Intervention de Bruno le Bizec

Réunion du jeudi 14 juin 2018 à 11h30
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Bruno le Bizec :

S'agissant des composés interdits, au sens de résidus de substances vétérinaires, qu'il s'agisse d'anabolisants ou de médicaments vétérinaires récemment déclassés et interdits – chloramphénicol, nitrofurane, métronidazole –, les taux de non-conformité sont très faibles en Europe, mais ils sont plus élevés sur les produits importés. Il existe encore des pays sur cette planète qui n'ont pas compris la dangerosité de certaines de ces molécules – le chloramphénicol est utilisé dans les élevages de crevettes ou de poulets, dans le Sud-Est asiatique et en Amérique du Sud. En Europe, la production est bien cadrée : cela fait bientôt trente ans que l'on répète les messages et la réglementation est relativement affûtée ; mais d'autres pays sont en train de découvrir l'usage de ces substances et ne mesurent pas la toxicité, notamment la génotoxicité, de ce type de composés.

Le groupe A de la directive 9623 concerne les anabolisants. En Europe, la situation est claire : ces substances sont interdites. Mais de nombreux pays autorisent et produisent ces substances, comme les États-Unis, le Canada, l'Afrique du Sud, la Nouvelle-Zélande, l'Australie. Il leur semble manifestement difficile de distinguer la production destinée au marché domestique de celle qui sera exportée vers des pays où les hormones sont interdites. La question des anabolisants a été soulevée dès 1997. Nous nous y sommes intéressés de près. Nous avons travaillé avec la Commission européenne sur des prélèvements collectés au niveau des postes d'inspection frontaliers : de 15 % à 20 % des échantillons contenaient des résidus de ces hormones. Vous vous souvenez peut-être que ce conflit s'est terminé devant l'organisation mondiale du commerce. Aujourd'hui, nous faisons davantage confiance à ces partenaires économiques. À titre personnel, j'estime que la pression n'est pas assez importante et que les contrôles frontaliers devraient permettre de vérifier que les engagements pris par ces pays sont réellement tenus.

Les groupes B1 et B2, les médicaments vétérinaires, ne suscitent pas beaucoup d'inquiétude : malgré des contrôles ciblés – risk based monitoring – les taux de non-conformité ne dépassent pas les 0,2 %.

Le groupe B3 regroupe les contaminants environnementaux. Le groupe B3-a contient les pesticides organochlorés, les PCB et les dioxines.

Ces deux derniers produits, constituent un héritage du passé : les PCB ont été massivement utilisés entre les années 1930 et 1970. Aux États-Unis, l'entreprise Monsanto était un gros producteur ; la France, tout comme la Tchécoslovaquie de l'époque, a elle aussi produit beaucoup de PCB, si bien que notre environnement est l'un des plus contaminés d'Europe. Pour ce qui est de l'imprégnation, l'exposition interne des Français est à peu près deux fois supérieure à celle des Allemands, quatre fois supérieure à celle des Britanniques. Cela signifie que nous sommes toujours exposés, par l'alimentation, à ces substances. Les derniers résultats publiés par l'ANSES sur les EAT le montrent : l'un des vecteurs principaux, à 50 %, des PCB et des dioxines est le poisson. Les denrées d'origine terrestre – beurre, lait, viande – sont aussi vecteurs, bien que cette partie ait beaucoup régressé en proportion ces dix dernières années. La mise en place de réglementations sur l'alimentation animale a permis de contrôler le taux de PCB et de dioxine très en amont de la chaîne, ce qui limite l'exposition du consommateur. Nous avons observé en quelques années les effets de cette politique très efficace.

Pour le groupe B3-b, qui contient les pesticides organophosphorés, il y a très peu de dépassements des limites de tolérance. On est plutôt dans le bas bruit, puisque 0,2 % des échantillons dépassent officiellement les limites maximales de résidus autorisés.

Ce sont les métaux qui causent les plus grandes préoccupations, avec d'importantes disparités entre les États-membres. En Europe centrale, les taux d'exposition et les taux de pression de ces composés sont plus élevés, mais la moyenne relevée de 5 % pour le cadmium, le plomb, le mercure et le cuivre demeure notable et doit attirer l'attention des pouvoirs publics – ainsi, l'ANSES a publié des recommandations de consommation de certains aliments. Pour caractériser le risque vis-à-vis d'un contaminant chimique dans l'alimentation, les toxicologues fixent la dose journalière tolérable (DJT). Il s'agit d'un crédit toxicologique qui, si on ne le dépasse pas sur une vie entière, ne provoquera pas certaines pathologies. La DJT est parfois dépassée pour certains métaux, comme le cadmium ou l'arsenic, encore en France, selon la tranche d'âge et la typologie de consommation. Les métaux doivent rester une préoccupation majeure pour les consommateurs français.

Les mycotoxines, du groupe B3-d, sont des substances produites naturellement dans notre environnement par des souches de champignons compétentes. Le taux de pression des mycotoxines est très dépendant des conditions météorologiques et évolue selon l'humidité et la température. Les taux de dépassement des limites maximales en 2016 sont relativement faibles, de l'ordre de 0,5 %.

Enfin, le groupe B3-e regroupe les colorants, en particulier le vert de malachite et le cristal violet, parfois utilisés en aquaculture. On observe des taux de dépassements des limites de conformité assez marqués en proportion des autres groupes, qui atteignent à peu près 1,5 %.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.