Intervention de Nicolas Spire

Réunion du jeudi 14 juin 2018 à 11h15
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Nicolas Spire, membre du cabinet Aptéis :

Ils existent. Ce que nous avons mentionné là, c'est ce que nous ont dit les salariés des difficultés liées aux opérations de remplacement de GV : la contrainte de temps s'impose de façon telle que les équipes, composées de cadres supérieurs ou dirigeants, qui programment et coordonnent les projets, définissent des calendriers idéaux en prévoyant des temps de réalisation des opérations conformes à ce que les données théoriques leur permettent de concevoir. Votre question est intéressante, car c'est quelque chose que l'on constate dans la programmation des arrêts de tranche. Ce n'est pas nous qui le disons : cela figure, régulièrement, par exemple, dans les rapports de la Cour des comptes. Mais nous, nous le constatons sur le terrain. Lorsqu'un agent EDF – cela vaut presque depuis le début des années 2000 – vous parle de l'arrêt de tranche à venir, il vous dit que la direction prévoit 28 jours. Or, au cours d'un entretien avec un chaudronnier ou un mécanicien, celui-ci me dira que tous savent que 28 jours, cela ne tiendra pas car, pour la seule mécanique, au moins 35 jours sont nécessaires. Immanquablement, donc, le calendrier déborde. L'équipe de l'arrêt de tranche – les agents d'EDF comme les prestataires – sont ainsi soumis à une pression extraordinaire pour dépasser le moins possible un calendrier qui a été décidé ailleurs et qui, souvent, n'est pas respecté.

Ces situations-là se sont produites à partir du moment où l'entreprise s'est beaucoup transformée, c'est-à-dire au début des années 2000. La contrainte financière est devenue une contrainte de temps sur le terrain. En outre, au moment où EDF est entrée en bourse, un plan de réduction drastique des effectifs a été décidé qui s'est traduit, sur le terrain, par des déficits de compétences dans différents types de métiers. Le projet intitulé « Phares et balises », à l'époque, consistait à ne conserver que quelques « phares » ou « balises » ou « lumières » sur tel ou tel métier, mais ne s'inscrivait plus dans une logique de maîtrise des différents métiers. Dès lors, on s'est trouvé dans des situations où l'on ne maîtrisait plus véritablement ni le mode de déroulement des opérations ni la contrainte de temps que l'on s'efforçait d'imposer. Les choses ont un peu progressé depuis, car EDF s'est rendu compte de ces difficultés, essentiellement à cause de l'importante dégradation du coefficient de disponibilité des tranches nucléaires à la fin des années 2000 et au début des années 2010. Ils se sont donc efforcés de redresser un peu la barre, mais la situation reste celle-là aujourd'hui : on est habitué, sur les sites, à ce que les calendriers fixés en haut soient très largement dépassés en raison des réalités du terrain.

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