Intervention de Nicolas Revel

Réunion du jeudi 14 juin 2018 à 8h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) :

Cette aide financière a été élaborée avec les structures auxquelles appartiennent les jeunes médecins. C'est eux qui nous ont amenés à aborder le sujet dans la discussion préparatoire à la convention 2016.

Nous partions d'un dispositif existant, puisqu'en 2011 un certain nombre d'aides avaient déjà été définies dans le champ conventionnel. D'ailleurs, elles venaient davantage soutenir les médecins en exercice dans ces zones que, plus spécifiquement, les médecins qui venaient s'y installer.

Dans la négociation de 2016, il n'aurait pas été de bonne politique de supprimer purement et simplement ce dispositif. Cela n'aurait pas été forcément bien compris. J'ai en revanche pris le parti d'essayer de le concentrer. Non pas en supprimant complètement les aides aux médecins déjà installés, mais en les réduisant, parce que ce sont des médecins qui n'ont pas de problème de revenus – ils sont même plutôt débordés.

J'ai considéré que la priorité était de « concentrer les feux » sur l'installation. Les jeunes médecins nous ont eux-mêmes dit que ce qui leur importait était d'avoir une aide rapide à l'installation. En effet, ils veulent pouvoir couvrir les dépenses liées à cette installation par une aide qui arrive très vite.

Les 50 000 euros que vous évoquez sont ainsi la somme, additionnée et améliorée, des mesures antérieures. L'aide annuelle qui durait trois ans a finalement été regroupée. On l'a améliorée. Ce n'est pas énorme, car on ne l'a pas doublée, mais on a fait en sorte que cette aide arrive très rapidement.

Voilà donc quelque chose qui n'est pas uniquement une création issue des services de la CNAMTS. En outre, même si les chiffres sont encore modestes aujourd'hui, parce que les zonages ARS ne sont pas encore complètement réalisés, on voit bien, objectivement, que des médecins regardent cela avec intérêt.

J'en viens à la régulation démographique pour les professions qui en sont dotées, comme celle des infirmières. Le dispositif existe depuis 2010 ; il a permis de faire face aux défis posés par une profession dont l'effectif est extrêmement dynamique. Nous avons réussi à réduire la dispersion et les écarts entre zones, que nous appelons, dans notre jargon, l' « indice de Gini » des infirmières.

Cet indice de dispersion était de 0,355 en 2008 et il s'est réduit à 0,315 en 2017. Il y a donc un petit peu moins d'infirmières dans les zones surdotées et un peu plus dans les zones sous-dotées. C'est un dispositif qui est totalement porté par la profession. Nous sommes en train, en ce moment même, de négocier un accord conventionnel avec les infirmières libérales. Il porte sur de nombreux sujets. Elles demandent de ne pas durcir un certain nombre de règles. On observe en effet que la fermeture de zones surdotées conduit des infirmières à s'installer dans des zones intermédiaires, afin de pouvoir exercer en réalité, au quotidien, une large part de leur activité dans les zones surdotées. Dans la convention, nous sommes donc en train d'imaginer des verrous supplémentaires pour limiter ce type de phénomène.

Avec les masseurs-kinésithérapeutes, nous avons aussi conclu un accord conventionnel fin 2017. Il introduit, ou réintroduit, le dispositif qui avait été signé en 2012, mais censuré par le Conseil d'État faute de base législative. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 en fournit désormais une.

Avant que le Conseil d'État ne censure ce dispositif, il avait cependant produit de premiers effets. Là aussi, nous sommes en effet en face d'une profession très dynamique dans sa progression démographique. Ce sont donc des dispositifs utiles, même s'ils sont imparfaits, car il y a forcément des voies de contournement. Leur intérêt reste cependant d'autant plus important que nous sommes en face de professions dont l'effectif croît de 3 % à 4 % par an.

J'en viens au dossier médical partagé (DMP). L'assurance maladie en a récupéré la responsabilité en 2016, conformément à la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. Nous avons commencé à déployer le DMP dans neuf caisses primaires et allons le déployer dans la France entière à l'automne, c'est-à-dire en octobre prochain.

Nous essayons de comprendre ce qui avait conduit à son échec au cours des dix dernières années. Pour que le dispositif connaisse le succès, il faudrait en effet qu'il y ait beaucoup de DMP ouverts, alors qu'il n'y en a que 500 000.

Pour ouvrir un DMP, il faut qu'un médecin muni de sa carte professionnelle de santé (CPS) en face d'un patient muni de sa carte Vitale, prenne le temps de le faire. Or, est-ce la priorité, aujourd'hui, que de demander à des médecins de se consacrer à ce sujet ?

Nous avons donc, premièrement, prévu beaucoup de modalités possibles pour ouvrir un DMP. Les professions de santé, à commencer par les médecins, pourront continuer à le faire. Les patients assurés pourront le faire directement en ligne, ce qui n'était pas le cas auparavant, ou encore à l'accueil des caisses primaires, comme la loi le prévoit. Nous accueillons ainsi beaucoup de monde dans les caisses primaires.

Mais, surtout, nous demanderons aux pharmaciens et aux infirmières d'ouvrir des DMP. C'est déjà prévu dans la convention passée avec les pharmaciens et nous sommes en train d'examiner ce point avec les infirmières en ce moment même. Voilà comment nous pouvons envisager d'ouvrir rapidement des millions de DMP. Je rappelle qu'il faut une décision du patient pour qu'il y ait ouverture de son DMP.

Deuxièmement, il faut qu'il y ait des données dans le dossier. Ce n'était pas le cas auparavant, de sorte que nous commençons par injecter dans le DMP deux années de consommation de soins tels qu'ils sont enregistrés dans nos bases. L'information est présentée de manière médicalisée pour que ce soit une donnée utile aux professionnels de santé.

Mais nous voudrions compléter ces premières données par toutes les informations médicales utiles venant des établissements de santé, des laboratoires de biologie, des cabinets médicaux de ville… Ce travail est en cours. Progressivement, les systèmes d'information permettront l'alimentation automatique du DMP.

Troisièmement, il faut que les patients considèrent que le DMP leur est utile et qu'il soit pour eux une réalité. Nous avons donc d'emblée réfléchi à mettre à la disposition des patients une application mobile leur permettant d'accéder très facilement à leurs informations médicales. Cette application est aujourd'hui disponible sur le Store. Elle passe encore par des modes d'authentification très sécurisés que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) nous a demandé de respecter. C'est parfois un peu lourd, mais nous verrons comment essayer de simplifier l'accès.

Tels sont les trois éléments qui nous permettent d'espérer que le DMP devienne ce carnet de santé numérique pour les patients et cet outil de coordination pour les professionnels dont se dotent tous les pays ayant un système de santé un peu organisé, structuré et coordonné.

Sur le bilan des rémunérations de 2015, suite à une négociation tenue en 2014, il y a eu un règlement arbitral, le 2 février 2015, sur les maisons et pôles de santé, c'est-à-dire sur les structures d'exercice pluriprofessionnel regroupé.

Comme il s'agissait d'un règlement arbitral, nous avons repris la négociation en 2017. Ainsi, nous avons conclu un accord conventionnel avec toutes les professions de santé le 20 avril 2017. Aujourd'hui, un peu plus de 500 structures sont donc conventionnées. Elles bénéficient d'une aide moyenne qui approche les 70 000 euros par an et qui couvre notamment des obligations d'ouverture, en termes d'amplitude horaire.

Ce qui fait la valeur ajoutée de ces structures, c'est cependant la notion de travail collectif et de coordination. Nous rémunérons donc une fonction de coordination au sein de la structure et finançons des systèmes d'information partagée parce qu'il n'y a pas de travail coordonné sans information partagée.

La question est de savoir si nous allons voir un nombre croissant de structures entrer dans ce dispositif. Nous observons, entre 2016 et 2017, une progression un peu plus forte que ce que nous avions anticipé au moment de la négociation de cet accord. En particulier, les structures rassemblent davantage de professions de santé et accueillent davantage de patients que ce que nous avions anticipé il y a un an. Il y a donc une dynamique qui se poursuit.

Nous souhaitons l'accélérer. La seule vérité sera celle des chiffres des deux ou trois prochaines années. Du réseau de l'assurance maladie, nous recevons des retours positifs : un certain nombre de médecins et d'équipes de soins primaires s'intéresseraient à ce dispositif. Il ne sera pas, évidemment, la seule réponse, mais il en constitue certainement une, très importante et très structurante.

Pour augmenter la capacité de réponse à la demande médicale, je pense en effet que le vrai levier est de travailler sur l'organisation des soins et l'optimisation de la ressource médicale existante.

Je pense notamment aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), car tout le monde ne souhaitera pas constituer une société interprofessionnelle de soins ambulatoires (SISA) et s'associer. Il s'agit ainsi de prendre les ressources médicales qui existent et de faire en sorte que le médecin passe prioritairement son temps à soigner, que son temps médical « se libère », parce qu'on dégage plus de temps pour le soin. Cette délégation de certaines tâches à d'autres professions de santé, dans un cadre juridique et financier équilibré, me paraît être une réponse pragmatique.

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