Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, je vais m'efforcer d'être bref, compte tenu de l'heure qui avance. Je saisis cette occasion pour revenir sur des propos plus généraux. Certains ont qualifié les baisses de dotations de « politique austéritaire ». D'autres ont avancé l'idée selon laquelle la suppression de la taxe d'habitation appauvrirait les collectivités locales, alors même que chacun sait que les dégrèvements seront pris en charge à 100 % par l'État. D'autres encore ont employé le terme « amende » à propos des collectivités qui n'entreraient pas en discussion avec l'État pour tenter de limiter à 1,2 % l'augmentation de leurs dépenses de fonctionnement. Toutes ces allégations sont fausses, il est important de le réaffirmer.
Je rappelle que la dotation globale de fonctionnement pour 2018 n'a pas seulement été maintenue par rapport à 2017 : elle a augmenté de 200 millions d'euros. De plus, 88 % des communes bénéficiant de la dotation de solidarité urbaine et 87 % des communes bénéficiant de la dotation de solidarité rurale ont vu leur dotation croître.
Je rappelle en outre que, si nous avions poursuivi la dynamique négative dans laquelle s'inscrivaient les finances des collectivités locales, partant d'un niveau 100 en 2017, les dotations aux collectivités auraient été, en 2018, plutôt à 96 et non à 100, sachant qu'il convient d'ajouter les 200 millions d'euros que j'ai évoqués. Et, si nous avions poursuivi encore la tendance, elles seraient plutôt, l'année prochaine, à 93 et non à 101,2, base sur laquelle nous proposons aux collectivités de contractualiser avec l'État. Il est nécessaire de le rappeler, car tout le reste n'est, au fond, que galéjades – je me permets d'employer ce terme car vous avez évoqué votre Provence, madame Lorho. Or il importe des les éviter en ce lieu.
J'ai été maire pendant seize ans, et je sais que la question les ressources financières des collectivités territoriales est toujours un sujet de préoccupation majeur. Cela s'inscrit évidemment dans le cadre d'une montée en puissance des collectivités territoriales, d'un rapprochement toujours plus marqué entre les citoyens et l'échelle locale et d'un retour au territoire, que le législateur ne peut ignorer.
Votre assemblée en est, je le sais, pleinement consciente, comme en témoigne la récente mission flash de M. Charles de Courson et M. Christophe Jerretie. La présente proposition de résolution reprend d'ailleurs les grandes lignes de leurs conclusions : l'instauration d'une autonomie fiscale des collectivités territoriales ; la compensation intégrale et évolutive des transferts de compétences ; l'institution d'une loi de financement des collectivités territoriales. Je reviens rapidement sur ces trois points.
S'agissant du premier, la Constitution garantit d'ores et déjà une grande autonomie aux collectivités territoriales, non seulement par son article 72, mais aussi par son article 72-2, qui consacre leur autonomie financière. Les débats que nous aurons ensemble au mois de juillet permettront, le cas échéant, d'évoquer ou de compléter ce cadre.
La présente proposition de résolution prévoit de passer d'une autonomie financière à une autonomie fiscale. Cette évolution, particulièrement importante, reviendrait notamment à exclure des ressources propres les recettes fiscales dont les collectivités territoriales ne peuvent fixer ni le taux ni l'assiette, autrement dit les ressources qui sont issues d'un partage d'impôts entre l'État et les collectivités territoriales. À cet égard, permettez-moi d'évoquer seulement le transfert des points de TVA aux régions, qui leur a procuré 70 millions d'euros supplémentaires cette année. Il est donc important de savoir précisément de quoi nous parlons.
Le Gouvernement n'est pas favorable à une telle évolution pour trois raisons. Premièrement, elle serait source de complexité. Deuxièmement, elle limiterait les pouvoirs du législateur, qui verrait s'affaiblir son pouvoir d'orientation de l'évolution de la fiscalité locale. Troisièmement, elle pourrait conduire à une concurrence dommageable entre collectivités et, donc, à un accroissement des inégalités, ce que personne ici ne souhaite, j'en suis convaincu.
La proposition de résolution met en avant un deuxième élément marquant : la compensation « intégrale et évolutive » des transferts de charges. Elle appelle ainsi à une modification de l'article 72-2 de la Constitution pour que les ressources attribuées au titre d'un transfert de compétences ne soient plus seulement « équivalentes » mais « identiques » à celles que l'État y consacrait. De plus, ces ressources ne seraient plus calculées à partir de ce que l'État « consacrait » aux compétences transférées mais à partir de celles qu'il leur « consacrerait » s'il les exerçait toujours.
Il s'agirait, selon moi, d'un changement radical de méthode, qui pourrait être dangereux, y compris pour les collectivités locales. D'une part, cette méthode pourrait conduire à une diminution des ressources transférées aux collectivités territoriales. Il suffirait à l'État d'indiquer qu'il aurait lui-même envisagé une évolution de l'assiette ou de son niveau d'engagement pour diminuer les ressources compensatrices. D'autre part, si une collectivité devait décider de faire plus que l'État, celui-ci lui apporterait-il les moyens de compensation nécessaires pour mettre en oeuvre la politique qu'elle entend mener ? Je ne suis pas convaincu que l'option envisagée aille en réalité dans le sens d'une plus grande autonomie de ladite collectivité.
La troisième idée-force de la proposition de résolution est l'instauration d'une loi de financement des collectivités territoriales. Elle mérite évidemment d'être discutée. Je crois savoir que le président de la commission des finances et le rapporteur général auraient quelques difficultés à trouver un espace dans les soixante-dix jours actuellement consacrés à l'examen du budget, délai qui sera peut-être encore un peu moindre demain, mais je comprends parfaitement la volonté des signataires de la proposition de résolution : l'idée serait de bénéficier d'un cadre de discussion propre, spécifique aux finances locales. Cependant, pour d'autres, l'idée serait aussi, par le biais d'une telle loi de financement, de doter l'État d'un instrument supplémentaire de maîtrise de la dépense locale. Cela relève un peu du « en même temps » ; tout dépend de quel point de vue l'on se place.
Je crois qu'il conviendrait d'abord de mettre tout le monde d'accord sur la portée d'une telle loi de financement des collectivités territoriales, de réfléchir à ce que l'on en attend. Selon moi, il ne faudrait pas que celle conduise à trop contraindre la libre administration et l'autonomie financière des collectivités locales.
Telles sont, mesdames et messieurs les députés, en quelques mots rapides – je n'ai pas répondu à l'ensemble des questions que vous avez posées, mais je suis sûr que vous me le pardonnerez, compte tenu de l'heure avancée – , les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable à l'adoption de cette proposition de résolution. Je tiens toutefois à remercier ses auteurs ainsi que tous les intervenants qui ont exprimé leur position à ce sujet. Un certain nombre de pistes avancées pourront constituer une base solide tant pour la discussion que nous aurons sur la révision constitutionnelle dans les jours qui viennent que pour nos réflexions sur les finances et la fiscalité locales, car il est effectivement essentiel que cette assemblée s'empare de ces questions. Chacun connaît le caractère injuste de nos finances et de notre fiscalité locales ; il est important que nous y consacrions une attention toute particulière afin de le corriger chaque fois que nécessaire.