Vous avez raison, madame Lecocq, la question du barème est importante, mais celle des vices de forme l'est encore plus. Grâce au formulaire CERFA, nous voulons sécuriser la relation de travail : si le formulaire est bien rempli, le vice de forme n'est plus un risque, alors qu'une lettre de licenciement sur papier libre a toutes les chances de ne pas être rédigée dans les règles par le patron d'une TPE. C'est ce que l'on a constaté dans le cadre de la rupture conventionnelle, pour laquelle le formulaire CERFA a permis une nette diminution des contentieux pour vice de forme. Mais nous voulons également protéger le salarié – contrairement à ce que certains pensent – puisque l'employeur vérifie par ce biais qu'il a bien rempli ses obligations. Ce sera donc une sécurité concrète pour les deux parties, qui disposeront ainsi d'un process simple à appliquer. Mais encore faudra-t-il que le formulaire ne comporte pas sept pages plus soixante-dix pages de notice ! Il faudra bien veiller à l'exécution : nous avons une petite marge de progrès par rapport à certains formulaires CERFA que je ne nommerai pas…
Monsieur Lurton, les projets d'ordonnances seront soumis au Conseil d'État fin août. Nous consulterons les cinq comités, commissions et organisations qui doivent l'être entre le 5 et le 15 septembre. Les partenaires sociaux sont présents dans l'ensemble de ces organismes, mais chacun a un angle de vue différent. Les ordonnances seront inscrites à l'ordre du jour du conseil des ministres de la semaine du 20 septembre, et publiées la semaine suivante. Ce calendrier n'est pas incompatible avec le dépôt d'un recours au Conseil constitutionnel.
La concertation sur les modalités de négociation dans les entreprises de moins de onze salariés – les TPE – et dans celles de onze à cinquante salariés – les PME – n'a pas encore abouti, mais elle a porté ses fruits malgré tout. En effet, et c'est très important, ce sujet est devenu un sujet de débat public. Par le passé, l'État a malheureusement eu tendance, comme les partenaires sociaux, à prendre en considération la seule situation des moyennes et grandes entreprises, sans réfléchir à l'applicabilité des mesures dans les petites entreprises. Vous avez porté ce débat à l'Assemblée nationale. Il a également fait l'objet de discussions au Sénat puis a été relayé par les médias. C'est un débat sain : 55 % des salariés du secteur privé travaillent dans des entreprises de moins de 50 salariés. Si les formes actuelles du dialogue social ne fonctionnent pas dans ces entreprises, cela veut dire que la moitié des salariés ne bénéficient pas du dialogue social que nous souhaitons renforcer au sein des entreprises…
Il est par conséquent essentiel de régler ce sujet. Ce n'est pas simple, car deux données doivent être prises en compte. D'une part, le dialogue social doit être structuré pour être équitable et fructueux, c'est notre conviction ; les organisations syndicales, choisies par les salariés, en sont garantes et sont les plus légitimes pour défendre ces derniers. Mais, d'autre part, cela fait des décennies que le sujet n'avance pas : il n'y a de délégués syndicaux ou de délégués mandatés que dans 4 % des entreprises de moins de cinquante salariés – et c'est encore pire dans les entreprises de moins de onze salariés. Par ailleurs, on ne peut pas imposer le même formalisme dans une TPE où le patron travaille sur le même chantier que ses compagnons et dans une entreprise plus grande. Ces entreprises sont dans des mondes sociologiques différents, il faut en tenir compte.
Dans le cadre de la concertation, tout le monde a pris conscience de la nécessité de renforcer concrètement le dialogue social au sein des TPE et des PME. Ce renforcement ne doit, en aucun cas, court-circuiter la représentation syndicale, mais il faut qu'il intervienne de façon réelle et effective maintenant, et non dans cinquante ans. Nous devons résoudre cette difficulté, sur laquelle nous achoppons depuis des décennies. Si l'on ne fait rien, il n'y a pas de raison que cela change… Sans doute les modalités seront-elles différentes dans les TPE et les PME. Dans les entreprises proches du seuil des 50 salariés, la nécessité d'une discussion avec les corps intermédiaires est évidente, et la consultation des salariés dans une entreprise qui en compte trois ne prendra pas la même forme que là où ils sont cinquante, trois cent ou dix mille.
Ainsi, l'esprit de la réforme est le suivant : renforcer le dialogue social, en améliorant les modalités de consultation des salariés puis celles de leur représentation et en tendant le plus possible, mais progressivement, vers l'organisation syndicale, notre priorité commune étant qu'il puisse y avoir négociation, débat et dialogue social. Même si tout le monde n'est pas encore d'accord sur les solutions à apporter, le diagnostic est partagé et chacun s'accorde sur le fait que la situation actuelle n'est pas satisfaisante. Reste à trouver des solutions qui ne perdent pas de vue le cap, mais soient pragmatiques sur le chemin pour y arriver. Au moment où l'on veut renforcer le dialogue social, il n'est pas question de priver de son bénéfice 50 % des salariés français, faute d'interlocuteurs !
Madame Tamarelle-Verhaeghe, la question des contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE) est effectivement hors du champ du projet de loi d'habilitation. Je distinguerai le court terme et le moyen et long terme. À court terme, pour 2017, et de façon assez classique lors d'un changement de gouvernement, on a constaté que le programme a été sur-consommé et sous-doté financièrement. J'ai donc obtenu une rallonge budgétaire pour le financer jusqu'à la fin de l'année. À moyen et long terme, l'ensemble des outils d'accès au marché du travail pour les demandeurs d'emploi de longue durée et pour les jeunes doit être remis en perspective. Deux grands types de dispositifs existent : les contrats aidés – on aide l'employeur par une baisse supplémentaire du coût du travail – ou l'investissement massif dans la formation de ces demandeurs d'emploi et de ces jeunes pour qu'ils accèdent à une compétence, gage de réussite sur le marché du travail. À mon sens, la deuxième solution est plus complexe, mais également plus prometteuse à long terme.
Nous sommes en train de réfléchir à ce sujet et nous aurons à prendre des décisions d'ici à quelques semaines pour les années qui viennent, puisque nous sommes dans une logique pluriannuelle. Nous sommes très attachés à ce que l'on investisse fortement dans la formation pour doter les demandeurs d'emploi et les jeunes d'une compétence valable et durable sur le marché du travail : le contrat aidé ne doit pas simplement consister à permettre aux publics concernés de trouver un emploi de courte durée grâce à une aide accordée à l'entreprise. Cette question sera évoquée dans le cadre des discussions que nous allons avoir au cours des semaines à venir, notamment durant les débats relatifs à l'examen du budget.