Je salue à mon tour le beau travail de MM. Freschi et Chassaigne : leur diagnostic est fort et lucide et leurs propositions – qui vont dans le sens de la régulation – sont de qualité. Le groupe Nouvelle Gauche les approuve.
Je me réjouis notamment de la reprise d'une idée en faveur de laquelle nous militons depuis longtemps : le retour d'une norme publique dans le maquis des normes privées. La haute valeur environnementale est une idée française qui peut devenir un enjeu européen et par là même constituer un instrument de différenciation des aides en échappant à l'excès de normes. L'agriculture intégrée est un objectif à atteindre.
Prenons cependant un peu de recul. La PAC a trois rendez-vous : celui du sens, celui du volume et celui des instruments de régulation.
Le sens tout d'abord : la PAC est une politique d'avenir. Les grandes puissances du monde émergent investissent en effet dans l'agriculture ; le moment n'est pas venu pour l'Europe, qui a été fondée autour de la PAC, de baisser les bras – ce serait complètement anachronique. La lutte contre les changements climatiques va nous conduire à redécouvrir les questions de sécurité alimentaire et de sécurité tout court, et à constater combien le sol et l'assiette sont des éléments déterminants de la cohésion et de la sécurité mondiale, ainsi que des régulations attendues pour le XXIe siècle. Encore une fois, la PAC est une politique d'avenir qu'il faut réaffirmer comme telle.
Se pose ensuite la question du volume. N'y voyez aucun esprit polémique, mais c'est un peu la même musique que l'on entend à propos des aides sociales : ce ne serait pas une question de volume, mais d'instruments. Je soutiens que c'est à la fois une question de volume et d'instruments. Même si nous avons tous de l'affection pour le monde paysan, ne nous voilons pas la face : les migrations, l'énergie ou les questions de sécurité internationale ne sont pas des sujets européens périphériques. L'Europe doit donc renforcer ses politiques dans ces secteurs. Mais cela ne doit pas se faire au détriment de l'agriculture. Autrement dit, c'est l'heure de vérité, ne trichons pas : il faut renforcer le budget de l'Europe. Le refuser, c'est être amené à sacrifier d'autres priorités. Cet abondement demande beaucoup de courage dans le contexte actuel, mais je ne doute pas que nous l'aurons collectivement.
Enfin, pour ce qui est des instruments de régulation eux-mêmes, il n'est qu'à se souvenir de la fin des quotas laitiers : les centimes perdus par les producteurs lors de la crise ont globalement représenté 250 millions d'euros, disparus inutilement dans des concurrences stériles, faute d'instrument de régulation entre l'offre et la demande !
Nous ne voulons pas d'une Europe des concurrences stériles ou déloyales. Nous devons imaginer de nouveaux instruments de régulation, au service des producteurs européens. Je partage le point de vue de notre collègue M. Éric Andrieu, député européen, qui a signé hier une tribune dans Mediapart avec sept collègues sociaux-démocrates, venant de différents pays : contre le libre-échangisme économique, il nous faut de nouveaux instruments de portée mondiale, une politique agricole européenne harmonieuse, une PAC plus citoyenne, plus équitable et une Europe responsable dans les négociations internationales.
Vous citiez le grand Edgar Pisani. Il nous rappelait que la planète a besoin de toutes les agricultures du monde pour se nourrir ; et pour nourrir le monde, nous aurons donc besoin de toutes nos régions.
Comme M. Antoine Herth, je suis favorable à la régionalisation et à des règles d'attribution nationales. Mais la régulation à l'échelle mondiale et les harmonisations fiscales et sociales doivent relever de l'Europe. La PAC doit rester une politique européenne majeure, une politique d'avenir.