Intervention de Pierre Simon

Réunion du jeudi 14 juin 2018 à 11h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Pierre Simon :

Il faut savoir que nous avions prévu, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, le financement dans le droit commun de la téléconsultation et de la télé-expertise et qu'à cette époque, c'est l'assurance maladie qui n'avait pas suivi, craignant que la télémédecine ne soit à l'origine d'une explosion des dépenses de santé. Il a fallu attendre 2014 pour que l'assurance maladie fasse de nouvelles propositions dans le cadre de droits dérogatoires, prévus à l'article 36. Malheureusement, cela n'a pas marché : le premier arrêté assorti d'un cahier des charges sur la téléconsultation et la téléexpertise n'a été publié qu'en avril 2016 – en raison de la demande de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) que soit pris un décret préalable –, et ce n'est finalement qu'une petite partie des 8,5 millions d'euros prévus pour financer les expérimentations qui a été engagée.

Il faut se féliciter que, pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron se soit engagé à faire entrer ce financement dans le droit commun avec l'aide du directeur de l'assurance maladie. C'est une bonne décision et qui aurait dû être prise dès 2010. Toujours est-il que les conditions sont désormais réunies pour le développement de la télémédecine, à condition que les médecins puissent s'organiser en conséquence.

Comment sont-ils payés ? Comme dans les pays où ce dispositif est en vigueur, nous n'avons pas établi de tarif spécial pour la téléconsultation : de même que pour une consultation face à face, le prix est de 25 euros pour le médecin généraliste et de 30 euros pour le médecin spécialiste. Je pense que c'est raisonnable parce que l'assurance maladie, en faveur de la forfaitisation du parcours de soins, a probablement eu peur – et je comprends qu'elle ait résisté – qu'à la faveur du développement de la télémédecine, les médecins cherchent à augmenter leurs tarifs – augmentation qu'ils réclament depuis très longtemps. Reste qu'aujourd'hui la téléconsultation, si elle est bien organisée, peut tout à fait entrer dans les pratiques des médecins de soins primaires.

Pour ce qui est de la téléexpertise, elle obéit à la logique de forfaitisation d'un parcours. Le médecin de soins primaires est rémunéré au bout de la dixième demande de téléexpertise par un forfait de 50 euros et ensuite, lorsqu'il dépasse dix expertises par an, il peut percevoir jusqu'à 500 euros. Le médecin spécialiste, lui, est payé en fonction de deux niveaux de téléexpertise : le premier est considéré comme une téléexpertise simple – c'est la photo d'une lésion dermatologique, ou la photo d'un électrocardiogramme, envoyée par messagerie sécurisée –, rémunérée 15 euros ; le second niveau correspond à une expertise plus complexe qui sera rémunérée 20 euros. L'assurance maladie a décidé d'évaluer le caractère incitatif, ou non, de ces tarifs, les syndicats des spécialistes ayant bien sûr estimé qu'ils étaient nettement insuffisants par rapport aux tarifs des consultations spécialisées.

Personnellement, je serais favorable à ce qu'on libéralise l'expertise : nous avons des médecins de soins primaires formés, à l'hôpital, à des demandes immédiates d'avis spécialisés ; quand ils sont de service, en effet, les internes montent à l'étage supérieur pour montrer le dossier de leur patient au cardiologue, au rhumatologue etc. Or quand ils s'installent ensuite en médecine générale, ils n'ont plus accès aux spécialistes et c'est pour eux très compliqué. Donc, si l'on veut intéresser de nouveau les médecins de soins primaires à leur métier qui est la coordination des soins, il faut leur donner la liberté totale d'accéder à un spécialiste lorsqu'ils en ont besoin et la régulation se fera avec l'expérience : il faut laisser aux jeunes la possibilité d'appeler très souvent le médecin spécialiste alors que les plus expérimentés appelleront, eux, moins souvent.

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