Dans le cadre d'un groupement momentané d'entreprises solidaires (GMES), un niveau supplémentaire a été franchi dans la sous-traitance. En effet, EDF a demandé au chef de file du GMES d'établir ce qu'on appelle un document de suivi des interventions (DSI) « chapeau », qui couvre l'ensemble des autres DSI. Et on nous a laissé entendre – ce sont des informations qui nous ont été rapportées et que je vous rapporte à mon tour – qu'EDF ne voulait pas vraiment savoir ce qui se passait dans son bâtiment réacteur. Elle a confié celui-ci au GMES en lui demandant de le lui rendre en l'état, avec de nouveaux générateurs de vapeur. Il s'agit d'une prestation globale. C'est le sens, au plan juridique, de la prestation.
Le fait qu'EDF ne dispose pas des modes opératoires témoigne également de l'indépendance des prestataires et du fait qu'elle n'était pas forcément en mesure de contrôler ces modes opératoires. Sur place, cependant, ils se sont aperçus que les DSI ne comportaient pas suffisamment d'informations – l'ensemble des process n'y étaient pas suffisamment détaillés – pour que les chargés de surveillance puissent mettre ce qu'ils appellent leur point d'arrêt. Ils ont donc demandé, sur place, par un système de consultation ad hoc, à obtenir des précisions sur le DSI chapeau. À l'origine, c'est bien EDF qui a demandé à Areva d'avoir un document général qui n'entre pas dans les détails mais, par la suite, l'équipe qui se trouvait sur place s'est aperçue qu'elle ne disposait pas des infos nécessaires pour organiser la sécurité. Ils ont donc dû remettre leur nez, sur place, dans les modes opératoires. Mais ils ont bataillé car, juridiquement, ce n'était pas prévu contractuellement. C'est un autre problème de la sous-traitance : chaque sous-traitant – et EDF en tant que donneur d'ordres – se place dans une logique de protection juridique, une logique de parapluie, qui induit qu'il n'exécute que ce qui est formellement prévu dans le contrat. Ainsi, il n'était pas prévu que les modes opératoires soient communiqués ; ils ne l'ont pas été.
Cette formalisation juridique un peu extrême de la sous-traitance crée des prés carrés et, en définitive, le maître d'ouvrage perd en quelque sorte sa capacité à être vraiment donneur d'ordres. Il est difficile de l'affirmer de manière générale, mais, dans certaines situations, on peut véritablement se poser la question.