Intervention de Nathalie Loiseau

Réunion du mardi 25 juillet 2017 à 14h30
Commission des affaires étrangères

Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, chargée des Affaires européennes :

Il m'a été demandé tout à l'heure si l'on pouvait relancer les négociations sur le TAFTA, à un moment où l'administration américaine se retirait de l'accord de Paris. Ma réponse sera simple et brève : non.

M. Berville m'a interrogée quant au risque de mesures protectionnistes américaines à l'encontre de l'acier chinois, mesures dont nous serions les victimes collatérales. Ce risque existe – nous en parlons avec nos interlocuteurs américains. Si de telles mesures devaient être prises, ce que nous ne souhaitons naturellement pas, nous en prendrions nous-mêmes au niveau européen – nous l'avons fait savoir.

Il m'a également demandé comment faire en sorte de négocier des accords en surmontant nos divergences – c'est le propre du travail de l'Union européenne – pour moderniser nos outils de défense commerciale. C'est très précisément ce que le Conseil européen vient de demander. Il a non seulement exigé une modernisation des instruments anti-dumping mais également une accélération des procédures qui en garantisse l'efficacité. Nous en avons parlé avec la commissaire Cecilia Malmström l'autre jour.

J'en viens aux effets du Brexit sur l'Europe de la défense et sur la politique de développement, sujet abordé par M. Kokouendo.

La négociation du futur cadre financier pluriannuel se déroulera dans un contexte où nous perdrons la contribution du Royaume-Uni. Je le disais tout à l'heure, après le Brexit, la situation sera moins favorable qu'avant, non seulement pour les Britanniques mais également pour l'Union européenne. Nous nous sommes donc lancés dans un travail d'évaluation des politiques et priorités européennes avant d'établir leurs modalités de financement, que ce soit en termes de ressources ou de répartition de ces dernières entre nos différentes priorités. Voilà qui me paraît préférable que de partir d'une enveloppe moins élevée qu'auparavant pour essayer d'y faire entrer toutes nos politiques.

L'Europe de la défense est une nouveauté qui a été saluée par plusieurs d'entre vous. Mais il va évidemment falloir la financer. Le départ du Royaume-Uni de l'Union européenne ne doit pas nous dissuader de coopérer avec un partenaire stratégique aussi important en matière de défense. L'Europe de la défense, ce n'est pas seulement la politique de défense de l'Union européenne.

Quant au financement de notre partenariat économique avec les pays ACP une fois l'accord de Cotonou arrivé à son terme en 2020, il sera abordé lors de la négociation du futur cadre financier pluriannuel. Nous avons toujours défendu la relation avec les pays ACP et soutenu l'accord de Cotonou et ses révisions successives.

Mme Tanguy m'a interrogée sur les Balkans et le processus de Berlin. Le Président de la République a assisté au sommet de Trieste qui s'est tenu il y a quelques jours. Il est extrêmement important pour les pays des Balkans occidentaux de pouvoir compter sur une perspective européenne prenant en compte les crises et les conflits qu'ils ont traversés, les progrès qu'ils ont déjà accomplis, mais aussi le chemin qui reste à parcourir. Certaines orientations sont claires et certains objectifs, partagés, en matière d'état de droit, de lutte contre la corruption et la criminalité organisée et de gouvernance démocratique. Nous avons, avec chacun des pays pris individuellement, et entre l'Union européenne et les Balkans occidentaux, établi un dialogue très étroit et confiant. Certains pays progressent bien et nous continuerons à leur porter toute notre attention. Mon prédécesseur avait effectué de nombreux déplacements dans la région, notamment avec son homologue allemand : j'ai bien l'intention d'en faire autant.

Monsieur Quentin, vous vous êtes, vous aussi, interrogé à juste titre quant aux conséquences du Brexit sur le CETA et sur d'autres accords en cours de discussion. Vous avez soulevé la question des importations bovines mais le problème se pose pour d'autres aspects du CETA et pour d'autres accords. Faut-il renégocier tout le CETA ? J'appellerais a priori à la prudence en la matière. Soulignons aussi que ce qui correspondait aux possibilités nouvelles d'exportation vers le Canada à vingt-huit deviennent des possibilités nouvelles d'exportation à vingt-sept, s'agissant notamment des produits laitiers qui nous intéressent plus spécifiquement en France.

Vous m'avez demandé si le CETA était contraire à la Constitution. Ce n'est pas à moi de répondre à cette question, mais au Conseil constitutionnel qui, de fait, a été saisi et qui devrait rendre sa décision prochainement.

Madame Krimi, je partage avec vous la conviction que l'avenir de notre agriculture passe par l'Union européenne. Vous avez décrit la situation difficile des agriculteurs, évoquant à juste titre les disparités salariales et fiscales dans ce secteur au sein de l'Union. Si nous sommes aussi mobilisés concernant les travailleurs détachés, c'est précisément pour lutter contre ces disparités sociales qui font qu'il n'y a que des perdants : à très court terme, les pays exportateurs de main-d'oeuvre – c'est-à-dire les pays de l'Est, pour faire simple – peuvent se croire gagnants mais, en réalité, ils ratent toute occasion d'aller vers un mieux-disant, car ils se condamnent à une main-d'oeuvre perpétuellement sous-payée et à un régime de protection sociale perpétuellement décalé par rapport aux pays plus riches qu'eux dans l'Union européenne. Il faut arrêter de penser que la compétitivité est purement fondée sur le moins-disant social des pays de l'Est. De nombreux autres pays ont démontré le contraire. Quant à la convergence fiscale, c'est un sujet absolument prioritaire, complexe car on part de systèmes d'imposition extrêmement différents. Le conseil franco-allemand du 13 juillet dernier a montré la voie sur le plan bilatéral – puisque nous travaillons à une harmonisation de l'assiette de l'impôt sur les sociétés – en vue de mener un travail plus large au niveau européen. Ce ne sera pas simple, sachant que certains pays ont des approches très différentes de la nôtre en matière fiscale, mais, que ce soit pour les agriculteurs ou de façon plus large, il faut absolument aller vers davantage d'harmonisation fiscale.

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