Intervention de Benoît Assémat

Réunion du mercredi 13 juin 2018 à 11h00
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Benoît Assémat, conseiller sécurité sanitaire au département risques et crises de l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) :

On ne sait jamais tout sur des sujets comme ceux-là, mais il existe une règle : si des pratiques mettent en cause la santé de l'homme, des animaux ou des végétaux, elles peuvent être interdites. Tel est le cadre fixé depuis les Accords de Marrakech de 1993, qui ont fait entrer l'agriculture et l'alimentation dans les accords de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Il existe des instances de régulation.

Souvenez-vous de l'affaire du boeuf aux hormones. Il était difficile de prouver que cette pratique était dangereuse pour la santé. Il est possible d'interdire l'importation de produits contenant des substances pouvant entraîner un risque pour la santé. Voyez la nuance. Prenons le cas des antibiotiques, dont l'utilisation a considérablement évolué en Europe au cours des vingt dernières années. À une époque, on les utilisait comme facteur de croissance, en prévention, etc. Des actions ont été menées pour promouvoir une utilisation responsable et limiter l'augmentation des phénomènes de résistance aux antibiotiques. Nous avons fait beaucoup de progrès. Dans d'autres pays, que je ne veux pas citer, il est évident que la prescription et la délivrance des antibiotiques ne répondent en rien aux règles fixées en Europe. Pour autant, on ne peut pas interdire les produits venant de ces pays au motif qu'ils utilisent les antibiotiques comme facteur de croissance et autres. Dans le cadre juridique actuel, il me semble que l'on ne peut pas le faire.

Tout le monde sait que, d'un endroit à l'autre, les conditions de production diffèrent sur des tas d'aspects comme, par exemple, le bien-être animal. Ces critères ne sont pas suffisants pour interdire les produits. Si nous demandions le respect de conditions de production identiques aux nôtres, nous interdirions tout. Nous imposerions notre façon de penser et de produire notre alimentation aux Américains, aux Canadiens, aux Australiens ou aux Chinois. D'autres pays considèrent que leurs pratiques sont tout aussi légitimes que les nôtres.

À mon avis, il faut penser du local au global et chercher à tirer tout le monde vers des pratiques vertueuses. L'industrie alimentaire, qui a fait beaucoup de progrès en matière de maîtrise des enjeux sanitaires, peut être un levier en proposant aux consommateurs français et européens des produits qui soient meilleurs pour leur santé. Ces produits peuvent être identifiés. Le fameux logo VBF – pour « Viande bovine française » – avait été créé en 1996 lors de la première crise de la vache folle pour répondre à une inquiétude majeure, et il avait fait couler beaucoup d'encre.

Dans le contexte actuel, comment donner aux consommateurs européens et français des informations permettant d'aller dans ce que l'Europe et la France considèrent être le bon sens ? Il faut trouver des leviers. Sinon la mondialisation va conduire à une uniformisation de l'alimentation, ce que personne ne souhaite. L'alimentation est un élément absolument essentiel de la culture des peuples et de l'identité de chacun. Il faut donc concilier la libre circulation des marchandises avec les critères identifiés comme nécessaires à la santé de nos concitoyens.

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