Madame la ministre, vous nous aviez annoncé un big bang. Votre projet de loi vient effectivement tout bousculer, mais il n'annonce pas un univers de la formation professionnelle en expansion. Comme à votre habitude, vous vous en remettez au marché. Vous ouvrez grand les portes aux spéculateurs.
Que prévoit ce projet de loi ? Une division par deux des droits individuels à la formation, avec la monétisation du compte personnel de formation ; la création d'un grand supermarché de la formation sur téléphone portable ; la suppression du congé individuel de formation, qui bénéficiait principalement à des travailleurs peu qualifiés pour leur reconversion ; la privatisation de l'accompagnement professionnel ; la réduction des financements des entreprises consacrés à la formation professionnelle. En réalité, ce projet de loi abandonne en cours de route toute ambition véritable, permet le développement de formations low cost et marginalise l'objectif de qualification pour lui préférer celui de compétences restreintes. Quelle vision court-termiste et utilitariste ! Je crains que vous confondiez émancipation et individualisation ou néolibéralisme.
Il en est de même pour l'apprentissage, enfermé dans une logique « adéquationniste », cherchant à répondre à des besoins immédiats et locaux, à rebours d'une vision émancipatrice de l'éducation et du travail. La loi dérégule, mettant en péril de nombreux CFA sur le territoire. Elle sort l'apprentissage de la formation initiale et précarise les apprentis au lieu de les protéger – elle leur applique, à eux aussi, la logique des ordonnances. Elle n'affiche aucune ambition pour les services publics du domaine qui nous occupe. L'ONISEP est démembré, tandis que le réseau des CIO est menacé de démantèlement.