Intervention de Bruno le Bizec

Réunion du jeudi 14 juin 2018 à 11h30
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Bruno le Bizec :

Le chlordécone est un pesticide organochloré qui a été utilisé massivement sur certaines cultures, en particulier les bananeraies, pour lutter contre le charançon du bananier. C'est une molécule extrêmement efficace. Les producteurs ont donc eu du mal à se passer. Je ne reviendrai pas sur les gestions successives de ce dossier, dont j'ignore sans doute l'essentiel. Il est certain que cette molécule n'a pas été retirée assez vite du marché alors que d'autres pays, comme les États-Unis, ont pris la décision de l'interdire il y a bien longtemps.

Le chlordécone est un polluant organique persistant, très hypophile, très stable dans l'environnement. De résidu d'un pesticide, ce qu'il aurait dû rester, il est devenu contaminant de l'environnement. Il a en quelque sorte échappé à l'homme. Son temps de demi-vie va de cinq à quinze ans, ce qui signifie qu'il faut entre cinq et quinze ans pour détruire la moitié du stock, soit une courbe logarithmique quasiment infinie. Il faut certainement faire autrement : on ne dépolluera pas l'environnement.

À la question de savoir pourquoi les alertes ont été ignorées, il est difficile pour moi de répondre. Quoi qu'il en soit, je pense que l'on a pris conscience de la surexposition des populations antillaises. Certaines études pointent le lien possible entre cette surexposition et des pathologies très spécifiques. L'ANSES a tenté d'établir une caractérisation fine des vecteurs d'exposition au niveau de l'alimentation. Les derniers documents publiés par l'agence sanitaire montrent que par tout ce qui échappe au contrôle officiel – la vente au bord des routes, l'autoproduction dans les jardins – les populations, parfois par manque d'information, continuent de s'exposer au chlordécone et de maintenir un dépassement chronique de la DJT.

Le poisson et les légumes racines sont les vecteurs majeurs d'exposition. Les bananes ne sont pas concernées, puisque la chlordécone ne remonte pas jusqu'au fruit. Cela signifie que les produits exportés vers la métropole ne constituent pas un risque majeur pour la population. Nous nous inquiétons surtout pour les habitants de la Guadeloupe et de la Martinique ; les autorités ont publié des recommandations de consommation et diffusent des messages très clairs pour essayer de diminuer la pression de la chlordécone dans leur alimentation.

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