus, personne ne peut en garantir l'efficacité réelle.

Une réforme d'ampleur était donc nécessaire. Est-elle contenue dans votre projet de loi, madame la ministre ? À vrai dire, on peut rester perplexe. Le Gouvernement et la majorité font, en effet, avec la création de France Compétences, le pari de la centralisation de l'organisation de la formation professionnelle. On peut s'en étonner, car la formation professionnelle demande réactivité et capacité à proposer, très rapidement, des formations nouvelles adaptées aux attentes des employeurs et des acteurs du terrain.

Pour le groupe UDI, Agir et indépendants, une réforme de la formation professionnelle susceptible de répondre aux enjeux actuels du monde du travail est une réforme reposant sur quatre piliers : une plus grande autonomie du salarié ou du demandeur d'emploi pour effectuer ses choix de formation ; une meilleure anticipation des évolutions des métiers, en lien notamment avec le développement du numérique et de l'économie digitale ; un système de formation continue plus accessible aux salariés les moins formés et aux demandeurs d'emploi ; un système de formation professionnelle simplifié, pour plus de lisibilité. Dans ce cadre, nous saluons la volonté de rapprocher la formation continue et l'apprentissage des besoins des entreprises et des branches professionnelles. Le renforcement du conseil en évolution professionnelle est également un point positif du texte, dès lors qu'il est un facteur d'accès à la formation.

Cependant, madame la ministre, vous n'êtes pas parvenue à lever les ambiguïtés qui entourent les conditions de la mobilisation du compte personnel de formation des demandeurs d'emploi, dans le cas des formations financées par Pôle emploi. Le fait que la formation puisse être financée, dans un pareil cas, par le biais du CPF du demandeur d'emploi lui laisse, en effet, peu de marge pour utiliser librement son compte, à l'inverse de l'objectif affiché par votre projet de loi et de son titre.

Par ailleurs, notre groupe continue à douter de l'opportunité de monétiser le compte personnel de formation : la conversion des heures en euros ne nous paraît pas s'opérer à droits de formation constants pour les salariés.

Enfin, si votre projet de loi tente de sécuriser davantage la situation des travailleurs indépendants des plateformes numériques, il le fait par l'intermédiaire d'une charte qui reste facultative, ce qui augure mal de son efficacité, d'autant que cette proposition reste très fragile sur le plan juridique, dans la mesure où elle crée une sorte de statut hybride et dont les contours restent flous, celui d'un travailleur qui n'est ni indépendant, ni salarié. Créer un tel statut, par voie d'amendement, sans réelle étude d'impact et sans en avoir mesuré avec précision les conséquences en termes de protection du travailleur et de concurrence déloyale, ne nous paraît pas répondre à l'enjeu réel en termes d'adaptation de notre droit aux nouvelles formes de travail.

Certaines de nos propositions ont été prises en compte au stade de l'examen du texte en commission : l'éligibilité du permis poids lourd au compte personnel de formation ; la majoration du compte personnel de formation pour les travailleurs handicapés ; l'application du régime de la déclaration d'intérêt aux membres du conseil d'administration de France Compétences ; ou enfin, la prise en compte du secteur d'activité des entreprises pour la modulation du taux de contribution à l'assurance chômage.

Toutefois, peu d'amendements de notre groupe ont été finalement adoptés en séance publique, ce qui nous interroge sur la capacité du Gouvernement à faire preuve d'une réelle écoute des parlementaires sur ce texte. Nous regrettons ainsi que nos échanges dans l'hémicycle n'aient pas permis d'obtenir des garanties sur des préoccupations essentielles pour notre groupe.

C'est notamment le cas pour le développement de la formation professionnelle dans les filières émergentes. Nous voulions inscrire clairement dans le texte que l'une des missions de France compétences serait d'apporter à ces filières les moyens indispensables pour développer les formations qui leur sont spécifiques. Nous regrettons que vous n'ayez pas entendu nos arguments sur ce point.

Nous déplorons également que vous n'ayez pas souhaité, comme nous le proposions, sanctuariser les crédits de la formation professionnelle. La mobilisation des sommes collectées auprès des entreprises au titre du financement de la formation professionnelle et de l'apprentissage doit avoir pour corollaire la garantie qu'elles seront exclusivement employées à cette fin. Vous ne nous avez pas entendus sur ce point, alors même que la centralisation, par le biais de France compétences, des canaux de financement de la formation professionnelle engendre un risque de déperdition des sommes collectées.

Enfin, notre volonté de voir davantage prise en compte la spécificité des territoires n'a pas trouvé d'écho auprès du Gouvernement ni de la majorité. Nous nous sommes ainsi opposés à la suppression de la compétence régionale dans le domaine de l'apprentissage, que votre projet de loi entérine. En confiant aux seules branches professionnelles la compétence de création des CFA, la réforme se prive de la vision globale et prospective dont disposent les régions sur le tissu économique de leur territoire, dans le cadre des schémas régionaux de développement économique.

Ce projet de loi aurait dû être l'occasion de trouver une nouvelle articulation équilibrée entre les territoires, les régions et les outils de la formation professionnelle. Force est de constater que, pour l'heure, il ne répond pas à cet enjeu. Nous souhaitons que la navette parlementaire et le débat au Sénat permettent de trouver une voie qui réintègre les territoires dans le champ de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Plus largement, nous souhaitons que la suite des débats parlementaires lève les imprécisions et les doutes qui entourent encore la réforme.

C'est la raison pour laquelle, à ce stade, notre groupe s'abstiendra sur ce projet de loi.

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